« La France va mal, la France a peur… » Et si ce n’était pas totalement vrai ? Et si l’on remisait au placard pour quelques instants le sempiternel pessimisme français? Malgré un contexte socio économico politique morose (oui il faut le reconnaître cet article se veut être un petit rayon d’optimisme dans un contexte difficile), la France n’est pas juste synonyme de Loose : oublions les ‘affaires’ des élections présidentielles, oublions les annonces sur les 3 millions de chômeurs, oublions les émeutes en banlieues, oublions l’économie au ralenti, oublions l’humiliation du PSG…
La France va beaucoup mieux qu’on ne le pense, et parfois même, elle gagne! En exemple, le secteur des alcools français et notamment du cognac, qui ne s’est jamais aussi bien porté (les vins et spiritueux sont le 2e contributeur à l’excédent commercial de l’économie française, et les exportations de cognac ont à elles seules pesé 2,77 milliards d’euros, dépassant même les ventes de champagne en 2016). Pour mieux appréhender cet univers pas toujours apprécié à sa juste valeur dans notre pays, nous avons été à la rencontre du président d’Hennessy, la plus illustre des maisons de cognac.
Thomas Mondo : Comment va Hennessy ?
Bernard Peillon : Plutôt bien de manière générale puisque la maison Hennessy est fidèle à son modèle de développement. Elle est capable de saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent. Par exemple, le marché est très porteur pour le cognac et Hennessy en particulier aux Etats-Unis. Nous avons constaté une amélioration en Russie et en Afrique, ainsi qu’un contexte porteuren Asie
Je dirais que 2016 est une année qui s’est bien dessinée et nous nous projetons actuellement sur la préparation des années à venir.
TM : L’univers du Cognac et des Spiritueux a été impacté, notamment par les nouvelles politiques chinoises. (Et nous savons la place qu’occupe la Chine dans la consommation de Cognac) Qu’en est-il aujourd’hui ? Sentez-vous une relance / une normalisation ?
BP : La place de la Chine est surestimée telle qu’elle est aujourd’hui, ce n’est plus le pays où la consommation de Cognac est la plus importante en Asie Pacifique.
Évidemment, la Chine représente un marché important et son influence sur la communauté chinoise est indéniable, mais elle ne représente pas à elle seule l’Asie-Pacifique.
Lorsque l’on regarde le Vietnam, la Malaisie, l’Indonésie, les Philippines, le Cambodge ou encore le Laos, vous avez au total, une activité qui est tout à fait bien portante et qui est plus importante que la Chine toute seule… de même, si un marché comme la Chine sous performe, il ne faut pas conclure immédiatement que cela impacte la totalité de l’Asie-Pacifique.
Pour répondre à votre question, nous avons clairement souffert comme la plupart des autres acteurs du secteur en 2014-2015, pour finalement commencer à voir un marché qui se réorientait positivement lors du dernier trimestre 2015. Cette consommation était plus personnelle que la politique de gifting jusque là en cours. Nous avons enlevé « la cerise sur le gâteau », et travaillons en nous préoccupant de la consommation à domicile et la consommation sur le point de vente.
Il se trouve que nous avions anticipé, il y a 6 ans, le possible retournement du marché chinois. Dans tous les cas, nous nous étions dits que le développement de la Chine ne se ferait pas exclusivement sur les classes supérieures, mais qu’elle passerait, comme on le voit dans le reste du monde, par une classe moyenne, d’où le lancement il y a 6 ans de ‘Classium.’
TM : Quels sont les grands territoires de consommation du Cognac ?
BP : Je dirais que nous sommes une affaire commerciale dont le pragmatisme, l’agilité et le fait de saisir les opportunités sont des qualités fondamentales. Le but est d’arriver à se projeter avec un certain niveau de lecture, afin de savoir s’il faut regarder tel ou tel marché, savoir comment analyser le nombre d’habitants ayant un potentiel, etc…
En premier lieu, sans conteste, le continent Américain. Le Mexique est un marché en plein développement pour nous depuis 15 ans. Mais aussi le Canada, état malgré tout compliqué du fait de la distribution par monopoles. Et, au cœur les Etats-Unis, le plus grand marché de spiritueux au monde.
L’Amérique est donc un grand marché incontournable que nous avons bien fait de ne pas laisser tomber en faveur de la Chine comme certains acteurs ont pu le faire. Le marché Américain nous est alors devenu favorable. C’est une décision que nous avons prise depuis quelques années dont nous tirons tous les bénéfices aujourd’hui.
Les choses sont parfois plus compliquées en Asie puisque nous devons savoir gérer un certain protectionnisme, des taxes à l’importation, etc… La gamme Classium en est la parfaite réponse, elle a été spécifiquement conçue pour le marché chinois. Tout le travail que nous faisons maintenant est dans une logique de long terme. Vous verrez au cours des mois prochains, une accélération du travail, de nos projets avec les artistes et leaders d’opinion culturels car l’objectif est clairement de comprendre et de s’adapter aux cultures locales pour faire que la maison résonne de façon pertinente à leur égard.
Moins connu, le continent africain est un territoire où l’on apprécie fortement le cognac que ce soit « sec » ou en cocktail. Tout particulièrement en Afrique anglophone. Le Nigeria, l’Afrique du Sud sont devenus des marchés très dynamiques ces 10 dernières années.
TM : Mais pourquoi un tel désamour entre Cognac et ‘Vieille Europe’ ?
BP : L’Europe de l’Ouest, en vertu de raisons historiques, a plutôt opté pour le whisky qui a été beaucoup importé.
Saviez-vous que la France est le premier marché de scotch au monde ? L’implantation géographique d’Hennessy et du cognac (proximité de la Rochelle et de Rochefort) ont fait que notre industrie s’est immédiatement tournée vers l’exportation. Hennessy a été fondée en 1765 et sa première expédition vers les Etats-Unis date de 1794… Si vous déclinez toutes les routes maritimes de la planète, vous verrez qu’elles correspondent aux grands axes de développement du cognac (Asie, Amériques…).
TM : Quel est votre modèle de développement ?
BP : Ne pas mettre tous les œufs dans le même panier ; c’est-à-dire avoir une large présence géographique puisque le monde ne cesse de changer. Il est important d’avoir une bonne gestion du risque au niveau mondial pour être totalement adapté.
La première force de la maison Hennessy est son déploiement international, nous suivons nos clients partout sur la planète.
TM : Comment êtes-vous perçus alors que vous avez créé un cognac qui ne respecte pas les codes traditionnels ?
BP : Notre métier est de créer de grands cognacs. La maison Hennessy accepte que chacun puisse avoir son propre mode de vie et son propre climat, donc que chacun puisse consommer le cognac différemment. Et les campagnes de communication Hennessy retranscrivent cela.
Prenons le cas des African Americans qui consomment le Hennessy avec du jus de canneberge, l’astringence du jus va remarquablement bien avec la rondeur et le fruité du Hennessy VS…Les jeunes Chinois mélangent eux aussi du Hennessy VSOP avec du thé vert glacé. Ces cocktails sont très novateurs : C’est une bonne opportunité pour la maison Hennessy alors que nous sommes parfois mis sur un piédestal de se réinventer et d’être adopté par une nouvelle génération de consommateurs.
TM : Pourquoi un tel intérêt de la communauté hip-hop pour le cognac ?
BP: Il y a peut-être une photo qui vous a frappé parmi la série de portraits en noir et blanc dans notre circuit de visites. Herb Douglas, ancien champion olympique de saut en longueur, est devenu l’un des premiers vice-présidents noirs d’une entreprise américaine dans les années 1960. Du fait de son passé olympique, il avait un statut indéniable auprès de la communauté Afro-Américaine.
(collab herb douglas x hennessy)
Par le biais d’Hennessy la communauté noire a donc senti cette proximité avec notre maison, qu’elle n’avait pas avec le scotch qui était par nature beaucoup plus « WASP ».
Hennessy représente l’anti-establishment. Il se trouve que j’ai vécu à New York dans les années 80, donc j’étais présent lorsque Harlem et le Bronx étaient en faillite, au moment de l’émergence du mouvement hip-hop. La communauté noire s’est donc appropriée Hennessy et citait la maison systématiquement dans les chansons de rap. Il ne faut pas passer à côté de la sensibilité, de la culture et des symboles de chaque communauté.
La maison Hennessy, dans son histoire, a une attache émotionnelle et une relation très personnelle. C’est-à-dire que nous avons une vraie volonté que tout acte de la part de la maison soit en respect de l’intelligence d’autrui. Nous ne faisons rien si cela n’élève pas la relation que nous avons avec notre consommateur. Lorsque nous lisons l’histoire de nos prédécesseurs, il y a cette dimension où l’on passe du temps dans un pays pour s’immerger dans la culture locale, dans le tissu social pour ensuite trouver les points de connexion. Et c’est pour cela que j’utilise souvent l’image du caméléon : conserver l’âme d’Hennessy tout en ayant cette démarche d’acceptation de l’environnement dans lequel nous sommes.
TM : Expliquez-nous la forte collusion que vous avez avec le monde de l’art.
BP : Cette collusion est historique. Il y a toujours eu, très naturellement, un rapport à l’art, à partir du moment où vous promouvez un certain art de vivre, que vous êtes en relation avec des artistes. Il est particulièrement intéressant, avec des marques comme Hennessy, de s’inscrire dans la contemporanéité. Il faut se mettre à la place de notre consommateur et se poser certaines questions : quelle posture doit avoir la marque ? Quelles opportunités de connexion propose t-elle ?
Dans le luxe, il est indispensable que les marques gardent une certaine stature face au consommateur, mais il faut ouvrir le dialogue sur des produits qui sont finis. L’objectif ici est très clair ; la marque est le héros et non l’artiste. L’artiste est invité à rentrer dans la marque, à la comprendre, la sentir, toucher son âme.. Cela nous permet de parler aux consommateurs d’une façon pertinente et excitante, avec l’idée que les meilleurs talents du monde ont partagé leur vision du monde, nous donnant un temps d’avance. En évitant évidemment d’être dans la copie, l’imitation ou dans un flux de pensée unique. Depuis 10 ans, nous avons accéléré le rythme des collaborations autour d’une soixantaine d’artistes reconnus au niveau mondial qui, d’une manière ou d’une autre, sont venus apporter leur talent.
( collaboration artistique Hennessy x Scott Campbell )
TM: Que souhaitez-vous pour la maison Hennessy dans les 250 prochaines années ?
BP : 3 choses fondamentales :
1) Garder intacte la passion qui nous habite et qui fait que nous sommes extrêmement exigeants et émotionnellement sensibles.
2) Faire perdurer, incontestablement, l’excellence de la maison Hennessy en empêchant qui que ce soit de toucher à cela.
3) Rester dans une relation 100% tournée vers le consommateur avec cette capacité à se connecter de façon totalement pertinente et intelligente dans le monde entier, tout en restant totalement ouvert à tous.
TM: Racontez-nous ces nouvelles visites Hennessy inaugurées en mai dernier. À qui s’adressent-elles ?
BP : Nous avons essayé d’être « juste ». Le plus facile aurait été de rentrer dans une forme de surenchère alors que nous ne sommes pas appelés à recevoir des centaines de milliers de personnes. . À partir du moment où vous avez une activité avec des savoir-faire comme les nôtres, aller à la source pour tout consommateur doit lui permettre de voir ce qui fait l’âme et l’essence même de ce que propose Hennessy.
Notre mission est d’exprimer, de la façon la plus parfaite possible, ce que nous sommes…. en 1h30 !. J’ai refait récemment le circuit de visite à titre privé, je me suis laissé conduire dans le cadre d’une visite grand-public classique, celle que nous appelons « Signature », et cela m’a permis de vivre pleinement l’expérience.
C’est absolument fondamental pour nous de pouvoir proposer une telle offre, dans le but que chaque invité puisse sortir avec une bonne compréhension de l’univers Hennessy, et mieux comprendre la passion qui nous anime depuis autant d’années.
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