Si l’hypothèse d’une hausse des impôts ciblant « les contribuables aisées et les entreprises profitables » a fait bondir une partie du camp Macron, le nouveau Premier ministre explore plusieurs pistes et a déjà fermé la porte à certaines solutions.
Un parfum de cohabitation émane de Matignon depuis que Michel Barnier envisage de toucher au dogme fiscal. Face à une situation budgétaire qu’il juge « très grave », le nouveau Premier ministre réfléchirait à augmenter les impôts en ciblant « les contribuables aisés et les entreprises profitables », d’après Le Parisien. Si l’entourage du chef du gouvernement dément envisager une telle décision à ce stade, cela a eu le mérite relancer un débat que l’on croyait enterré sous l’ère Macron.
« Il ne faut pas exclure un effort exceptionnel et raisonnable de certaines grandes entreprises ou de certains gros contribuables », appuyait le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, jeudi 18 octobre, sur BFMTV, tout en estimant qu’il faille « principalement faire des économies ». Reste qu’en testant l’hypothèse d’une hausse de la fiscalité, Michel Barnier s’est attiré les foudres d’une partie de la macronie. Le ministre démissionnaire Gérald Darmanin, pressenti pour faire partie des rescapés, a assuré qu’il ne ferait pas partie d’un gouvernement qui augmenterait les impôts. « Remettre en cause notre ADN politique et penser qu’on va dire oui… Et Michel Barnier croit qu’on va se laisser faire? Soit il est idiot, soit il nous teste », assenait un député Ensemble auprès de BFMTV.com.
Michel Barnier marche ainsi sur un fil d’équilibriste, entre sa volonté d’équilibrer les comptes de la nation et celle de ne pas trop brusquer le camp Macron. Dans ce contexte, impossible d’imaginer un retour de l’impôt sur la solidarité et la fortune (ISF). D’autant que Michel Barnier a longtemps milité pour sa suppression. Et ce, bien que ce dernier puisse rapporter près de 7 milliards d’euros par à l’Etat d’après les calculs de Philippe Crevel, directeur du cercle de l’Epargne, un centre d’étude consacré à l’épargne et à la retraite.
De nombreuses pistes
Plus plausible concernant une taxation des revenus du capital, une hausse du prélèvement forfaitaire unique (PFU), la fameuse flat tax. Actuellement à un taux 30%, un amendement du Modem proposant d’augmenter celui-ci à 35% avait été balayé par l’ancienne majorité lors de l’examen du budget 2024. Si Michel Barnier s’inspirait de la proposition du groupe centriste, cela pourrait rapporter entre 1,5 milliard et 2,8 milliards selon les estimations. Les rachats d’actions sont également dans le viseur. D’autant que cela n’irait pas à l’encontre du dogme fiscal, le projet ayant été initié par le précédent gouvernement.
De son côté, Oxfam plaide que le nouveau Premier ministre taxe davantage l’héritage des ultra riches. L’ONG cible en particulier le Top 0,1% des héritiers, ceux qui reçoivent en moyenne 13 millions d’euros dans un rapport publié mardi 17 octobre. Alors que ces personnes devraient se voir appliquer un taux marginal de 45% au-delà de 1,8 million d’euros, elles s’acquittent d’à peine 10% de droit de succession. L’ONG pointe des dispositifs d’exonération et d’exemption, en particulier le Pacte Dutreil, qui représentent un manque à gagner « de 160 milliards milliards en trente ans », selon ses calculs.
D’après le journal l’Opinion, le Premier ministre pourrait augmenter l’impôt sur les sociétés de manière temporaire. En 2023, cette taxe de 25% sur les bénéfices des entreprises a permis aux caisses de l’Etat de récupérer quelque 110 milliards d’euros. Selon Philippe Crevel, une hausse d’un point pourrait rapporter 4 milliards d’euros supplémentaires. Cette mesure comporte néanmoins, un inconvénient de taille : elle touche toutes les entreprises sans distinction aucune.
Hausse de la TVA exclue pour le moment
Afin de cibler les « entreprises profitables », Michel Barnier pourrait être tenté de taxer les superprofits, dans des secteurs comme l’énergie où la conjoncture particulière a permis de réaliser des bénéfices très importants. L’ancien ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, prévoyait de reconduire la contribution « sur les rentes inframarginales » des producteurs d’électricité en 2025. Le projet de taxe a été laissé sur le bureau de Michel Barnier par le gouvernement sortant. Celui-ci pourrait rapporter 3 milliards d’euros à l’Etat, contre 2,8 milliards en 2022 et 2023, en raison d’un meilleur ficelage.
Quant aux « contribuables aisés », une hausse de cinq points de l’impôt sur le revenu des 10% les plus riches représenteraient une manne supplémentaire de 3,8 milliards d’euros selon le Cercle de l’Epargne. Ceux-ci supportent déjà 70% de la charge globale de ce prélèvement, ainsi relever le niveau pourrait provoquer une levée de bouclier. Ne faudrait-il pas mieux s’attarder, comme le préconise l’économiste Gabriel Zucman, sur les 0,1% les plus riches qui ne paient que 2% d’impôt sur le revenu ? Difficile d’imaginer Michel Barnier se lancer dans un vaste projet de taxation des milliardaires.
Même verdict, autre explication. Une hausse de la TVA, de la CSG ou encore des cotisations sociales apparaît compliquée, car ces mesures toucheraient l’ensemble de la population sans aucune distinction, ne contribuant pas à une plus grande « justice sociale » pour reprendre les termes du Premier ministre.
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