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Food & Beverage : la France cuisine, les États-Unis construisent des marques

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Food & Beverage : la France cuisine, les États-Unis construisent des marques

La France maîtrise l’art du bon produit. Aux États-Unis, on maîtrise l’art de le vendre. Alors que l’innovation française en FoodTech se concentre principalement sur la qualité des ingrédients et l’amélioration des recettes, les marques américaines, elles, construisent des univers puissants, fédèrent des communautés de vrais fans et imposent de nouveaux standards de consommation. Et si la vraie révolution n’était pas seulement dans l’assiette, mais aussi dans la manière dont on fait exister un produit ?

Une contribution de Marcelline Arthuis, Décrypteuse de tendances Food&Beverage en France et aux US

 

Un marché encore trop conservateur

L’attachement à la tradition est une force, mais aussi une contrainte. En France, l’accent sur le “bien-manger”, la traçabilité et l’authenticité freine parfois la créativité. Le cadre réglementaire strict (loi Evin, Novel Food) et la domination de la grande distribution limitent l’audace des entrepreneurs. Pendant ce temps, aux États-Unis, la rapidité d’exécution, les investissements et la flexibilité permettent aux marques de tester, échouer et pivoter sans attendre l’approbation des industriels.


 

La culture du snacking et l’ouverture à la diversité culinaire

Aux États-Unis, le rythme de vie effréné a imposé le snacking comme une norme. Les marques l’ont compris et proposent des alternatives pratiques, saines et innovantes. En France, on reste attaché aux repas complets et traditionnels : même pressés, on prend le temps. Les États-Unis, plus multiculturels, offrent aussi une diversité alimentaire plus large, intégrant des influences latino-américaines, méditerranéennes ou asiatiques. En France, cette diversité existe mais reste freinée par une tradition gastronomique plus conservatrice.

 

Créer une marque, pas juste un produit

Aujourd’hui, avec des consommateurs de plus en plus exigeants et éduqués, un bon produit ne suffit plus : il faut créer un univers, un storytelling puissant, une communauté, une vision. L’exemple de Liquid Death l’illustre parfaitement. Cette marque d’eau en canette, valorisée aujourd’hui à plus d’1 milliard de dollars, ne vend pas de l’eau, mais une attitude rebelle inspirée du métal et du punk, contrairement aux marques classiques jouant la carte de la pureté. Son secret ? Subvertir les codes. Ses slogans “Murder Your Thirst” et “Death to Plastic” marquent les esprits et positionnent la marque comme un acteur engagé pour la santé et l’environnement. Liquid Death ne se contente pas d’exister : elle devient un véritable culte suivi par des millions.

Dans le même esprit, on salue le travail de Graza, avec une stratégie de vente et d’innovation parfaitement exécutée. Avec son design inspiré des cartoons et sa bouteille squeeze, la marque casse les codes de l’huile d’olive premium et la rend accessible, fun et inspirante. Avec Graza, tout le monde peut cuisiner, qu’importe son niveau. Sans pub payante, mais avec des envois stratégiques à des créateurs culinaires bien ciblés, la marque a généré un buzz organique massif. Résultat ? Stock écoulé en 24h et $500.000 de ventes en trois mois. Un coup de maître.

 

La France plus traditionnelle et prévisible

Côté français, trop de marques restent encore coincées dans une communication centrée sur le produit, où l’on met l’accent sur la tradition, le savoir-faire, et ce fameux “Made in France”. C’est bien, mais est-ce suffisant ? Les packagings, eux, restent dans la zone de confort : des couleurs rassurantes, des visuels (souvent) prévisibles… Rien de vraiment audacieux, pas question d’effrayer le consommateur. Parce qu’au final, c’est lui qui choisit : même si le produit est délicieux, c’est son emballage qui va faire la première impression. La nouvelle génération, bien qu’attentive au goût et à l’authenticité, ne se contente plus d’un bon produit. Elle veut une marque qui lui parle, qui la fasse rêver, qui la comprenne mieux qu’elle-même. Une marque qui ne se limite pas à un produit, mais qui lui offre une expérience unique.

 

Les nouveaux terrains de jeu

L’innovation ne se limite pas à la formulation, elle passe aussi par la manière dont une marque se construit et engage son public. Aux États-Unis, certaines marques (Beny Yogurt est un formidable exemple) cartonnent sur les réseaux sociaux avant même d’avoir un produit fini. Comment ? En créant des communautés de fans dès les premières étapes : pop-ups, collaborations, événements privés, ventes directes, merchandising… Ces stratégies permettent aux marques de rassembler une base solide de consommateurs et recevoir leurs retours à chaud, d’affiner leur positionnement et éviter la dépendance à la grande distribution. En France, ces méthodes restent peu exploitées, freinées par un marché traditionnel encore axé sur la grande distribution et un accès aux financements plus complexe. Pourtant, certaines marques commencent à bousculer les codes, prouvant que l’audace peut payer.

 

Les Français prêts à casser les codes

Malgré un marché encore frileux, certaines marques françaises prouvent qu’audace et tradition peuvent faire bon ménage. Cherico réinvente la chicorée avec un branding vibrant, parfaitement aligné avec la montée de la “décaféination” de nos modes de vie. Résultat ? Une levée de fonds d’un million d’euros et une stratégie bien rodée, entre collaborations et accessoires lifestyle. Funky bouscule le petit-déjeuner avec une gamme saine et un design éclatant, injectant du fun dans l’univers du healthy. De son côté, La Vie impose son rose signature pour démocratiser les alternatives à la viande et transformer un simple produit en véritable phénomène pop culture. Leur point commun ? Un produit solide, porté par un marketing audacieux. La preuve que l’excellence et l’impact peuvent (et doivent) aller de pair.

 

Concilier excellence française et audace américaine : la voie de l’avenir

Pour réussir, les marques françaises doivent marier l’excellence produit avec l’audace marketing américaine. Comment ? En construisant des communautés de fans avant de penser distribution, en osant des packagings disruptifs sans renoncer aux codes de qualité, et en développant le direct-to-consumer pour réduire la dépendance aux circuits traditionnels. Les collaborations inattendues (art, mode, culture) permettraient également de décloisonner l’univers alimentaire et d’atteindre de nouvelles audiences. Notre patrimoine gastronomique n’est pas une raison de rester conservateur, mais un atout différenciant sur la scène internationale – à condition de savoir le mettre en scène avec audace.

 

Il est temps d’oser

La France a tout pour briller sur la scène internationale : des produits d’exception, un savoir-faire inimitable et un attrait mondial pour son art de vivre. Mais l’innovation ne doit plus se limiter à ajouter des morceaux de légumes dans une sauce. Il faut voir plus grand, penser différemment, oser réinventer la manière dont les consommateurs interagissent avec les marques, et créer de vrais univers irrésistibles. La FoodTech française doit arrêter de jouer petit bras. Il est temps d’oser.

 


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