Le secteur hospitalier privé, dont la crise sanitaire a démontré le rôle impérieux, prend une place grandissante dans le système de soins. Portés par le souci d’investir et de se moderniser, les meilleurs établissements privés français s’alignent désormais sur les standards des CHU.
Après plus de deux années de crise sanitaire provoquée par la COVID-19, l’heure est à un premier bilan. Si l’hôpital public « a tenu », il sort durablement fragilisé de cette période éprouvante. La presse nationale révèle ainsi régulièrement la situation catastrophique de l’hôpital public, tant d’un point de vue budgétaire qu’humain, et s’interroge sur les remèdes à lui apporter pour en combler les principales failles. Pour autant, une vision plus complète de l’offre de soins en France devrait intégrer le rôle du secteur privé, dont l’importance demeure encore en partie sous-estimée du grand public. Ainsi, qui sait – à part les spécialistes – que, malgré un évident manque de coordination au démarrage épidémique, un quart des patients en réanimation pour cause de COVID-19 l’a été dans un établissement privé ? Diminuant ainsi le risque d’avoir à « trier » des malades gravement atteints.
Une contribution bienvenue dont se félicitent les responsables de la santé publique qui appellent de leurs vœux un approfondissement de la collaboration, en particulier au niveau des territoires, où les cliniques privées constituent de plus en plus la seule offre de soins dans certaines spécialités. Ainsi, le groupe de santé Ramsay a ouvert en avril dernier à Pierrelatte, dans la Drôme, une clinique dans un territoire où un tiers des habitants déclare ne pas avoir de médecin traitant, faute de praticiens disponibles. Pas question, en effet, de jouer la carte de la concurrence entre les filières publiques et privées, à l’heure où 73 % des Français souhaitent que la coopération entre les cliniques publiques et privées se pérennise hors des périodes de crise.
La place croissante occupée par les cliniques privées dans le système hospitalier français ne se limite évidemment pas à l’effort conjoncturel lié à la pandémie puisque, selon les données de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), l’hospitalisation privée représente déjà 55 % des interventions chirurgicales, 65 % de la chirurgie ambulatoire, mais aussi 20 % des accouchements et 33 % des soins de suite et de réadaptation. Dans certaines spécialités, comme l’ophtalmologie, deux tiers des séjours s’effectuent déjà en milieu privé. Aujourd’hui, l’offre du secteur privé reste en tout point identique à celle du public, sauf dans certains domaines très spécialisés.
La carte de la modernisation
Cette montée en puissance quantitative se conjugue aussi à une progression qualitative. Une enquête récente du magazine Newsweek, considérée comme le mode de classement international de référence des établissements de santé, donne ainsi une part de plus en plus belle aux établissements privés de santé français. Le premier établissement privé français, la Polyclinique Santé Atlantique (groupe Elsan) est ainsi classée à la 114ème place dans le dernier classement de Newsweek, devant de nombreux CHU français, tandis qu’une dizaine d’établissements privés occupent le TOP 250.
Cette montée en puissance peut s’expliquer par leur modèle économique, en partie fondé sur la quête d’attractivité et les efforts de bonne gestion de la filière, dont le financement demeure encadré et en partie assuré par les crédits publics de l’assurance maladie, qui leur permet d’investir dans des équipements ultra-modernes. Et dans l’hospitalisation privée, les premières fois s’enchaînent.
Dans le domaine de la chirurgie, par exemple, la clinique Victor-Pauchet d’Amiens utilise la technologie robotique chirurgicale depuis 2009, devenant l’un des pionniers du domaine. La clinique a réalisé, en avril dernier, une « segmentectomie du poumon par chirurgie robot assistée en ambulatoire », avec la troisième version de sa technologie. A Rennes, c’est le centre hospitalier privé de Saint-Grégoire, en Ille-et-Vilaine, qui s’est distinguée dans le domaine des opérations de l’épaule, en utilisant des lunettes à réalité mixte, qui utilise une méthode de projection holographique en 3D. Du côté du groupe Elsan, l’un des fleurons français de l’hospitalisation privée, la clinique Saint-Augustin de Bordeaux est le 1er établissement français à bénéficier d’une nouvelle IRM de dernière génération, équipée de technologies pilotées par l’intelligence artificielle. Du point de vue des ressources humaines, ce positionnement sur les technologies de pointe est un segment d’attractivité particulièrement porteur. Dans la cardiologie vasculaire, le cancer ou la robotique il permet ainsi d’attirer les meilleurs professionnels.
Préparer l’avenir dans un contexte contraint
Deux ombres au tableau assombrissent malgré tout la confiance de la filière. Comme l’hôpital public, les cliniques privées souffrent d’un manque chronique de personnels soignants. D’un point de vue financier, l’inflation a durablement fragilisé le modèle économique des cliniques privées, dont une partie reste déficitaire. Les professionnels de la filière privée réclament ainsi une hausse des tarifs hospitaliers, encadrés et fixés par l’Etat dans le cadre de la tarification à l’activité, pour ne pas trop menacer leurs marges de manœuvre budgétaires. Mais, dans un environnement budgétaire contraint qui pèsera à coup sûr sur le secteur public, le secteur privé devrait certainement avoir un rôle de plus en plus fort à jouer à l’avenir pour maintenir, sinon améliorer, le maillage territorial des établissements de santé et l’offre de soins des Français.
Michel Ktitareff
Président Scale-Up Booster
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