Le contexte socio-économique actuel pousse l’entreprise dans une course à « l’adaptation continue » : délais toujours plus courts, circuits d’innovation serrés, pressions réglementaires, concurrence… Cette évolution passe, en grande partie, par une transformation numérique réussie, mais également par une préservation et un enrichissement des compétences humaines chargées d’exploiter au mieux ces infrastructures numériques. Malheureusement, la « chasse aux talents » est aujourd’hui un frein inquiétant au développement économique. Comment les ETI tirent leurs épingles du jeu ?
Une contribution d’Antoine Hennache, Président HN Services et Conseiller du Commerce Extérieur de la France pour les CCE – Ile de France
Quel est le véritable défi pour les entreprises aujourd’hui ? Des projets IA qui échouent, des défaillances dans la chaîne d’approvisionnement, ou des failles de cybersécurité ? En réalité, la réponse est bien plus surprenante : la pénurie de talents qualifiés ! Le contexte géopolitique a fragilisé l’économie mondiale, poussant certaines entreprises à geler leurs embauches et exacerbant la pénurie de compétences.
En 2025, la situation deviendra encore plus critique selon les experts : les départs à la retraite vont dépasser les candidatures, et l’inadéquation entre besoins économiques et vivier de talents se creuser encore plus. Les prévisions publiées par la Banque de France ne sont guère plus optimistes pour ce début d’année, avec l’annonce d’un taux de chômage en progression accompagnée d’une révision à la baisse de l’estimation de croissance, récemment ajustée à 0,9%. Les entreprises se disputent des professionnels qualifiés, tout en passant à côté d’un potentiel inexploité et de nouvelles exigences en matière de compétences : face à la montée de l’IA, les soft skills comme le leadership et l’intelligence émotionnelle, sont deux fois plus recherchées à l’échelle mondiale selon une récente étude de Cornerstone.
Les ETI misent sur la croissance organique
Face à ces défis, les dirigeants d’ETI restent relativement optimistes. Selon le baromètre OpinionWay-Grand Thornton-Challenges, 83% sont confiants en leurs perspectives économiques pour les six prochains mois, une hausse de 5 points par rapport à fin 2024 malgré le fait que seuls 31% soient rassurés par l’économie française et 39% par l’économie mondiale. Malgré cette incertitude, les intentions d’embauche sont en progression : si 82% des entreprises prévoient de stabiliser leurs effectifs (-10 points) et 5% anticipent des réductions de personnel, 13 % tablent sur une croissance organique (+8 points par rapport à fin 2024). Toutefois, près de 38% des dirigeants pointent la pénurie de compétences comme un frein majeur à leurs décisions stratégiques pour 2025. Une problématique qui risque de freiner l’essor de celles qui ambitionnent de croître rapidement.
S’adapter pour réussir
Les ETI françaises, soit 6200 entreprises consolidant un chiffre d’affaires supérieur à 1000 milliards d’euros et responsables de 30% des exportations françaises, jouent un rôle clé dans l’économie nationale. Face à un environnement numérique de plus en plus concurrentiel, le défi est clair : pour rester compétitives, elles doivent non seulement accélérer leurs recrutements, retenir les talents mais aussi réinventer leurs approches de formations, en anticipant les compétences de demain.
L’enjeu est de taille, car leur compétitivité future dépend de leur capacité à s’adapter continuellement et à attirer les bons talents nécessaires à leur croissance. D’ailleurs, 94% des ETI interrogées par BPI France ont déjà pris les devants en revalorisant les salaires. Mais attirer et retenir les compétences ne se limite pas à la rémunération : renforcer la marque employeur, ouvrir la porte à des profils atypiques et investir dans l’automatisation des tâches sans valeur ajoutée grâce à l’IA leur permettront de se concentrer sur des leviers de croissance durables.
Former, faire évoluer, intéresser
Dans ce contexte économique de plus en plus exigeant, la valorisation du collaborateur ne doit plus être vue comme une simple option, mais comme un impératif stratégique pour toute entreprise. Pour maintenir l’engagement, une rémunération et un package d’avantages sociaux attractifs ne suffisent plus. L’évolution des talents, que ce soit à travers la formation, la mobilité interne ou la promotion dans leur domaine d’excellence, devient un moteur essentiel pour garantir la compétitivité.
Parallèlement, le modèle de recrutement traditionnel, souvent déconnecté des besoins réels, exclut des talents inexploités comme les personnes en reconversion, les seniors ou les jeunes professionnels à fort potentiel. Le recrutement axé sur les réelles compétences va valoriser ce que les candidats savent faire ainsi que leurs qualités humaines et transverses. Des “power skills” – communication efficace, pensée innovante et analytique, curiosité, leadrship, créativité et adaptabilité, … – inestimables face à l‘IA.
ETI : un certain pouvoir d’attraction et des promesses
Selon une étude IFOP-EDC, le premier critère de choix d’une ETI pour un candidat, réside dans les perspectives de carrière qu’elle propose. Près de 40% des responsables RH et 30% des cadres privilégient la qualité des relations au sein d’une entreprise à taille humaine. Viennent ensuite la diversité des missions, la formation continue, la flexibilité organisationnelle, l’innovation et des circuits de décision agiles. L’ETI, plus attractive que les grandes entreprises rigides ou les start-ups limitées par leurs ressources, incarne une véritable culture d’entreprise fondée sur la disponibilité et l’attention à autrui. Les ETI sont attractives car elles offrent une culture de proximité, favorisant des relations directes et une meilleure réactivité.
Elles permettent une évolution rapide des carrières grâce à une hiérarchie plus souple, offrent des missions variées et un environnement de travail flexible. Leur agilité et capacité d’innovation attirent les talents qui cherchent à être au cœur du changement. De plus, elles offrent plus d’autonomie et de responsabilités, ce qui est idéal pour ceux qui veulent avoir un impact direct.
Les organisations se sont trop concentrées sur l’apprentissage des compétences liées au comment du travail, tout en négligeant celles qui permettent de comprendre le pourquoi. Les compétences liées à l’exécution d’une tâche spécifique ne restent pertinentes que si cette tâche ne change pas. Or, dans le monde d’aujourd’hui, la manière dont nous effectuons les tâches évolue rapidement, qu’il s’agisse d’une nouvelle machine en usine, d’un processus ou d’un nouveau système d’entreprise.
De plus, il est nécessaire de comprendre aussi que le modèle de recrutement classique, centré sur les diplômes et l’expérience passée, est aujourd’hui obsolète. Les compétences réellement recherchées ne s’apprennent pas toujours à l’université et un beau CV ne garantit plus la productivité. En 2025, pour attirer les talents de demain, les ETI doivent privilégier les compétences, offrir un environnement flexible, inclusif et ayant du sens tout en utilisant l’IA intelligemment, pour ne pas oublier l’humain. Quant au numérique, il est désormais le terrain de jeu décisif des RH pour l’employabilité. Ceux qui l’embrassent avancent, tandis que les autres risquent de rester à la traîne.
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