Les pubs Aubade s’adressent directement ou indirectement à l’homme du couple, comme le prescripteur tacite ou explicite d’achat de sous-vêtements Aubade pour sa dulcinée.
Si à l’époque ces pubs superbes déployées en plein Paris sous forme d’inoubliables « leçons de séduction » ont défrayé la chronique, on reste aujourd’hui un peu sur sa faim quant à leur « transformation digitale » et à leur adaptation à ce qu’est devenue la femme des années Internet. Avec de fait une envie de dire : « Oui, les leçons de séductions des pubs Aubade on connaît, mais c’était il y a 30 ans… ! La femme « obscur objet de désir », c’est un peu passé de mode aujourd’hui. Et puis il y a Internet maintenant, les réseaux sociaux, Metoo, Balancetonporc, etc. On a changé d’époque, il faut évoluer avec son temps ».
Marketing traditionnel cassé
De fait, les avis des marketeurs des années Internet sont sans doute un peu partagés quant au l’issue de la très récente opération « comm » de la marque de lingerie pour tenter de raviver le succès de ces pubs exhibant certaines parties de corps de femmes sans visage, vestige flamboyant de la publicité des années 90.
Après quelques jours d’affichages en décembre sur la façade des Galeries Lafayette, l’adjointe à l’égalité homme-femme chargée de la lutte contre les discriminations et les droits humains a crié au sexisme et la discrimination. Que cette dernière ait ou non été suivie sur les réseaux sociaux, il n’en demeure pas moins que 48h plus tard, l’affiche était retirée pour être remplacée par une plus sage bouteille de parfum Versace.
Dans les années 90, afficher en 4×3 en plein Paris une paire de fesses sans visage, c’était à la fois de l’art et du « génie marketing ». Et celles et ceux qui en étaient offusqués ne représentaient alors qu’un microcosme puritain isolé.
A cette époque où marketing et publicité étaient synonymes et où les marketeurs avaient pris l’habitude de capter de manière forcée l’attention du consommateur, ce genre de coup de comm marchait effectivement plutôt bien. A cette époque, le fameux « qu’on en parle en bien ou en mal, l’essentiel est qu’on en parle » était une tactique marketing efficace.
Aujourd’hui, la même paire de fesses sans visage placardée en 4×3 dans Paris (donc la même publicité dans les mêmes conditions d’affichage), c’est du sexisme et de la discrimination suscitant l’ire et l’indignation des défenseurs/ses de l’égalité homme-femme. La méthode habituelle consistant pour une marque, au prétexte qu’elle a suffisamment d’argent pour se payer en pleine période de fêtes et en plein Paris, une superbe campagne de pub, à interrompre le consommateur ou à le choquer pour capter son attention de manière imposée ne trouve plus vraiment preneur.
Même ingrédients, même recette. Mais pour quel résultat ?
De la photo d’une culotte au récit de la femme qui la porte
La différence entre ces deux campagnes de pub ?
30 ans. Une génération. Une génération Internet, une génération connectée, une génération « sociale » et « digitale » qui va raconter ses stories sur Insta, créer sa communauté sur Facebook et donne son avis minute après minute sur son fils d’actu Twitter. Reléguant ce faisant à l’âge de pierre la stratégie basée sur le « catching the eye ball » (capter l’attention/attirer l’œil). Le marketeur doit désormais gagner l’attention du consommateur, la mériter.
Comment le peut-il ?
En passant de la photo au film. En passant de la pub au récit. En racontant une histoire suffisamment parlante pour déclencher une connexion puis une conversation, laquelle se transformera, si elle reçoit un écho suffisant, en un véritable mouvement (certains appelleront ça une communauté).
Autrement dit, en passant du marketing version « pub » des années 90 à celui dont l’épicentre est désormais le contenu : le content marketing.
Depuis que le postulat marketing a changé, depuis que les marques sont contraintes de cesser de parler d’elles pour s’adresser à leurs audiences, le marketeur doit désormais renoncer à communiquer des faits liés à son produit (montrer la culotte que l’on veut vendre sur une paire de fesse) pour se concentrer sur le récit que ces « fesses » racontent … (sur la vie de cette femme sans visage ? Sur l’impact que cet exhibitionnisme banalisé pour certains ou ce libertinisme savoureux pour d’autres pourrait avoir sur des millions d’autres femmes qui n’ont pas les mêmes ? etc.).
Du contenu publicitaire au contenu conversationnel
Lorsqu’un contenu publicitaire est de bonne qualité, il suscitera toujours une réaction. Mais une réaction ponctuelle que la marque aura du mal à placer au cœur d’un véritable mouvement durable, fédérateur ensuite d’une vraie communauté pour son audience et créateur de nouveaux marchés pour elle.
A un moment ou à un autre ce contenu de marque auto-centré ne se suffira plus à lui-même pour permettre une connexion durable entre des personnes animées par une même cause. Il pourra peut-être en être le point de départ mais pour aller plus loin, ce contenu, si exceptionnel soit-il, devra à un moment ou à un autre être complété :
- D’une création de contenus durable cette fois intégralement tournée vers l’audience, ne s’adressant qu’à elle et ne parlant que d’elle – et plus du tout de la marque. Tels sont les contenus dont il est question dans une stratégie de content marketing.
- D’un leader. D’une personne suffisamment motivée pour créer ces contenus ou orchestrer leurs créations afin de fédérer d’autres personnes animées des mêmes motivations : le content marketeur (aujourd’hui appelé Responsable du contenu, Chief Content Officer, ou Directeur du content marketing). Celui dont l’essence même du métier est de trouver, dans notre monde surinformé et hyper connecté, un moyen de déclencher notoriété et confiance autour de son produit/service, car sans l’un ni l’autre, il ne parviendra plus à le vendre.
Quelques idées de content marketing pour Aubade ?
Comment la marque Aubade pourrait-elle passer d’une campagne publicitaire, en son temps (en 1992) exceptionnelle et qu’elle tente de raviver à coup de bad buzz, à la création d’une communauté durable et vivante sur Internet en rebondissant ou en capitalisant sur le succès de ces superbes contenus publicitaires ? Quelques idées.
- La femme Aubade a aussi un cerveau. Non la Femme Aubade, ce n’est pas « juste » celle qui a une belle paire de fesses. C’est aussi celle qui a un cerveau car oui, avoir les deux, c’est possible ! Pour développer cette idée, pourquoi pas un partenariat éditorial amusant avec un magazine décalé et positionné à l’opposé diamétral de cette image « papier glacé objet de désir » de la femme, le magazine Causette d’ailleurs auto-proclamé « le magazine plus féminin du cerveau que du capiton » ! Imaginez une série de contenu ou l’on donnerait la parole aux femmes Aubade sur un mode « Le QI des fessesmmes Aubade ».
- Un beau corps est d’abord un corps sain, pas un corps squelettique (anorexique) ou photoshopé… Imaginez le/la directrice marketing d’Aubade transformé(e) en « grand reporter féminin » en partenariat avec une femme figure de proue de la lutte contre l’anorexie féminine s’alliant pour créer un contenu dénonçant le diktat de l’extrême minceur et de l’anorexie des jeunes filles. Contenu qui interviendrait, par exemple, en support d’une diversification des produits Aubade : ligne spéciale de dessous « très grandes tailles », par exemple.
- Etre sexy est une liberté. Le harcèlement sexuel est un délit. Dans quelle mesure la marque Aubade n’aurait-elle pas pu, naturellement de manière authentique et strictement non commerciale, s’allier au mouvement #metoo ? La marque Aubade n’aurait-elle pas été tout à fait légitime pour défendre le droit absolu des femmes à vouloir être sexy et désirable – sans que cela ne soit interprété par une certaine gent masculine comme un appel au harcèlement sexuel, voire pire, au viol !
Ceci n’est qu’un exemple illustrant le passage possible (et les différences) entre les vertus d’un contenu statique, si réussi soit-il, adressé unilatéralement à une audience passive, qui subit (même si dans le cas des pubs Aubade, elle subit avec plaisir !) – et un contenu qui raconte une histoire authentique, s’adressant à des personnes unies entre elles par une même cause et ne demandant qu’à être connectées pour unifier leurs forces par la magie d’Internet…
N’importe quelle marque a désormais l’opportunité de devenir leader de sa propre communauté au sein de son industrie. Pour y parvenir, elles n’ont à répondre qu’à une seule question : quel modèle économique souhaite-t-elle affecter au contenu qu’elles créent au nom et pour le compte de leur marque ? Un contenu de marque de type « écoutez-moi ! » qui leur permettra de grappiller quelques parts de marché sur leurs concurrents ? Ou un contenu « suivez-moi ! » de content marketing qui leur permettra de découvrir de nouveaux marchés ?
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