Raconter des histoires, ou raconter une histoire, telle est la question. Le storytelling ou l’art de raconter, pour séduire ou convaincre les consommateurs, est aujourd’hui au cœur des techniques de communication. L’objectif n’est pas de raconter une histoire pour l’histoire, mais d’appliquer des procédés narratifs pour renforcer l’adhésion du public et donc de potentiels clients. Jeanne Bordeau, fondatrice et directrice de L’Institut de la qualité de l’expression, propose son analyse après avoir étudié la stratégie numérique d’une cinquantaine de marques. L’Institut proposera en janvier son Cahier des tendances du storytelling digital.
« En France, nous racontons des histoires, alors que les américains ont tendance à raconter une histoire. » Nuance. Pour Jeanne Bordeau, fondatrice et directrice de L’Institut de la qualité de l’expression, et auteure de l’ouvrage Storytelling et contenu de marque, la puissance du langage à l’ère numérique (Ed. Ellipse, 2012), une confusion est régulièrement faite par les entreprises entre contenu de marque et storytelling. En effet, a remarqué Jeanne Bordeau en passant à la loupe la stratégie numérique d’une cinquantaine de marques, de nombreuses entreprises pensent faire du storytelling alors qu’elles ne proposent qu’un thème, un « décor », sans proposer de réelle mise en récit, ou une histoire de la marque.
Pourtant, les marques se tournent à nouveau vers le storytelling, car selon Jeanne Bordeau, elles en ont bien saisi l’intérêt : cette stratégie « fait vendre ». En effet, les consommateurs rejettent en bloc les anciennes techniques marketing jugées trop agressives, mais semblent adhérer aux marques qui racontent une histoire, « à condition que l’histoire qu’on leur raconte sache capter leur attention avec pertinence, susciter leur émotion et leur adresser un message authentique ».
Des thèmes pour continuité
Mais toutes ne parviennent pas à adopter une « vraie » stratégie. L’Institut de la qualité de l’expression a constaté que « peu de marques parviennent à fonder une grande mise en récit ». Certaines se limitent à ce que Jeanne Bordeau appelle « l’historytelling », à savoir le récit des origines. Une histoire pour raconter les fondations, mais rien de plus. D’autres vont également penser faire de la mise en récit en proposant régulièrement des thèmes récurrents qui « instaurent une continuité », sans parvenir à créer de fil conducteur. Et les thèmes sont variés : la nature, le voyage, le sport, sont autant de thématiques utilisées, parfois en métaphore, par les entreprises pour susciter de l’émotion.
L’Institut a constaté que de nombreuses marques utilisent le lieu comme thème récurrent pour s’ancrer dans un territoire, mais aussi et surtout pour susciter une corrélation entre la marque et ce que représente le territoire. Ainsi, L’Occitane revendique ses racines provençales, et Prada son élégance à l’italienne. D’autres enfin, (et il s’agit parfois les mêmes), mettent en avant le savoir-faire, comme Hermès et Le Slip Français pour prouver la qualité des produits. Mais tout cela suffit-il à construire une histoire ? Certainement pas, répond Jeanne Bordeau qui fait ressortir une autre tendance chez les entreprises : celle de séquencer le récit.
Schémas narratifs
Ces petites histoires, même juxtaposées, n’appartiennent pas toujours au storytelling, mais plutôt au contenu de marque, même si elles contribuent à bâtir un imaginaire autour de la marque. Là encore, plusieurs tendances émergent de l’étude de l’institut.
Nombre d’entreprises mettent en place « un schéma en escalier », à savoir une simple stratégie de questions-réponses. Un schéma souvent évident pour les entreprises car il a l’intérêt de prouver au client que la marque trouve, marche après marche, des solutions à ses problèmes. Saint-Gobain ou Air Liquide mettent ainsi en avant le fait que leurs innovations permettent de trouver des solutions aux problématiques rencontrées.
La stratégie la plus aboutie est probablement celle du « schéma en mosaïque » : IBM par exemple utilise ce schéma qui a l’avantage de proposer une ligne éditoriale transversale. Chaque petite histoire, chaque produit, est donc un morceau de la mosaïque, et l’ensemble forme une image cohérente et globale.
Mais la stratégie la plus fréquente reste celle du « schéma en éventail ». Les entreprises « déploient leur histoire autour d’un thème central ». L’Institut de la qualité de l’expression donne l’exemple du Slip Français qui déploient ses histoires autour de la même idée : le 100% made in France.
Confiance et fidélité
De son côté, le « vrai » storytelling va beaucoup plus loin en proposant de manière transversale une vision de la marque et de l’entreprise autour d’une colonne vertébrale solide. « La confiance, vous l’accordez à une marque qui est fidèle à elle-même. » La forme de récit la plus efficace serait donc celle d’un conteur déroulant son fil d’Ariane de manière fluide et transversale. « Steve Jobs, le patron d’Apple, est un formidable storyteller ! », s’enthousiasme Jeanne Bordeau. Et elle déroule, elle aussi, ce qui fait le succès de la firme à la pomme : un mythe fondateur, une volonté de rompre avec l’ancien monde, un « énonciateur brillant, sobre et singulier, à l’image des produits Apple », et une « aventure technologique ». Dans les pas de Steve Jobs, Elon Musk est en train de réussir la même prouesse, celle d’embarquer les internautes dans l’aventure.
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