Une contribution de Benoît Peloille, CIO – Natixis Wealth Management
Face au déclin de la croissance potentielle du monde développé, les promesses offertes par le déploiement de l’intelligence artificielle (IA) ouvrent de nouvelles perspectives. Vues des marchés, ces transitions majeures plaident enfin pour le retour du principe de diversification.
L’hiver démographique
Le vieillissement des populations sous l’effet d’une espérance de vie qui augmente est un phénomène largement analysé et dont les conséquences sont en bonne partie déjà à l’œuvre. La baisse, bien plus rapide qu’anticipé, des taux de fertilité partout dans le monde, accentue cette problématique et bouscule les scénarios de long terme. Dans leur dernier rapport sur les perspectives de population mondiale[1], les Nations Unies ont largement révisé leurs attentes avec une population mondiale qui atteindrait un pic à 10,3 milliards d’individus en 2080 pour ensuite décliner à 10,2 milliards à la fin du siècle. Il s’agit d’un changement majeur par rapport aux précédentes estimations qui anticipaient une croissance ininterrompue jusqu’en 2100 avec un pic de population autour de 10,4 milliards. Au-delà des innombrables conséquences sociales, environnementales et politiques, c’est la croissance potentielle qui risque d’en faire les frais. Une population en âge de travailler moins importante, c’est une diminution des facteurs de production qui risque de peser durablement.
Les promesses de l’intelligence artificielle
Si la démographie ne devrait pas aider à soutenir une accélération de la croissance potentielle, une autre transition pourrait bien s’avérer un soutien majeur. La révolution numérique, prolongée plus récemment par les promesses entretenues par l’intelligence artificielle, devrait bouleverser l’organisation du travail, avec pour principale conséquence une amélioration substantielle de la productivité. Il est certes difficile d’estimer les bienfaits d’une telle innovation technologique dont les effets vont se diffuser sur plusieurs années, mais les premiers travaux de quantification des bénéfices de l’IA sont encourageants. Certains voient déjà dans le rebond de la productivité aux Etats-Unis une preuve de la diffusion de l’IA dans l’économie. Ainsi, l’affaiblissement de notre croissance potentielle du fait de la transition démographique pourrait être en partie compensée par les gains de productivité générés et limiter le déclin de la croissance potentielle à long terme.
Le risque politique est de retour
Ces tendances annoncent toutefois un risque politique. Malgré les promesses technologiques, des réformes perçues comme impopulaires, reposant sur l’allongement des carrières et la durée du travail seront nécessaires. Par ailleurs, le recours plus généralisé à l’immigration afin de combler le déficit de force de travail apparaît inévitable, comme on le voit déjà dans la plupart des pays occidentaux. Enfin, comme si le défi n’était pas déjà important, la contrainte sera forte en raison de l’endettement significatif des gouvernements. En 2023, la dette publique globale s’approchait des 100 Tn$ et nombre de pays développés dépassent largement les 100 % de dette rapportée au PIB, avec des déficits publics considérables hérités de la pandémie. La pression à venir des régimes sociaux sur les budgets des États s’ajoutera aux dépenses d’investissement importantes pour financer la transition énergétique.
Ainsi, la façon dont les États seront capables de gérer cette transition démographique, la capacité de réforme des gouvernements, la stabilité des institutions seront autant de facteurs analysés plus spécifiquement par les marchés. Les pays vertueux en termes de finances publiques, qui seront capables de dégager rapidement des budgets quand ils sont nécessaires pour réaliser les investissements d’avenir seront probablement privilégiés.
Vers des gains plus modestes pour les actions, la diversification indispensable
La prise de recul qu’impose un exercice d’allocation d’actifs de long terme appelle à certaines conclusions relativement stables dans le temps. En effet, en dépit de marchés actions actuellement proches de leurs plus hauts historiques, le potentiel d’appréciation du capital le plus important réside tout de même dans la recherche d’exposition au risque des entreprises, et à la génération de profits. Néanmoins, l’époque des gains significatifs et aisés de la décennie écoulée semble révolue. Malgré le déclin de la croissance potentielle, les effets positifs de l’intelligence artificielle devraient nous épargner le retour à la menace déflationniste permanente et le monde des taux excessivement bas. Nous estimons, selon nos scénarios, des rendements annualisés pour les actions compris entre 4 % et 6 % au cours de la prochaine décennie. Par ailleurs, le rééquilibrage des rendements espérés entre classes d’actifs plaide pour un retour efficace du principe de diversification, remis en cause au cours des dernières années du fait de l’écrasement des rendements en raison des politiques monétaires ultra accommodantes.
[1] World Population Prospects 2024: Summary of Results – United Nations
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