De passage à Paris, ce 21 juin, à l’occasion du renouvellement du contrat liant Microsoft et l’Inria, Eric Horvitz, ‘Technical Fellow’ et directeur de Microsoft Research(*), a souligné les points forts de la R & D de Microsoft dans l’IA (intelligence artificielle) et le ‘machine learning’.
Quelles sont les grandes étapes ou l’historique de l’IA chez Microsoft ?
L’Intelligence artificielle, ce n’est pas nouveau chez Microsoft. Nous sommes actifs dans ce domaine depuis 1993 au moins. Il était déjà question de diagnostics automatiques dans le domaine de la santé et d’aide à la prise de décisions. Avec les travaux en cours à l’époque, nous avons rejoint Microsoft Research. La principale raison était que Bill Gates pensait déjà que nous développerions des ordinateurs capables de comprendre et d’assister les personnes, grâce à la prise de décisions et au ‘machine learning’.
Depuis lors, divers systèmes sont apparus – comme le Deep Blue d’IBM, ordinateur champion aux jeux d’échecs en 1996 ou encore AlphaGo de Deep Mind, acquis par Google Alphabet, champion au jeu de Go, en 2015.
Mais beaucoup d’autres contributions s’y sont ajoutées, même si elles ne sont pas toujours considérées comme rattachées à l’IA. Par exemple, dans les récents développements de Windows, a été ajoutée la capacité de deviner, d’anticiper ce que l’utilisateur pourrait faire. Ce peut être des fonctions très puissantes.
En 2008, nous avions développé sur Live.com, l’application ClearFlow permettant, à partir de données GPS, d’éviter les bouchons de circulation. Dans la santé, il y a eu également un système d’identification de risques majeurs.
Puis 2009-2010 a été une période d’inflexion dans le domaine de l’IA, avec l’apparition de nouvelles technologies, en particulier, la reconnaissance de modèles (‘patterns’) toujours plus précise notamment dans les technologies laser mais également dans la reconnaissance vocale et la traduction, autant d’applications qui ont été intégrées à Skype, par exemple.
Tout ceci nous a conduits à des innovations, y compris dans Microsoft Office, comme l’édition automatique de légendes pour les photos ou des idées pour mieux utiliser ses slides.
Qu’est-ce qui vous paraît particulièrement significatif dans l’IA ?
A l’époque où j’ai passé mon diplôme PhD (doctorat en médecine), il existait déjà des défis cruciaux dans le domaine hospitalier.
Aujourd’hui, je suis très heureux de me retrouver en France. Hier, lors d’un entretien à l’Elysée avec des conseillers d’Emmanuel Macron, nous avons échangé sur des projets passionnants autour du rapport IA du député Cédric Villani. Nous constatons l’émergence de nombreuses technologies. Depuis plusieurs années, on voit des ateliers, des initiatives parfois un peu folles mais un jour cela pourrait avoir un bon impact.
Ce sera le cas dans le domaine de l’intellect, de la compréhension et de la prise de décisions, et cela dans beaucoup de secteurs. Et nous avons clairement notre part de responsabilité dans les enjeux. Pour la société civile, les gouvernants, les responsables communication, les journalistes, les enseignants, se pose notamment la question du « comment former les gens ». Il y a beaucoup de points sensibles dans le domaine de la sûreté, des véhicules autonomes, la santé, la justice, la criminalité…
Nous devons faire des évaluations. Il existe toujours des risques de biais dans les statistiques, dans les affaires de criminalité, etc. Tout cela concerne les droits de l’homme. Il faut donc beaucoup de transparence, y compris dans des algorithmes, comme ceux utilisés dans la maintenance. Toute interférence avec les données des personnes doit être justifiée car les valeurs principales à défendre restent les droits de l’homme, la liberté de parole et d’expression.
Quels sont les grands défis face à ces enjeux et à ces technologies ?
Je suis fondamentalement optimiste mais il faut s’interroger sur ce qui pourrait aller de travers. Tout n’est pas fabuleux dans le monde actuel, mais il existe des possibilités énormes. Cela concerne l’éducation, la formation. Les transports, aussi, qui peuvent être beaucoup plus sûrs.
Il y a aussi cette idée de renforcer les aptitudes des personnes : ainsi l’équipe de développement de Microsoft Cortana a travaillé sur toutes les promesses d’engagement que chacun de peut formuler, tout ce que nous voulons faire dans une journée. Comment faire pour y parvenir ? Comment mieux gérer le temps, et pour cela comprendre les biais qui s’introduisent dans notre agenda, etc.
Nous avons également travaillé sur les erreurs humaines en milieu hospitalier, à partir d’une étude sur les risques mortels, rien que dans le transport des patients d’un lieu à un autre.
Nous prospectons également le domaine de la sécurité, grâce au ‘machine learning’ – les comportements et intentions des hackers dans les attaques en série (‘serial attacks’). Nous avons également un groupe de travail qui vise à maximiser le temps passé sur telle ou telle application Microsoft, pour parvenir à un meilleur service.
Sur quelles innovations dans quel domaine, travaillez-vous actuellement dans vos ‘labs’?
Nous travaillons toujours sur nos fondamentaux, à partir du ‘machine learning’ initié en 2009, qui, je l’ai dit, a été un point d’inflexion. Nous travaillons sur la microstructure des algorithmes, sur les processus d’optimisation.
Et quels sont les domaines de collaboration entre l’Inria et Microsoft ?
Les défis posés par l’IA s’inscrivent sur le long terme, comme, par exemple, la reconnaissance vocale, la traduction. Cela repose sur la reconnaissance de modèles. Ce so nt autant de technologies qui concernent l’intelligence humaine. Par exemple, la notion de ‘sens commun’ dans le langage, dans une conversation courante. Ou comment l’apprentissage peut-il s’appliquer de A vers B. Ou encore les questions du type « what if ? » (Que se passerait-il si…) pouvant être résolues par une machine. Comment apporter des capacités ou formes d’intelligence ?
Autre sujet : les problèmes de collaboration entre personnes et entités: comment rendre fluide la collaboration, non plus seulement devant un écran, mais lors d’un dialogue incluant une machine. Comment optimiser la collaboration humaine en complément d’une machine, etc.
Bref, il reste encore énormément de choses à faire.
– – –
(*) Eric Horvitz, Technical Fellow et directeur de Microsoft Research, est docteur en médecine de l’université de Stanford. Il a œuvré dans les domaines de l’apprentissage automatique, de la perception, de la compréhension du langage naturel, de la prise de décision et de la collaboration homme-IA – dans divers domaines : santé, transport, e-commerce, systèmes d’exploitation, aérospatial… Il a reçu les prix Feigenbaum et Allen Newell pour ses contributions à AI. Il a été élu membre de la National Academy of Engineering (NAE), de l’Association of Computing Machinery (ACM), de l’Association pour la promotion de l’IA (AAAI) et l’Académie américaine des arts et des sciences dont il a été président.
Au-delà du travail technique, il a travaillé sur les influences de l’IA sur les personnes et la société, sur les questions d’éthique, de droit et de sécurité. Il a lancé l’étude « 100 ans d’IA ».
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits