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Entreprises : Le Droit A L’Erreur ?

‪Lors de sa campagne électorale, le candidat Macron a pris un engagement aux contours certes encore mal définis. Ainsi, il a évoqué la possibilité d’introduire dans notre arsenal juridique la notion de  » droit à l’erreur « .

Concrètement, il a notamment pris l’exemple de l’entreprise qui omet de déclarer aux Urssaf les primes de Noël de ses salariés. Sa philosophie est simple à énoncer : il s’agit d’instaurer un vrai droit à l’erreur dans les démarches diverses dont une entreprise est redevable.

 » A l’exception de ce qui relève du pénal, quand l’administration contrôle, la première fois, elle ne sanctionne pas « . On perçoit bien l’aspect complexe de cet éventuel nouveau droit qu’avaient d’ailleurs abordé les travaux préparatoires au pertinent rapport Poitrinal – Mandon sur le choc de simplification ( 2014 ).

Tout d’abord, une erreur peut masquer un détournement de fonds ou des illégalités plus substantielles qu’il n’y paraît. Les auditeurs internes tout autant que les commissaires aux comptes rencontrent quotidiennement d’apparentes erreurs banales qui constituent, en réalité, la face cachée de l’iceberg des turpitudes que d’aucuns affectionnent de pratiquer.

Le droit à l’erreur suppose par conséquent de coexister avec une échelle de gravité qui relève d’un véritable contrôle d’opportunité et d’un travail d’investigation de l’administration notamment fiscale.

Comme aurait pu le dire le trop fameux ancien député Thomas Thévenoud, la  » phobie administrative  » oui… mais jusqu’à un certain point.

Le nouveau droit voulu par le président Macron suppose donc deux seuils : le premier vise le déclenchement de l’erreur, le second vise son plafond c’est-à-dire sa limite d’acceptabilité. D’ailleurs, dans le deuxième cas, si l’erreur est trop manifeste, il faut se rappeler des jurisprudences constantes de la chambre commerciale de la Cour de cassation en matière de  » faute de gestion  » (Cours de Cassation).

Qu’on le veuille ou non, en matière de droit des sociétés, une erreur d’importance est une faute.

Pour que les choses s’améliorent vraiment, il faudra donc une haute précision rédactionnelle de la future loi définissant ce nouveau droit qui s’inscrit dans le célèbre fil intellectuel de la pensée de Voltaire :  » Aime la vérité, mais pardonne l’erreur « .  (  » Discours en vers sur l’homme. De la liberté  » ).

D’autre part, Emmanuel Macron – alors candidat – a considéré que «  le cœur de la mission de l’administration ne sera plus la sanction mais le conseil « .

Objectivement, on comprend l’esprit mais tout un chacun mesure bien qu’il s’agit ici d’un propos d’estrade qui aura beaucoup de mal à s’insérer dans notre droit positif ou dans les pratiques quotidiennes des fonctionnaires répressifs. A l’heure où l’on sait que le retour des sommes indûment fléchées depuis des décennies vers la Suisse par de sérieux fraudeurs a rapporté plus de 3 milliards d’euros sur les deux dernières années, il est presque loufoque et incongru d’affirmer que le cœur du travail administratif serait le conseil et non la sanction.

Dans toute administration, il y a le mot sanction ou alors comme l’a dit – il y a plus de 30 ans – feu le Doyen Georges Vedel ( dans son Traité de Droit constitutionnel ), la société court le risque de l’essor de zones de non-droit.

Au demeurant, Georges Vedel est l’auteur d’une recommandation qui n’est pas toujours présente à l’esprit de certaines de nos administrations :  » Le contrôle doit cesser lorsque son coût excède son espérance de gains « .

Au total, le droit à l’erreur est une bonne initiative qui mérite d’être loyalement saluée mais bordée car l’incertitude de sa lecture pourrait entraîner des contrôles  » au faciès  » selon les secteurs et les tailles d’entreprises.

En matière de permis de construire, en matière de construction de bâtiments agricoles, les normes empilées les unes aux autres augmentent, de manière exponentielle, le risque d’erreur voire l’entassement des erreurs pluriannuelles. Face à ce type de situation concrète, comment les fonctionnaires de terrain feront ils pour fermer les yeux sans enclencher une complaisance inappropriée ?

Le candidat Macron a aussi envisagé d’étendre ce droit à l’erreur aux particuliers sous certaines conditions. Là encore, l’intention est louable mais on perçoit assez vite le risque de voir s’instaurer un droit à plusieurs vitesses en fonction de la capacité à  » râler  » du contribuable.

Gardons espoir sur cette future avancée des Libertés publiques que peut sérieusement être le droit à l’erreur. De manière fort opportune, Emmanuel Macron a exclu le champ pénal de sa réflexion et pourtant c’est précisément dans notre droit pénal que l’on trouve une forme d’absolution laïque par la définition de la notion de  » dispense de peine « .

Article 132-59 du Code pénal :

 » La dispense de peine peut être accordée lorsqu’il apparaît que le reclassement du coupable est acquis, que le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l’infraction a cessé.

La juridiction qui prononce une dispense de peine peut décider que sa décision ne sera pas mentionnée au casier judiciaire.

La dispense de peine ne s’étend pas au paiement des frais du procès. »

Ici réside une des clefs de toute réflexion posée sur le droit à l’erreur. Ce qui compte, c’est un peu la matérialité de l’erreur ( son existence formelle ) mais surtout son impact : autrement dit, ses conséquences sur l’entreprise elle-même ( valeur  » book-value « , pérennité et continuité d’exploitation, etc ) ou sur ses parties prenantes (  » stakeholders  » ) dont l’intérêt de l’administration fait évidemment partie.

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