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Elon Musk : un génie, mais pas sans limites

Musk
Elon Musk, présent à l'US Open de tennis 2024, le 08 septembre 2024, à New York. Getty Images

« Batman n’a pas de limites. » Cette réplique culte du film The Dark Knight : Le Chevalier noir de Christopher Nolan symbolise non seulement l’ambition démesurée de Bruce Wayne, mais aussi l’image que nous nous faisons souvent des milliardaires influents, une perception qu’ils partagent volontiers. Pourtant, dans la réalité, même les esprits les plus brillants ont leurs limites.

Une contribution de Gautam Mukunda pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie

 

La récente annonce de Fidelity, révélant que la valeur de X a chuté de 79 % depuis son acquisition par Elon Musk, entraînant une perte de près de 15 milliards de dollars pour la société, illustre de manière évidente les conséquences lorsqu’on néglige cette vérité fondamentale sur le monde.

Pour tirer des leçons de ce qui s’est passé chez X, il faut d’abord reconnaître l’envergure des accomplissements de Musk dans ses autres entreprises. Révolutionner une industrie est déjà une prouesse exceptionnelle, le faire deux fois l’est encore davantage. Tesla a sans doute accéléré l’électrification de l’industrie automobile d’une génération, et SpaceX pourrait bien être l’une des entreprises les plus impressionnantes au monde.

Toute analyse des enseignements à tirer de ce qui s’est passé chez X doit d’abord reconnaître l’ampleur des réussites de Musk dans ses autres entreprises. Révolutionner une industrie est une prouesse remarquable, le faire deux fois est d’autant plus impressionnant. Tesla a sans doute accéléré l’électrification de l’industrie automobile d’une génération, tandis que SpaceX pourrait bien être l’entreprise la plus remarquable à l’échelle mondiale.  

Les résultats de Musk avec X sont diamétralement opposés à ses autres succès. Les dommages ne se limitent pas à l’aspect financier. Twitter est sans doute l’achat individuel le plus coûteux de l’histoire, mais la fortune de Musk est telle que, même si sa valeur tombait à zéro, il resterait l’une des personnes les plus riches de tous les temps. Ce que Musk a réellement perdu avec l’achat de X va bien au-delà des 44 milliards de dollars : c’est sa réputation de visionnaire éclairé et bienveillant, qu’il avait patiemment bâtie au fil des années. Ce préjudice n’est pas tant lié à son soutien à Donald Trump — bien que cela nuise à son image, surtout auprès de la clientèle soucieuse du climat de Tesla — qu’à son adhésion à diverses théories du complot. Il a notamment défendu le « chaman QAnon », acteur de l’assaut du Capitole, et relayé une fausse histoire sur l’attaque contre le mari de Nancy Pelosi.

Twitter, en tant que réseau social, est fondamentalement différent de Tesla ou SpaceX, sur tous les plans. Alors, pourquoi Elon Musk a-t-il pensé qu’il réussirait aussi brillamment avec cette plateforme qu’avec ses autres entreprises ? De plus, pourquoi des institutions aussi sophistiquées que Fidelity auraient-elles investi des milliards dans l’acquisition d’une entreprise de médias sociaux par Musk, alors qu’il n’a conclu cet achat que sous la menace d’une action en justice ?

Cette erreur de jugement résulte principalement d’une perception du génie inspirée par l’univers des bandes dessinées. Dans Iron Man, Tony Stark est présenté comme le plus grand concepteur d’armes de tous les temps, une tâche en réalité pluridisciplinaire qui nécessite de vastes équipes, et non pas simplement un génie solitaire. Mais admettons que cela soit possible. Dans le dernier film des Avengers, Stark est un physicien tellement brillant qu’il réussit, à lui seul, à inventer le voyage dans le temps. Et il n’est pas un cas isolé. Bruce Wayne est non seulement un athlète meilleur que la plupart des champions olympiques, mais il est aussi plus compétent que la police de Gotham en criminalistique et plus doué que les ingénieurs de Wayne Enterprises en codage. Bruce Banner, quant à lui, possède sept doctorats.

Dans la réalité, le génie ne se manifeste pas ainsi. Les vrais scientifiques, aussi brillants soient-ils, n’ont qu’une spécialité, ou tout au plus un petit nombre de spécialités. Un expert à la fois en biologie et en physique, par exemple, n’existe tout simplement pas. Il y a un siècle, cela aurait pu être envisageable, mais aujourd’hui, les avancées dans chaque discipline sont si complexes que maîtriser pleinement l’une d’entre elles demande une vie entière, même pour les esprits les plus talentueux. De la même manière, Jackie Robinson pouvait autrefois exceller dans plusieurs sports professionnels, et des athlètes comme Bo Jackson, Deion Sanders et Brian Jordan ont réussi à jouer à la fois en NFL et en MLB. Cependant, aujourd’hui, aucun athlète professionnel ne parvient à combiner deux carrières sportives à ce niveau.

Ce qui est vrai en science et en sport l’est également en affaires. Les recherches menées par mes collègues Boris Groysberg et Nitin Nohria ont démontré que, entre 1989 et 2001, les anciens cadres de GE devenus PDG d’autres entreprises ne réussissaient que lorsque leur nouvelle société ressemblait aux divisions de GE qu’ils avaient auparavant dirigées. Elon Musk, même s’il est souvent comparé à un super-héros de bande dessinée — et qu’il a même fait une apparition dans Iron Man 2 — reste un être humain comme nous, avec ses propres limites. Les compétences nécessaires pour diriger une plateforme de médias sociaux reposant principalement sur la publicité sont très différentes de celles qu’il faut pour gérer une entreprise automobile, et n’ont quasiment aucun lien avec celles requises pour une entreprise qui fabrique et lance des fusées. Si Elon Musk et ses investisseurs l’avaient réalisé, ils seraient sans doute dans une situation bien plus favorable aujourd’hui.


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