L’e- commerce progresse raisonnablement en France. Tandis que des places de marché digitales (marketplaces) continuent de se créer par dizaines pour les professionnels, le libre-service interactif se développe, permettant de personnaliser ses achats, de gérer ses commandes de manière autonome, jusqu’au quick commerce assurant des livraisons en une heure.
Malgré quelques aléas, la France se maintient dans le peloton du e-commerce en Europe avec 159,9 Md€ en 2023, devant l’Allemagne (93,6 Md€) mais loin derrière le Royaume-Uni (plus de 450 Md€). Après un fort redémarrage lors de la pandémie de Covid, la croissance s’est un peu essoufflée ces deux dernières années. Plusieurs raisons : saturation du marché, inflation et retour progressif dans les magasins.
Avec 10 à 12 % du commerce de détail, le e-commerce en France fait bonne figure. Un bon chiffre : 77 % des achats en ligne sont réalisés auprès de vendeurs nationaux (source Fevad, Fédération du e-commerce et vente à distance). La France se montre également réceptive aux ventes en ligne depuis les smartphones et via les réseaux sociaux. Autre facteur encourageant, les services en ligne progressent le plus (+ 20 %).
39,4 millions de Français achètent sur internet, en moyenne 60 commandes par an (2023) et en privilégiant le « made in France » et, pour 45 %, les ventes d’occasion. Ils se déclarent satisfaits à 93 %. En 2023, la France comptait 152 000 sites marchands (+ 10 %), représentant 213 000 emplois. Deux tiers des e-commerçants français vendent à l’international (sources Fevad, Republik Retail).
La dynamique des places de marché
Depuis la parenthèse du Covid, la France connait une envolée des places de marché, ces plateformes permettant à des milliers de commerçants ou particuliers de vendre leurs produits en ligne, sans avoir à créer leur propre site d’e-commerce ; elles vendent donc pour le compte de tiers. Sur les trois années écoulées, plus de 200 marketplaces ont vu le jour en France. En 2023, elles ont représenté 29 % des ventes de e-commerce, sans subir de tassement, comme ce fut le cas en magasin, pour le non-alimentaire. Dans le secteur de l’équipement de la maison, les ventes en ligne pèsent déjà 36 % des ventes totales.
La majorité des milliers de sites d’e-commerce en France réalise moins de 100 000 € de chiffre d’affaires annuel. En face, quelques dizaines d’acteurs dépassent les 10 M€, parmi lesquels figurent les géants du e-commerce et les grandes marketplaces : Amazon, Cdiscount, Alibaba, Tamu, Fnac-Darty, Leboncoin, Vinted, etc.
Cela traduit une polarisation du marché. On constate une concentration des ventes sur quelques grandes plateformes mais sans nuire, semble-t-il, à la diversité des entreprises présentes dans l’e-commerce. Les places de marché peuvent jouer un rôle clé en soutenant de petits acteurs (artisans, designers, etc.) qui n’ont pas les ressources pour développer leur plateforme de vente. Ils bénéficient ainsi d’une plus grande visibilité et accèdent à un large public sans avoir à supporter les coûts de gestion élevés inhérents à un site d’e-commerce.
C’est particulièrement vrai dans l’habillement, les accessoires de mode (cf. Zalando, La Redoute) ou les bijoux et accessoires (cf. Etsy ou Amazon Handmade), ou encore dans les produits de niche (sport, aliments bio…). Dans le secteur du luxe, traditionnellement plus réservé s’agissant des marketplaces, certaines marques visent la dimension internationale tout en préservant une certaine exclusivité (cf. Farfetch ou 24S.com du groupe LVMH).
Différents modèles économiques
Les modèles économiques des marketplaces sont très divers, selon que leurs partenaires sont B2B (entreprises), verticaux, ou orientés consommateurs (B2C, C2C) ou services.
Pour certaines places de marché, la stratégie vise à élargir leur catalogue (par exemple dans le luxe) tout en soutenant les marques (en magasin), et à accroître leurs revenus en capitalisant sur les ventes des partenaires sans avoir à gérer la logistique ou l’inventaire des produits. Pour d’autres, c’est d’abord la possibilité de renforcer leur présence et leur visibilité sur le web, sur les réseaux sociaux, etc., en jouant sur l’omnicanalité (téléphone, SMS, e-mails, médias sociaux…).
L’argument défense de l’environnement
Ces marketplaces constatent que la défense de l’environnent, le choix des matériaux, leur origine et leur recyclage deviennent des arguments de vente. Parmi les motifs de satisfaction des consommateurs en ligne, la Fevad se félicite de « la transparence offerte par l’e-commerce dans le domaine de la responsabilité sociétale et environnementale, de même que la simplicité d’accès à des gammes de produits responsables ». De fait, 79 % des consommateurs en ligne privilégient les produits fabriqués en France et 72 % accordent leur préférence à des produits respectueux de critères sociaux et éthiques. Preuve que certains messages passent…
Fournisseurs de marketplaces et spécialistes data se pressent au portillon
Un grand nombre de fournisseurs proposent des solutions pour créer une marketplace à partir de zéro, et souvent en no code (sans programmation). On peut mentionner, sans être exhaustif, Mirakl (utilisé par Carrefour, Conforama, Fnac-Darty, Le Printemps…), Octopia (Cdiscount ; orienté retail), Wizaplace (multisectoriel, pour TPE, PME), Origami (modulaire, personnalisable), Uppler (orienté B2B, industrie, distribution), Cocolabs (orienté services, formations, location), Kreezalid (pour TPE, PME, en mode SaaS). Il existe également des solutions en open source, ainsi que des prestataires spécialistes de la gestion des flux, comme Neteven (Lectra) ou Lengow et d’autres. Car le point crucial reste la maitrise des bases de données et des outils de data intelligence ou data analytics (pour l’automatisation, les tableaux de bord, etc.).
Le groupe Printemps a lancé il y a quelques mois une nouvelle marketplace avec un objectif clé : développer une stratégie « omnicale » autour d’un catalogue unique, tout en s’ouvrant à de nouvelles marques. Entretien avec Julie Levite, head of Marketplace de Printemps.com. « Une de nos priorités était d’offrir une expérience de communication “omnicanale” sans couture pour nos clients ; ce qui s’est traduit par le développement et l’accélération de la complémentarité entre le retail et le digital à 360°. »
Ainsi, au cours des trois années écoulées, le Printemps a mis en place la prise de commande en ligne en magasin, a ouvert un espace click & collect avec des salons d’essayage dédiés et a mis en ligne un service de shopping personnalisé avec la possibilité, pour chaque client, de choisir son personal shopper selon son profil. « Ce sont là les premières illustrations servicielles d’une démarche volontaire que nous avons mise en place en 2020 », précise Julie Levite.
Des parcours personnalisés sur le site
« Plus qu’aligner les produits, nous cherchons à comprendre les comportements d’achat en analysant les requêtes effectuées sur le site, y compris pour des produits qui n’y sont pas, ce qui nous incite à embarquer de nouvelles marques, d’une part, et à proposer des parcours personnalisés sur le site, d’autre part. »
Une plateforme customer data a été développée afin de réconcilier les achats faits en ligne et en magasin : « C’est un cercle vertueux. Grâce à des outils de merchandising et d’IA, nous pouvons proposer des offres en cohérence avec les recherches faites sur le site et en magasin. »
Comme le grand magasin propose une multitude de marques et de produits, il était également crucial de rapprocher le site e-commerce et les visites en magasin autour d’un catalogue unifié : « Le site reste un catalogue vivant permettant de préparer sa visite en magasin et pour cela nous devions trouver une solution permettant à 100 % des marques en magasins d’être commercialisées en ligne. »
Sur sa nouvelle place de marché digitale lancée il y a un an, le groupe Printemps accueille un nombre croissant de marques pas ou peu présentes sur son site d’e-commerce, ce qui leur permet de commercialiser leurs produits tout en contrôlant leur image, leur assortiment, leurs prix et cela en expédiant directement leurs commandes aux clients du Printemps.
« Depuis le lancement de la marketplace, nous constatons le double effet : le site assure des ventes et, en reflétant l’offre disponible en magasin, il fait venir les clients chez nous, car ils ont une appétence pour les marques. Donc, clairement, la marketplace apporte un plus dans l’expérience d’achat. »
C’est le fruit du ROPO (research online, purchase offline), donc recherche en ligne et achat en magasin, pour voir et toucher le produit. Si la référence ou la taille ne sont pas disponibles en magasin, les vendeurs sur place peuvent passer commande en ligne pour le client afin qu’il le reçoive directement chez lui. « Ce cycle vertueux nous parait être une vraie tendance de fond. »
« Le déploiement de la marketplace a pu être réalisé rapidement et avec succès grâce aux équipes de Neteven [groupe Lectra], une solution leader de gestion des marketplaces de mode en Europe. Nous avons gagné en souplesse et en rapidité et nous avons ainsi pu mutualiser les investissements digitaux et augmenter le volume des ventes de plusieurs marques. »
Comme plateforme d’e-commerce, précisons que Printemps.com utilise Mirakl (lancée en 2019 par Philippe Corrot et Adrien Nussenbaum).
Le rôle de la « data intelligence »
La pression commerciale que peuvent subir les clients est également une préoccupation : « Nous avons un outil de data intelligence qui permet de faire un suivi client par client, campagne par campagne ; il compte le nombre de sollicitations, le nombre de campagnes envoyées, ce qui permet de prévenir les risques de désabonnements. »
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