Vendredi 2 septembre, le géant russe de l’énergie Gazprom a remis la pression sur l’Allemagne et l’Union européenne (UE) en annonçant la fermeture du gazoduc Nord Stream 1 pour une durée indéterminée.
Cette annonce intervient quelques heures seulement après que les dirigeants du G7 ont tenu une conférence de presse pour signifier leur accord unanime sur l’imposition d’un « plafonnement des prix » des exportations de pétrole russe. Un tel timing pourrait écarter l’hypothèse d’une coïncidence.
Le gazoduc Nord Stream 1 avait déjà été mis hors service pour maintenance, et celle-ci aurait dû permettre de redémarrer les exportations vendredi. Or, les responsables de Gazprom ont affirmé avoir découvert un nouveau « défaut » dans la dernière turbine de compression en service du système, qui devra être réparé avant que le gazoduc puisse être remis en service. Normalement, six turbines de compression alimentent Nord Stream 1, mais quatre d’entre eux sont en panne depuis des mois et Reuters rapporte qu’une cinquième est immobilisée depuis plusieurs semaines en Allemagne après avoir été réparée dans une usine de la société Siemens au Canada.
La société Gazprom s’est plainte la semaine dernière que le retard dans le renvoi de la turbine à sa station de compression de Portovaya résultait des restrictions imposées à la Russie par les sanctions américaines et européennes. Depuis juillet, le gazoduc Nord Stream A livre du gaz à l’Allemagne à seulement 20 % de sa capacité normale, une situation que Gazprom attribue à la nécessité d’exploiter le réseau de gazoducs avec une seule des six turbines de compression en service.
« Les sanctions du Canada, de l’UE et du Royaume-Uni, ainsi que l’inadéquation de la situation actuelle avec les obligations contractuelles existantes de Siemens, rendent impossible la livraison du moteur 073 à la station de compression de Portovaya », a déclaré Gazprom.
Selon Eric Mamer, porte-parole en chef de la Commission européenne, cette « annonce faite par Gazprom cet après-midi d’arrêter une fois de plus Nord Stream 1 sous des prétextes fallacieux est une nouvelle confirmation de son manque de fiabilité en tant que fournisseur. C’est aussi une preuve du cynisme de la Russie, qui préfère brûler le gaz plutôt que d’honorer ses contrats. »
Quelles que soient les motivations réelles et les forces en action, la dernière décision de Gazprom met l’Allemagne en péril à l’approche de l’hiver. Si les autorités allemandes se sont récemment réjouies de la nouvelle selon laquelle les installations de stockage de gaz naturel ont été remplies à 80 % de leur capacité totale, cela ne constitue pas un grand réconfort pour la population. Comme c’est le cas aux États-Unis, le stockage de gaz naturel n’est conçu que pour servir d’appoint périodique lorsque les volumes de production ou d’importation actuels ne permettent pas de répondre à la demande.
En raison de décisions politiques intentionnelles du gouvernement, l’Allemagne a une production de gaz naturel très faible et dépend presque uniquement des importations de gaz naturel pour répondre à la demande actuelle, la Russie étant son principal fournisseur. Depuis que son industrie éolienne, dont il s’est amplement vanté, a montré ses faiblesses, le gouvernement allemand s’est démené pour trouver des importations supplémentaires afin de satisfaire les besoins des consommateurs et de l’industrie. Cet effort s’est intensifié jusqu’au désespoir total après la décision du président russe Vladimir Poutine de mener une guerre insensée contre l’Ukraine.
Le président américain Joe Biden a promis peu après le début de l’invasion que l’industrie américaine du gaz naturel liquéfié (GNL) s’efforcerait de répondre à une grande partie des besoins de l’Allemagne et de l’Europe, mais il a fait cette promesse sans consulter les acteurs américains du secteur. Bien que de nombreuses cargaisons américaines aient été réacheminées d’Asie et d’ailleurs pour être livrées en Europe, il faudra des années d’expansion majeure des infrastructures et des milliards de nouveaux investissements pour que l’industrie américaine fasse vraiment une grande différence pour l’Europe. Malheureusement, les régulateurs américains n’ont pas fait preuve d’une grande volonté d’accélérer la délivrance des permis nécessaires avant toute expansion.
Parallèlement, le gouvernement Biden a également fait office de modèle pour la promotion du concept de « plafonnement des prix » au sein du G7. Malgré l’accord annoncé vendredi, le groupe n’a toujours pas publié les détails d’un quelconque plan, et l’on ignore donc comment les dirigeants du G7 convaincront les trois plus grands partenaires commerciaux non européens de la Russie en matière de pétrole, à savoir la Chine, l’Inde et l’Iran, de coopérer à ce plan mondial. Une telle coopération serait essentielle à toute réussite réelle, mais cela semble peu probable étant donné l’appartenance de la Chine et de l’Inde, ainsi que de la Russie, à l’alliance de plus en plus puissante des BRICS, et le désir affiché de l’Iran d’y adhérer. L’on ne peut que se demander si les dirigeants du G7 ont vraiment réfléchi à ce projet jusqu’à sa conclusion logique, ou s’il s’agit principalement d’un message ou d’une vision.
Cette situation n’est qu’un exemple de plus du retour de bâton des sanctions russes imposées à la Russie par les gouvernements occidentaux : ces sanctions semblent infliger plus de tort à l’Europe, au Canada et aux États-Unis qu’à la Russie de Vladimir Poutine. Dans le cas présent, toutes ces sanctions ont laissé l’Allemagne et une grande partie du reste de l’Europe en grand péril à l’approche de l’hiver.
Article traduit de Forbes US – Auteur : David Blackmon
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