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Face à la crise de l’événementiel, le présentiel doit redevenir la norme 

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Source : GettyImages

OPINION// Si nous envisageons le présentiel comme une étape importante d’un retour en grâce du dynamisme financier, en particulier pour le secteur de la formation ou de l’événementiel, il est avant tout une nécessité sociale indispensable à notre réengagement professionnel. Pourtant, l’avenir du présentiel n’est pas encore assuré dans un contexte morose et fragile. Ainsi, en France, les deux grands du secteur de l’événementiel, GL Events et Comexposium, optent pour des stratégies de sortie de crise différentes. Si le premier semble vouloir aller de l’avant, le second hésite toujours à sortir de son repli sur soi et laisse entendre, par la voix de l’un de ses actionnaires historiques, qu’il privilégiera à l’avenir la numérisation au détriment du physique. 

 

Année noire 

Les différents acteurs de la communication, de la formation et de l’événementiel ont été amenés à se réinventer et à trouver des solutions innovantes pour reprendre du service. Avec l’usage des nouvelles technologies, le virtuel a pris le pas sur le présentiel de façon à offrir des pratiques interactives différentes, une nouvelle expérience visiteur, des investissements hybrides de l’espace public, une diffusion efficace des informations et des savoirs et des animations de contenus inédites. 
De quoi permettre au secteur de minimiser la casse, mais pas d’envisager l’avenir avec sérénité. Si une amélioration de la situation sanitaire depuis le début de l’année 2021 est à noter, et si la demande du tourisme d’affaires, du milieu scientifique ou culturel pour organiser des événements en présentiel repart à la hausse, l’événementiel est globalement sinistré, de nombreuses agences et institutions ayant été contraintes de licencier massivement ou de s’endetter cruellement pour traverser les épisodes de confinement successifs. 

 

GL Events le volontariste, Comexposium l’attentiste

A l’issue d’une année sans commandes, les grands acteurs de l’événementiel sont à la peine et espèrent des cieux plus cléments pour sortir du marasme économique dans lequel ils ont tous été plongés brutalement dès le début de la pandémie. Au sein du top management des fleurons français du secteur que sont GL Events et Comexposium se dessinent deux stratégies distinctes, voire opposées. Si le Lyonnais GL Events accuse une perte nette de 75 millions d’euros en 2020 pour un chiffre d’affaires de 480 millions (contre 1,17 milliard d’euros en 2019), il a sollicité 249 millions d’euros de prêt garanti par l’État (PGE) pour structurer sa relance. Ayant par ailleurs lancé un plan d’économies de 190 millions d’euros, dont 80 à 90 millions de réductions de coûts pérennes, le groupe espère renouer avec les bénéfices dès cette année. Sa croissance devrait principalement être tirée par la Chine et le Moyen-Orient. En Chine, GL Events n’a ainsi pas hésité à laisser entrer le fonds d’investissement Nexus Point au capital de sa filiale locale. 
Le redémarrage devrait s’avérer plus délicat chez Comexposium. Le géant de l’organisation de foires et de salons (Foire de Paris, Salon de l’étudiant, Salon international de l’agriculture, etc.), endetté à hauteur de 580 millions d’euros, a décidé de faire le gros dos pour traverser la crise. Afin de se protéger de ses créanciers, le groupe est en procédure de sauvegarde depuis le 22 septembre 2020, procédure renouvelée en mars 2021 lui permettant de geler ses créances. Avec la bénédiction du tribunal de Nanterre, il envisage un troisième étalement de sa dette en septembre 2021. Le Crédit Agricole Assurance et la CCIP (Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris), actionnaires historiques, n’ont pas pu éviter une réduction des effectifs français d’1/4 des salariés du groupe, soit 135 sur 550 en France.
Et, contrairement à GL Events, le management et les actionnaires de Comexposium se refusent à envisager la montée au capital de fonds d’investissement. Ils se sont ainsi vu proposer par Strategic Value Partners et Attestor, deux nouveaux hedge funds, associés à KKR et Hayfin, deux prêteurs historiques, 175 millions d’euros d’argent frais et l’échange de la moitié de la dette du groupe en actions. Refus catégorique de Comexposium, les fonds s’étant « trompés de cible », selon une source proche du dossier. Et qu’importe si d’autres, comme le site spécialisé evenement.com, voient dans cette proposition une aubaine qui pourrait permettre de « relancer les activités » du groupe. 

 

L’avenir appartient… au présentiel 

Quoi qu’il advienne aux mastodontes du secteur, nous ne pourrons pas faire l’économie du présentiel, qui possède des avantages indiscutables en termes de transmission du savoir, de développement personnel et d’efficience cognitive. En situation de formation, de séminaires ou de congrès, les formateurs, coachs et conférenciers ont cette capacité à pouvoir s’adapter en temps réel à l’effectif du groupe et à interagir avec plus de pertinence et de réactivité aux questions ou objections posées. A ce titre, la sortie, dans la Tribune, du président de la CCIP, prédisant que la numérisation de Comexposium va « aller encore plus loin » en parallèle d’une réduction des surfaces de stands qui va « s’accélérer », ne rassure pas. 
C’est en effet aller à l’encontre de l’un des grands principes de l’école de Palo Alto, selon lequel, s’il faut un code, un langage commun pour entrer en relation entre les êtres, il faut aussi permettre une communication analogique basée sur la gestuelle, le méta langage, le non verbal, le mimétisme, l’effet d’entrainement par les mises en situation qui se perçoivent et se vivent par des échanges visuels, comportementaux et physiques indispensables à la qualité des messages transmis. D’après les travaux du psychologue américain Albert Mehrabian, 93% de la communication serait non-verbale : 38% du message passerait par la voix et 55% par les expressions du visage et du langage corporel.
Si la transmission de l’information repose sur un bon canal de communication, elle ne devient intéressante et valorisable que si elle est malaxée, retravaillée, adaptée en groupe, en vis-à-vis, dans un décor et dans un contexte d’échange empirique. Ajoutons à cela que le présentiel lors d’évènements permet d’entretenir son réseau, et d’aboutir, pourquoi pas, à la signature de contrats : 493 milliards d’euros sont ainsi générés chaque année.
Bien sûr, il importe de ne pas tourner le dos au numérique par dogmatisme. La crise que nous traversons a joué le rôle d’accélérateur technologique, suscitant de nombreuses innovations qui ne devraient pas tomber en désuétude avec le retour au présentiel. Il est fort à parier que conférences en ligne, visites virtuelles et autres webinars rencontreront de plus en plus de succès dans les années à venir. Les grands évènements, comme le salon Viva Technology qui s’est tenu du 16 au 19 juin 2021, optent ainsi de plus en plus pour des formats hybrides, faisant la part belle au numérique. Mais cette tendance à la virtualisation ne doit pas se faire au détriment du présentiel, qui demeure sans équivalent pour assurer la richesse de nombre de nos interactions sociales. 

 

Tribune rédigée par Laure de la Cotardière, conférencière, consultante en communication, formatrice pour les managers et dirigeants en prise de parole, et enseignante en études supérieures

 

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