Florian Philippot, candidat à l’élection présidentielle et leader des patriotes, estime que « la “start-up nation” est un slogan vide de sens et de contenu. » À trois mois du premier tour, si certains candidats se consacrent surtout à la conquête des parrainages, d’autres tentent de conquérir les Français. Comme Yannick Jadot la semaine dernière, Florian Phillipot a accepté de se prêter au jeu de notre interview. L’occasion pour l’une des figures des « antivax » de développer ses positions et son programme en matière d’économie, d’entrepreneuriat et d’innovation.
La French Tech compte aujourd’hui plus d’une vingtaine de licornes à son actif… La “startup nation” imaginée par Emmanuel Macron a-t-elle tenu ses promesses selon vous ?
Florian Phillipot : Non, la « start up nation » est un slogan vide de sens et de contenu. Macron n’a fait qu’enrober sous sa communication ce qui n’est que l’œuvre de nos forces vives. On a de gros atouts, mais qui ne sont pas suffisamment stimulés. Beaucoup trop de nos jeunes ingénieurs par exemple sont ainsi recrutés à l’étranger faute de débouchés en France, alors qu’ils sont hautement qualifiés. Si la France a rattrapé un peu son retard en nombre de « Licornes », nous le devons au seul talent de nos entrepreneurs ; nous sommes encore distancés par certains pays comme le Royaume-Uni – qui a gagné en agilité grâce au Brexit- mais je suis certain que nous pourrons les rattraper à condition de s’en donner les moyens et d’opérer des changements politiques profonds.
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Si vous êtes élu en avril prochain, est-ce que l’entrepreneuriat fera partie de vos priorités ? Quelles mesures allez-vous prendre en la matière ?
F.P : En matière d’entrepreneuriat, il n’y a pas une mesure magique à mettre à œuvre. C’est un climat favorable à l’initiative économique qu’il faut réinstaller en France. On le sait, les difficultés administratives pour la création d’entreprises sont encore trop nombreuses, et l’auto-entreprise qui a été fortement encouragée et simplifiée ces dernières années montre quant à elle ses limites en termes de débouchés et de croissance. La France a besoin de TPE/PME, pour générer de l’activité et des emplois.
Pensez-vous que la technologie et l’innovation sont à même de proposer une solution à l’équation climatique ?
F.P : Il est évident que le progrès technologique est une partie de la réponse au problème climatique, et plus généralement à l’impact environnemental des activités humaines. Moins polluer est aussi important que moins émettre de CO2, et la technologie doit permettre aux êtres humains de vivre plus sainement au regard de leur environnement. Cependant, l’innovation seule ne saurait compenser l’indispensable changement de modèle économique global. Il faut réellement en finir avec la mondialisation débridée et favoriser chaque fois que cela est possible les circuits courts. C’est une véritable révolution mentale et intellectuelle qu’il faut opérer pour basculer vers ce nouveau modèle, le seul viable à long terme sauf à vouloir épuiser la planète et continuer à creuser les inégalités. La question est donc avant tout politique.
En faisant ce que la Chine et les Etats-Unis font, c’est-à-dire du patriotisme économique, un soutien sans faille à leurs entreprises, y compris sur la scène internationale. Il ne faut pas avoir de complexe, dans aucun domaine. En revanche, il faut de la volonté politique et de l’ambition. C’est tout le sens de mon projet pour la France.
Quelles ambitions pour les entreprises françaises et leur faculté à faire le poids sur la scène économique mondiale ?
F.P : La France a toujours eu des géants mondiaux dans beaucoup de domaines (alimentaire, technologie, aérospatial, luxe, etc.), et nos grandes entreprises sont suffisamment habiles pour tirer leur épingle du jeu à l’échelle internationale. Hélas, ces dernières années, certains de nos fleurons ou entreprises stratégiques plus petites ont aussi été absorbés par des groupes étrangers avec l’assentiment scandaleux des gouvernements français. C’est une faute politique très grave et une trahison de nos intérêts économiques. Le cœur de notre action politique doit donc être de protéger nos entreprises des rapacités étrangères et de garantir leur indépendance afin qu’elles conservent une gouvernance française, dans leur intérêt et celui de la France. Après quoi, aucun complexe à avoir pour partir à la conquête des marchés étrangers.
Est-ce possible de concilier patriotisme économique et mondialisation ?
F.P : Oui, cela s’appelle être malin et certains pays, pas forcément les plus gros, y parviennent très bien. En revanche, il est impossible de concilier patriotisme économique et Union européenne puisque celle-ci l’interdit. Le patriotisme économique est pourtant une nécessité pour réussir dans la mondialisation, afin de ne pas se faire dévorer d’une part, mais aussi afin de garantir une base économique solide à nos entreprises. Il s’agit de protéger notre marché national et les grands équilibres de notre économie. Tout est une question de curseur afin que les échanges économiques avec nos partenaires demeurent équilibrés. Aujourd’hui ce n’est absolument pas le cas. La France se fait dévorer par l’Allemagne et s’efface de plus en plus sur la scène économique internationale. Notre balance commerciale est ultra-déficitaire, l’euro après 20 ans d’existence continue de nous irradier. Il y a urgence à sortir de l’Union européenne pour retrouver les leviers de notre politique économique, commerciale et monétaire.
Comment assurer notre souveraineté économique et technologique face à la Chine, aux Etats-Unis et aux Gafam ?
F.P : En faisant ce que la Chine et les Etats-Unis font, c’est-à-dire du patriotisme économique, un soutien sans faille à leurs entreprises, y compris sur la scène internationale. Il ne faut pas avoir de complexe, dans aucun domaine. En revanche, il faut de la volonté politique et de l’ambition. C’est tout le sens de mon projet pour la France.
Face à notre dépendance aux matières premières et la chaîne d’approvisionnement mondial qui nous les acheminent, une relocalisation est-elle possible ? Comment y parvenir ?
F.P : Cette dépendance aux matières premières ne date pas d’hier et doit être relativisée. Le progrès technologique fait que nous serons de moins en moins dépendants de certaines d’entre elles comme le pétrole. Pour d’autres, comme les métaux rares, nous avons des atouts considérables avec des ressources potentielles immenses grâce à notre espace maritime (le 2èmeplus vaste du monde) et à nos territoires d’Outre-Mer. La relocalisation totale ou partielle de nos activités est donc parfaitement possible. Là encore, c’est une question de volonté politique, et il nous faut récupérer tous les leviers aujourd’hui entre les mains de Bruxelles pour y parvenir efficacement.
Quelle règle devrait-on impérativement instaurer pour réguler les marchés publics ?
F.P : La règle du circuit le plus court. Il faut que l’Etat comme les collectivités stimulent l’ensemble du territoire. Bien entendu, cela doit se faire au bénéfice d’entreprises installées en France. Les marchés publics ne sauraient donc être ouverts à la concurrence européenne ou internationale (sauf dans les très rares cas où nous n’aurions pas la compétence chez nous), mais là encore : le Frexit est une obligation.
Est-ce que la théorie du ruissellement est valable selon vous ? Permettrait-elle plus de croissance et d’innovation ?
F.P : La pratique a montré que cette théorie ne valait rien. Les très riches ont été très fortement favorisés par les réformes fiscales de Macron et le résultat ne s’est traduit ni en termes d’emploi, de croissance ou d’investissement. En revanche, les inégalités de revenu ont continué à se creuser dans notre pays. Il y a donc urgence, pour les entreprises comme pour les ménages, à rétablir une justice fiscale par un impôt beaucoup plus progressif et la fin des privilèges fiscaux accordés aux plus riches.
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