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Enquête | Fintech : quand résilier son abonnement devient un cauchemar pour les clients

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Fintech : quand résilier son abonnement devient un cauchemar pour les clients. Getty Images

Des start-ups telles que TomoCredit et Albert, valorisées à plusieurs centaines de millions de dollars, font face à des centaines de plaintes de consommateurs.

Un article de Jeff Kauflin pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie

 

Au cours de l’été 2023, Felisa Ware, une résidente du Michigan de 55 ans, cherchait à augmenter sa capacité de crédit pour acheter une maison plus spacieuse, où sa mère malade pourrait venir vivre avec elle. Elle s’est abonnée à un service de TomoCredit, une start-up de San Francisco créée il y a six ans, soutenue par des investisseurs comme Morgan Stanley et Mastercard, qui promet d’optimiser la cote de crédit de ses utilisateurs. Le service permet notamment de déclarer aux agences de crédit des paiements ponctuels supplémentaires, incluant le loyer et les factures de téléphone. Après six mois, Mme Ware a estimé que le plan « VIP » de Tomo ne valait pas les 34,99 dollars qu’elle payait mensuellement. (Ce service est généralement facturé au tarif élevé de 129,99 dollars par mois, mais elle bénéficiait d’un prix promotionnel.) Cependant, en consultant l’application et le site web de Tomo, elle n’a trouvé aucune option pour résilier son abonnement.

Il s’en est suivi un échange interminable de 20 courriels, où Mme Ware a dû demander à plusieurs reprises l’annulation de son abonnement auprès du service client de Tomo. Au lieu de répondre à sa demande, Tomo lui a demandé pourquoi elle souhaitait se désabonner et lui a proposé un mois gratuit au lieu d’annuler son abonnement. À plusieurs reprises, l’équipe d’assistance est restée silencieuse, d’abord pendant cinq jours, puis pendant vingt jours. « C’était vraiment étrange et frustrant », confie Mme Ware. À bout de patience, elle a contacté le bureau du procureur général du Michigan par courriel et a commencé à publier des messages sur les réseaux sociaux, mentionnant Tomo et sa PDG, Kristy Kim, âgée de 35 ans. « Ils se font de l’argent sur le dos des gens », déclare Mme Ware, qui travaille dans le secteur de la santé. « Je travaille dur pour gagner mon argent. »

Le 28 janvier 2024, environ un mois après sa première demande d’annulation, TomoCredit a de nouveau tenté de débiter la carte de Mme Ware, malgré le blocage des prélèvements futurs qu’elle avait demandé auprès de sa banque. Finalement, le 30 janvier, son abonnement a été désactivé. Aujourd’hui, elle se demande ce qu’il en est pour les clients de Tomo qui n’auraient peut-être pas sa patience : « Je pense à ma mère, qui a 78 ans », explique-t-elle. « Elle serait tellement frustrée qu’elle aurait probablement fini par abandonner et continuer à payer pour ce service encore aujourd’hui. »

La PDG de Tomo, Mme Kim, explique que son équipe du service client avait de « bonnes intentions » et cherchait à comprendre les raisons du mécontentement des clients. « Beaucoup de nos clients n’ont malheureusement pas de solides connaissances en finances personnelles », affirme-t-elle, précisant que son équipe a tenté de s’assurer que les utilisateurs puissent au moins profiter de l’avantage de base proposé. Suite à nos questions précises sur le cas de Felisa Ware et l’absence d’option de résiliation en ligne, Tomo a mis à jour son application le 9 octobre pour y ajouter un bouton « Annuler l’abonnement ».

Kristy Kim indique que Tomo compte environ 100 000 abonnés payants. Au cours de l’année passée, les consommateurs ont déposé 557 plaintes auprès du Better Business Bureau concernant la start-up. Pour donner un point de comparaison, la PNC Bank, sixième plus grande banque des États-Unis avec plus de 10 millions de clients, a reçu 599 plaintes auprès de la même institution sur la même période. La majorité des plaintes déposées contre Tomo en août et septembre portaient sur des difficultés liées à l’annulation du service.

 

La fintech sous pression : plaintes de clients, régulations et failles de sécurité

Cette année, la réputation du secteur de la fintech a été ternie par l’intensification des mesures de régulation et la faillite de Synapse, un fournisseur de services bancaires en marque blanche, qui a mis en lumière les failles des demandes d’assurance FDIC des néobanques de la fintech. Le problème des difficultés d’annulation d’abonnement dans de nombreuses start-ups pourrait également devenir un autre point sensible.

En novembre dernier, Brigit, une fintech basée à New York proposant des avances de fonds allant jusqu’à 250 dollars moyennant un abonnement de 8,99 dollars par mois, a été contrainte par la Federal Trade Commission (FTC) de rembourser 18 millions de dollars à ses clients. La FTC accusait Brigit d’utiliser des pratiques trompeuses pour offrir ses avances de fonds et de rendre l’annulation des abonnements trop compliquée. Dans un communiqué publié à l’époque, Brigit a qualifié ces accusations d’« inexactes dans les faits », mais a choisi de parvenir à un accord avec la FTC pour « mettre un terme à cette affaire ». Un porte-parole de Brigit a confié à Forbes que, depuis plus d’un an, l’entreprise avait simplifié son processus d’annulation pour qu’il puisse être effectué en ligne en seulement deux étapes.

Albert, une banque numérique basée à Los Angeles offrant des comptes chèques, épargne, investissement et des avances de fonds jusqu’à 250 dollars, a reçu 566 plaintes auprès du Better Business Bureau au cours des 12 derniers mois, dont une grande partie concerne des problèmes de désactivation. La confusion des clients est telle qu’une vidéo YouTube expliquant comment annuler son abonnement à Albert a été visionnée plus de 15 000 fois, générant des dizaines de commentaires de la part d’utilisateurs mécontents. Pour cet article, nous avons interviewé deux anciens clients d’Albert qui ont rapporté avoir rencontré des difficultés pour résilier leur abonnement. (Albert n’a pas répondu à nos multiples demandes de commentaire).

Il est essentiel de souligner que la difficulté d’annulation ne concerne pas uniquement les fintechs. En mars 2023, la FTC a proposé une règle générale de « cliquer pour annuler » visant à obliger les entreprises à rendre l’annulation d’un abonnement aussi simple que son inscription. La commission a reçu 1 163 commentaires du public mais n’a pas encore émis de règle définitive. Rocket Money, une application de gestion financière personnelle (anciennement Truebill), qui aide les consommateurs à résilier leurs abonnements, pointe notamment les clubs de sport comme les principaux contrevenants.

Il convient toutefois de noter que de nombreuses start-ups fintech revendiquent une mission centrée sur le service aux consommateurs laissés pour compte ou mal desservis par les institutions financières traditionnelles, ce qui rend la question des difficultés d’annulation d’autant plus préoccupante.

 

L’évolution de TomoCredit sous la direction de Kristy Kim

Kristy Kim a fondé TomoCredit en 2019 pour offrir un meilleur accès au crédit aux immigrés, étudiants étrangers et autres résidents américains ayant un historique de crédit limité, un défi auquel elle-même avait été confrontée en s’installant aux États-Unis après avoir quitté la Corée du Sud. Pendant plusieurs années, le produit principal de l’entreprise a été une carte de crédit avec une particularité : les utilisateurs pouvaient programmer des paiements automatiques pour rembourser intégralement le solde tous les sept jours. Cette fonctionnalité visait à les aider à bâtir un historique de paiements ponctuels et à maintenir un faible taux d’utilisation de leur crédit. L’entreprise comptait 50 000 titulaires de cartes actifs fin 2021, nous a indiqué Mme Kim lors d’un entretien en avril 2023.

À l’été 2023, elle a fait pivoter la stratégie de TomoCredit en suspendant la carte de crédit et en lançant un service d’abonnement, Tomo Boost, conçu pour améliorer les scores de crédit des utilisateurs. Selon elle, l’adoption rapide des abonnements Tomo a permis à la start-up d’atteindre la rentabilité fin 2022, selon les principes comptables généralement acceptés. Elle prévoit que l’entreprise atteindra un chiffre d’affaires annualisé de 20 millions de dollars d’ici la fin 2024 et affirme disposer de suffisamment de liquidités pour financer les opérations de Tomo pendant trois ans. (La dernière valorisation de TomoCredit, selon PitchBook, était de 222 millions de dollars lors d’une levée de fonds en 2022, avec environ 40 millions de dollars de capitaux levés).

Bien que Tomo affiche un succès financier notable, la start-up de 30 employés ne compte qu’une équipe de service client très réduite, composée de cinq personnes, dont trois basées aux États-Unis. Jusqu’à la semaine dernière, ni l’application ni le site web de Tomo ne proposaient d’option d’annulation en ligne, malgré des plaintes de clients sur ce sujet depuis au moins un an. Pourquoi un tel délai ? Mme Kim explique qu’elle a préféré se concentrer sur le développement de ce qu’elle considère comme l’atout intellectuel le plus précieux de Tomo : un score de crédit exclusif qu’elle a conçu et qu’elle espère voir rivaliser avec le très répandu score FICO.

« Nous sommes une très petite entreprise, et nous avons eu de nombreux projets en cours… Nous avons recruté un ingénieur en intelligence artificielle venant de Google et travaillé sur des accords de partenariat qui n’ont pas encore été annoncés publiquement », explique Mme Kim. Elle reconnaît toutefois que, avec le recul, il aurait sans doute été judicieux d’ajouter cette option dans l’application plus tôt. Elle admet également que son équipe a peut-être sous-estimé le besoin en personnel dans le service client chez Tomo. Lorsqu’on lui demande si des régulateurs américains ont contacté TomoCredit au sujet de plaintes liées aux annulations d’abonnements, la PDG répond : « Pas à ma connaissance ». Les données de LinkedIn montrent par ailleurs que la start-up ne semble pas disposer de conseiller juridique ni de responsable de la conformité, une question à laquelle Mme Kim n’a pas souhaité répondre.

La difficulté d’annulation n’est pas le seul sujet de mécontentement parmi les clients de Tomo. La description en ligne de son plan VIP de haut niveau annonce en premier lieu « une ligne de crédit allant jusqu’à 30 000 dollars ». Cependant, plusieurs consommateurs déplorent dans leurs plaintes que cette ligne de crédit n’ait jamais été inscrite dans leur historique de crédit.

 

Quand les services de crédit ne répondent pas aux attentes des clients

Par ailleurs, alors que de nombreux clients tentent de résilier leur abonnement, l’efficacité du service d’amélioration de la cote de crédit de Tomo reste incertaine. Rocket Money, de son côté, a envisagé de lancer un service similaire, mais n’a pas encore franchi le pas, explique Yahya Mokhtarzada, cofondateur et directeur des revenus. Il souligne la difficulté d’évaluer l’impact réel des paiements additionnels (comme le loyer ou les factures de téléphone mobile) sur les scores de crédit, car la plupart des modèles d’évaluation les plus utilisés n’intègrent pas encore ces types de paiements. Ils se concentrent davantage sur des comptes de « crédit » traditionnels – cartes de crédit bancaires, prêts auto, hypothèques, etc. De plus, les consommateurs peuvent utiliser une alternative gratuite pour améliorer leur score : Experian, l’une des trois principales agences de crédit, offre gratuitement Experian Boost, permettant aux utilisateurs de déclarer leurs paiements supplémentaires aux agences de crédit.

La banque numérique Albert, fondée il y a neuf ans et revendiquant plus de 10 millions d’utilisateurs sur son site web, a également observé une hausse de plaintes de la part de ses clients. Rhonda Hudgins, une habitante de Géorgie de 62 ans, avait utilisé l’application en 2020 pour de petits prêts et a voulu s’y reconnecter l’année dernière pour vérifier si elle avait encore des fonds sur son compte. Elle raconte qu’Albert lui a demandé de s’abonner à la version payante, facturée au moins 9,99 dollars par mois, uniquement pour consulter son solde. Après avoir payé cet accès, elle a tenté d’annuler via l’option proposée dans l’application, sans succès. Elle explique qu’elle a dû contacter Albert par téléphone pour demander l’annulation, comme elle avait déjà dû le faire en 2021.

James Riddick, un directeur de théâtre de 51 ans résidant à Brooklyn, a passé deux jours en mars 2024 à tenter d’annuler son abonnement à Albert via l’application, en vain. Ce n’est qu’après avoir contacté le service client et franchi plusieurs obstacles que son compte a finalement été désactivé.

Au cours des 12 derniers mois, les consommateurs ont déposé 15 plaintes auprès du Consumer Financial Protection Bureau (CFPB) concernant les difficultés liées à l’annulation des abonnements chez Albert. Deux de ces plaintes datent du mois dernier, dont celle d’un résident de Floride qui a écrit : « Je paie depuis environ deux ans malgré de nombreuses tentatives d’annulation. »

Une autre critique fréquente est qu’Albert exige que les clients transfèrent tous leurs fonds pour ramener leur solde à 0 dollar avant de pouvoir désactiver leur abonnement. « Je ne comprends pas comment cela peut être légal », écrit un résident de Pennsylvanie dans une plainte déposée auprès du CFPB en avril. « Ils m’ont facturé environ 75 dollars pour un service dont je n’ai pas besoin. »

Toutes les applications fintech ne rendent pas l’annulation aussi difficile. Empower, une entreprise de San Francisco qui propose des avances de fonds et des prêts jusqu’à 400 dollars pour un abonnement mensuel de 8 dollars, peut être résiliée en trois clics dans l’application, selon son PDG Warren Hogarth. M. Hogarth précise que même les clients ayant des prêts ou avances en cours peuvent annuler leur abonnement.

Grow Credit, basée à Santa Monica, offre une carte de débit virtuelle pour payer des abonnements comme Netflix ou Spotify, en promettant une amélioration potentielle du score de crédit jusqu’à 44 points. Selon la société, les utilisateurs peuvent annuler leur abonnement, même avec un solde de prêt en cours, directement via l’application ou le site web. Grow Credit propose un plan gratuit et deux plans payants à 6,99 et 12,99 dollars.


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