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Elon Musk veut s’attaquer au problème du travail des enfants dans la chaîne d’approvisionnement de Tesla

Elon Musk
Des mineurs transportent des sacs de minerai dans la mine artisanale de cuivre-cobalt de Shabara près de la ville de Kolwezi, Lualaba, République démocratique du Congo, le 20 juin 2023. | Source : Getty Images

Le PDG de Tesla, Elon Musk, a déclaré qu’il allait s’attaquer au problème du travail des enfants dans la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise. Cependant, sa solution high-tech est loin d’être suffisante.

Article d’Alan Ohnsman pour Forbes US – traduit par Flora Lucas

 

L’année dernière, juste après que le conseil d’administration de Tesla et les investisseurs ont rejeté une proposition visant à engager un contrôleur externe pour s’assurer que les fournisseurs de cobalt de l’entreprise ne recouraient pas au travail des enfants ou au travail forcé dans les mines de la République démocratique du Congo, Elon Musk s’est engagé à lutter contre ces pratiques.

 

Des efforts insuffisants

« J’ai entendu une question sur l’extraction du cobalt et vous savez quoi ? Nous organiserons un audit par une tierce partie », a déclaré Elon Musk à une foule d’actionnaires enthousiastes et admiratifs lors de l’assemblée annuelle de Tesla en mai 2023. « Ainsi, nous installerons une webcam dans la mine. Si quelqu’un voit des enfants, qu’il nous le fasse savoir », a-t-il ajouté en ricanant.

Cependant, Forbes a appris qu’un an plus tard, la webcam promise par Elon Musk n’a toujours pas été installée. Au lieu d’un flux de caméras en direct, la Kamoto Copper Co., qui est la principale source de cobalt de Tesla, poste chaque mois une seule photo du complexe minier tentaculaire situé dans le sud du Congo, prise par un satellite Airbus en orbite loin au-dessus de la Terre. On n’y voit pas d’enfants, mais c’est parce que la résolution est loin d’être suffisante pour révéler quoi que ce soit de plus petit que les installations de traitement et le paysage meurtri d’une mine à ciel ouvert hautement industrialisée.

Tesla affirme également avoir fait examiner par plusieurs tiers les conditions de travail au sein de la Kamoto Copper Co., qui appartient au géant minier mondial Glencore, selon son dernier rapport d’impact sur l’environnement. « Nos fournisseurs directs font l’objet d’audits par des tiers pour s’assurer qu’aucun enfant ne travaille dans ces mines et qu’aucun matériau provenant de sources non autorisées n’entre dans notre chaîne d’approvisionnement », a déclaré Glencore. « Quatre audits ont été menés en 2023 et n’ont révélé aucun cas de travail d’enfants sur les sites de nos fournisseurs directs. »

Cependant, ni l’image satellite mensuelle ni les audits par des tiers n’abordent les problèmes persistants liés à l’exploitation minière du cobalt et du cuivre, selon Courtney Wicks, directrice exécutive de Investor Advocates for Social Justice. L’année dernière, elle a représenté le groupe d’actionnaires de Tesla qui a tenté d’obtenir de l’entreprise qu’elle adopte des lignes directrices plus rigoureuses pour l’approvisionnement en cobalt en 2023.

« Prendre une photo par mois, ce n’est pas vraiment un plan complet », a déclaré Courtney Wicks à Forbes. Les mesures prises par Tesla « ne valent même pas la peine d’être mentionnées. L’efficacité n’est tout simplement pas suffisante à ce stade ».

 


« Prendre une photo par mois, ce n’est pas vraiment un plan complet. »

Courtney Wick, directrice exécutive de Investor Advocates for Social Justice


 

Le travail des enfants dans les mines au Congo

Michael Posner, professeur à la Stern School of Business de l’université de New York et directeur du Centre pour les entreprises et les droits humains de l’université de New York, explique que le problème ne se situe pas principalement dans le complexe minier de Kamoto, mais dans les mines voisines non réglementées.

Une nouvelle étude à laquelle il a collaboré avec le Geneva Center for Business and Human Rights estime qu’environ 40 000 jeunes de moins de 18 ans travaillent ou sont présents dans des exploitations minières artisanales à petite échelle au Congo. Les enfants sont souvent là « parce que leurs familles n’ont pas accès à des services de garde d’enfants. Les enfants plus âgés travaillent également dans les mines artisanales à petite échelle parce que les familles ont besoin d’un revenu supplémentaire », selon l’étude.

« Surveiller ce qui se passe dans un site minier mécanisé, c’est ignorer le problème central, à savoir qu’un pourcentage important du cobalt provient de mines artisanales », a déclaré Michael Posner. Le cobalt provenant de ces petites mines est vendu à des négociants et mélangé au métal provenant de mines industrielles comme Kamoto. Cependant, Tesla ne les surveille pas du tout « et c’est là le problème », a-t-il ajouté.

Autre facteur de complication : le cobalt du Congo est expédié en Chine pour y être raffiné, ce qui rend encore plus difficile de s’assurer qu’il ne provient pas d’une mine artisanale. « Lorsque le cobalt est introduit dans une batterie aux États-Unis ou en Europe, il a déjà été mélangé quelque part en Chine », a déclaré Michael Posner.

Ni Elon Musk ni Tesla n’ont répondu aux demandes de commentaires de Forbes sur cette affaire. Glencore a refusé de faire le moindre commentaire.

 


« Surveiller ce qui se passe dans un site minier mécanisé, c’est ignorer le problème central, à savoir qu’un pourcentage important du cobalt provient de mines artisanales. »

Michael Posner, professeur à la Stern School of Business de l’université de New York et directeur du Centre pour les entreprises et les droits humains de l’université de New York


 

L’utilisation du cobalt

L’écart entre les mesures promises par Elon Musk concernant le cobalt et la réalité de l’entreprise n’est pas inhabituel pour un entrepreneur milliardaire qui a toujours fait des promesses audacieuses qu’il n’a pas tenues (qu’il s’agisse de la sécurité des usines Tesla, des fonctions de conduite automatisée ou des projets de création d’un « paradis écologique » dans l’usine d’Austin de l’entreprise).

Le cobalt est un composant essentiel des batteries que Tesla fabrique pour ses véhicules électriques. Associé au cuivre, le cobalt agit comme un ingrédient stabilisant dans les cathodes des batteries lithium-ion, ce qui améliore la densité énergétique. Le Congo est la principale source de cobalt, avec environ 70 % de la production mondiale. Bien que le cobalt se vende actuellement à environ 28 000 dollars la tonne métrique, soit moins de la moitié de son prix d’il y a deux ans, son exploitation reste lucrative. Les batteries au cobalt sont utilisées dans toutes sortes de produits, des iPhones aux ordinateurs portables en passant par les voitures électriques. Si l’entreprise d’Elon Musk n’est pas le plus gros consommateur de cobalt, sa position de leader dans le secteur des véhicules électriques l’a placée dans la ligne de mire des défenseurs de la lutte contre le travail des enfants et des défenseurs droits humains.

Selon Courtney Wicks, les audits effectués par des tiers dans le complexe minier de Kamoto ne répondent pas non plus aux préoccupations concernant le travail des enfants et le travail forcé. En effet, ces inspections semblent être programmées, et non pas surprises, et ne se déroulent pas la nuit, lorsque les problèmes sont plus susceptibles d’être découverts.

« L’absence de normes et le manque de transparence quant à la manière dont elles sont mises en œuvre constituaient notre principale préoccupation », a-t-elle déclaré. « Cela paraît bien dans un rapport sur le développement durable, mais pour les investisseurs qui s’intéressent à cette question et considèrent qu’il s’agit d’un risque important, quelle est l’efficacité de ces audits ? »

 

Réduction de l’utilisation du cobalt

Le constructeur de véhicules électriques Tesla affirme qu’il s’efforce de réduire la quantité de cobalt qu’il utilise en adoptant progressivement de nouvelles compositions chimiques pour ses batteries. Tesla récupère et recycle également une plus grande partie du métal pour l’utiliser dans de nouvelles batteries. En 2023, l’entreprise a déclaré avoir recyclé 117 tonnes de cobalt. Elon Musk a déclaré que le cobalt ne représentait que 3 % du poids d’une batterie Tesla et que son objectif était de ne plus l’utiliser. La chimie du phosphate de fer-lithium que Tesla a commencé à utiliser dans ses batteries ne contient pas de cobalt.

Tesla n’a pas fourni de détails récents sur la quantité de cobalt utilisé chaque année. Cependant, Benchmark Mineral Intelligence, qui suit la demande de métaux utilisés dans la production de batteries, pense que le chiffre de 3 % reste essentiellement exact, en grande partie parce que le prix du matériau a chuté de plus de la moitié au cours des deux dernières années.

 


« Bien que la consommation de cobalt ait tendance à diminuer lentement sur une base unitaire, la consommation globale augmente en raison de la hausse des ventes de véhicules. »

Caspar Rawles, directeur des données de Benchmark Mineral Intelligence


 

« Le mouvement de réduction de l’utilisation du cobalt dans les cellules est globalement devenu moins prioritaire pour de nombreux fabricants de cellules et d’automobiles en raison de la baisse des prix liée à la période actuelle d’offre excédentaire que connaît le marché du cobalt », a déclaré Caspar Rawles, directeur des données de Benchmark Mineral Intelligence. « Bien que la consommation de cobalt ait tendance à baisser lentement sur une base unitaire, la consommation globale augmente en raison de la hausse des ventes de véhicules, ce qui l’emporte largement sur toute réduction au niveau des cellules. »

Dans une étude sur l’extraction du cobalt coécrite avec le Geneva Center for Business and Human Rights, Michael Posner et les coauteurs de l’étude affirment que la meilleure façon de réduire les problèmes de main-d’œuvre dans les mines artisanales est de reconnaître officiellement le rôle que ces opérations jouent dans la chaîne d’approvisionnement et d’œuvrer à l’amélioration de leurs conditions.

« Plutôt que de l’ignorer et de prétendre que ce n’est pas leur problème, ils doivent dire que cela fait aussi partie de leur chaîne d’approvisionnement et qu’ils vont faire ce qu’il faut pour s’assurer qu’il y a un processus de formalisation de ces sites afin que les enfants n’y travaillent pas et que les gens travaillent dans des conditions sûres », a déclaré Michael Posner.

 


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