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Finance : « L’Europe doit rester fidèle à ses ambitions climatiques » face aux « États-Unis de l’abandon »

Finance : « L’Europe doit rester fidèle à ses ambitions climatiques » face aux « États-Unis de l'abandon »
Finance : « L’Europe doit rester fidèle à ses ambitions climatiques » face aux « États-Unis de l'abandon »

Alors que les États-Unis se désengagent une nouvelle fois des Accords de Paris, les regards se tournent vers l’Europe, désormais en première ligne pour maintenir le cap de la transition écologique. Pour Marilyn Waite, entrepreneure et présidente du Climate Finance Fund, il est urgent de repenser le système financier mondial afin d’accélérer l’action climatique. Analyse et perspectives.

Forbes France : que pensez-vous des dernières mesures douanières de Donald Trump et leurs répercussions sur la finance au niveau mondial ?

Marilyn Waite : Les États-Unis d’Amérique, ou comme je les surnomme les États-Unis de l’Abandon, ne représentent que 4% de la population mondiale, et la plupart des émissions de gaz à effet de serre et de la croissance économique viennent d’ailleurs. Les mesures douanières prises par Donald Trump vont d’abord et principalement nuire aux États-Unis. Quant aux effets à l’échelle internationale, il est encore trop tôt pour en mesurer pleinement l’impact sur le système financier. Mais dans un contexte aussi tendu, la coopération internationale est plus que jamais nécessaire. En ce qui concerne la finance climatique, si on veut accélérer la transition, et c’est plus que jamais l’objectif, il est crucial que les pays puissent se procurer les équipements nécessaires pour déployer des solutions climatiques. Or, avec la hausse des taxes douanières, ces équipements, tels que les panneaux solaires, les pompes à chaleur et les véhicules électriques, vont voir leur prix augmenter. Ils deviendront moins accessibles, ce qui risque de freiner les installations et de compromettre l’atteinte des objectifs fixés par les Accords de Paris.

 


Quid du désengagement américain des Accords de Paris ? Est-ce inquiétant de votre point de vue ?

M. W. : Le désengagement des États-Unis des Accords de Paris n’est pas souhaitable. Néanmoins, nous avons déjà connu cette situation lors du premier mandat de Trump. Je ne pense pas que ceci changera fondamentalement les dynamiques des investissements verts, que ce soit aux États-Unis ou à l’échelle internationale. Pour le moment, nous observons que les financements en faveur du climat se poursuivent sur le marché, malgré cette marche arrière sur les Accords de Paris.

 

Quelles sont les solutions possibles pour remettre la durabilité au cœur de nos préoccupations ? L’Europe peut-elle jouer un rôle ?

M. W. : L’Europe doit rester fidèle à ses ambitions en matière de financement climatique et d’action réglementaire. De par son importance, le secteur financier est un excellent levier à activer. Via l’adoption de normes, l’Europe peut inciter les entreprises, européennes mais aussi internationales, à adopter des pratiques plus durables et à réorienter leurs investissements vers des solutions climatiques et sociales plus justes. L’Europe peut aussi poursuivre ses propres objectifs de développement de produits durables et de mobilisation des investissements de détail. C’est pour cela que le Climate Finance Fund soutient de nombreuses initiatives en Europe et en France, aux engagements ambitieux. Nous pouvons notamment citer : Bank for Good EU qui aide les consommateurs à prendre conscience du poids des institutions financières dans leur empreinte carbone ; Better Finance et son programme de formation à l’investissement durable dans plusieurs pays Européens ou encore l’étude Sphere qui démontre l’ampleur des pensions de retraite européennes investies dans les industries fossiles. Il est nécessaire que l’Europe intègre les principes de justice, d’équité, de diversité et d’inclusion (JEDI) dans ses initiatives afin non seulement d’atteindre ses objectifs environnementaux, mais aussi de développer une société plus équitable, inclusive et donc plus durable.

 

Est-il plus compliqué de s’engager pour la finance durable en Chine ?

M. W. : Contrairement à certaines idées reçues, il n’est pas plus compliqué de s’engager dans la finance durable en Chine qu’en Europe ou aux États-Unis. La Chine est un acteur clé de la transition énergétique mondiale, avec des engagements ambitieux pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2060. Par ailleurs, elle a déjà pris de l’avance sur plusieurs aspects de la finance durable. Nous pouvons citer l’exemple de la Banque Centrale en Chine qui est la seule au monde à avoir concrètement implémenté une initiative pour les investissements environnementaux. Elle impose en effet un taux préférentiel inférieur à 2 % pour les projets verts, alors que le taux moyen du marché se situe entre 4 % et 5 %. Le bénéfice est concret et réel. La Chine a su reconnaître les enjeux climatiques, et a compris que la finance durable peut être un levier stratégique au service de son développement à long terme.

 

Quel est le rôle de Climat Finance Fund dans la poursuite de ces solutions climatiques ?

M. W. : Climate Finance Fund est une plateforme dédiée à mobiliser des investissements vers la solution climatique. Notre activité se concentre sur le siège, situé en Chine, mais aussi aux États-Unis et dans l’Union européenne. Bâtiment, agriculture, énergie, ou même alimentation, peu importe le secteur ou le pays. Le seul critère pour entrer dans le périmètre de notre programme, c’est la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous avons deux piliers : la finance innovante et le changement systémique du système financier. Nous soutenons ou subventionnons des produits, des banques, ou de nouvelles initiatives qui peuvent être directement en lien avec le marché. Nous subventionnons également les plaidoyers qui peuvent faire changer la réglementation et la régulation pour que les règles de jeu puissent changer en faveur de la planète. 

 

Climate Finance Fund vise donc à combler l’écart de financement qui manque pour résoudre le problème du changement climatique ?

M. W. : Les questions autour desquelles nous travaillons sont les suivantes : Est-ce que notre banque est bonne pour le climat ? Est-ce que nos économies pour la retraite sont aussi alignées avec la transition écologique et la justice sociale ? On travaille profondément sur ce pilier systémique, à notre échelle. C’est le gouvernement qui est censé gérer ces grandes problématiques, mais nous essayons d’apporter notre aide. C’est ce que nous faisons avec de nouvelles idées pour faire en sorte qu’il y ait suffisamment d’investissements puisque nous aurions besoin de 3 à 4 trillions de dollars chaque année d’ici 2050 pour résoudre pleinement le problème de changement climatique. Mon rôle est de créer la stratégie, de mettre en place et de déployer les fonds pour pouvoir combler cet écart de financement.

 


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