Le dropshipping, la vente sur internet de produits directement envoyés par des usines en Chine, cartonne. Problème, 98 % des vendeurs oublient de payer la TVA. Le gouvernement va mettre fin à ses abus.
À en croire les réseaux sociaux, le dropshipping est devenu en quelques années la martingale pour réussir dans le e-commerce. Entre récits de success story et tutoriels plus ou moins sérieux expliquant comment faire fortune avec le dropshipping en quelques semaines, le sujet intéresse au tant qu’il intrigue. Sur internet, quelques petits filous, parfaitement aux points sur les techniques de SEO, le référencement naturel sur les moteurs de recherche, associent d’ailleurs systématiquement « dropshipping » et « arnaque » dans leurs titres d’articles pour mieux capter et rassurer leurs futurs clients.
Pourtant, au départ, le dropshipping est plutôt une bonne idée. Cette tendance forte du e-commerce, facilitée par la mondialisation des échanges avec le Chine, consiste à vendre des produits sans les produire ni les posséder en stock.
Le vendeur n’est donc en charge que de la commercialisation et de la vente du produit, au travers d’un simple site vitrine. Dès qu’un client réalise une commande sur son site, le dropshipper la transmet à un fournisseur partenaire qui se charge directement de la livraison.
Il ne gère donc aucun aspect logistique de la vente : la gestion des stocks et l’expédition étant déléguées aux fabricants. C’est une activité qui présente entre autres l’avantage de pouvoir travailler du lieu que l’on souhaite puisque seul un ordinateur est nécessaire, qui ne nécessite pas ou peu d’investissements et donc quasiment sans risques financiers.
Des sites « prêt à l’emploi » chez Shopify permettent de démarrer très vite, pour quelques centaines d’euros. Ensuite, il suffit de vendre en direct où d’intégrer une place de marché comme Amazon, Cdiscount ou Etsy. Ces « marketplaces » prélèvent des commissions sur les ventes (entre 3 et 40 %).
Reste que pour être « visible », il faut prévoir de très gros budgets publicitaires, que ce soit pour attirer des chalands sur Google, sur Facebook/Instagram ou même sur les « marketplaces ». Sur Etsy, la mise en avant d’une « annonce » coûte 15 % de commissions sur le prix de vente. Au final, la rentabilité du dropshipping n’est pas toujours évidente.
Si l’explosion des marketplaces ne fait pas toujours la fortune des vendeurs, elle fait celle des « vendeurs de pelles ». En 2020, la start-up française spécialisée dans les marketplaces, Mirakl a fait une levée de fonds de plus de 250 millions d’euros. La nouvelle licorne est désormais valorisée plus d’un milliard d’euros.
Le dropshipping ne contribue pas non plus beaucoup à la richesse nationale. L’an dernier, un rapport de l’inspection des finances a révélé que 98 % des vendeurs enregistrés sur les « marketplaces » ne sont pas immatriculés à la TVA en France. Le rapport indiquait que sur 25 459 vendeurs contrôlés sur les marketplaces, seuls 538 étaient en règle avec l’administration fiscale. La Commission européenne chiffre cette fraude à 7 milliards d’euros pour toute l’UE.
Pourtant, la loi est claire. À partir de 35 000 euros de chiffre d’affaires annuel, les e-commerçants sont en principe sommés de prendre un représentant fiscal en France, chargé de remplir leurs obligations. Dans les faits, seuls une dizaine d’officines jouent ce rôle, représentant un total de 300 grossistes, selon Bercy.
Pour limiter la fraude, le gouvernement a décidé de prendre le taureau par les cornes.
Une nouvelle notion a été introduite dans le Code Général des Impôts. Il s’agit des livraisons de biens expédiés ou transportés par le fournisseur ou pour son compte, depuis des pays tiers à destination de particuliers au sein de l’Union Européenne. C’est la définition même du dropshipping. À partir de 2021, la vente à distance sera reconnue, même si l’intervention du vendeur dans la livraison du bien est indirecte. De ce fait, il n’y aura plus de dissociation possible au niveau fiscal entre la livraison et la vente d’un bien.
TVA payée par les plateformes
Surtout, les plateformes Internet qui font de la vente pour compte de tiers vont devenir redevables de la taxe sur la valeur ajoutée pour les commerçants dont elles proposent les produits. Pour le gouvernement, l’objectif est clair, remédier aux fraudes et de récupérer les milliards d’euros de TVA évaporés via ces canaux de distribution dont le poids économique explose.
Les plateformes en ligne facilitant les ventes deviendront solidaires de la TVA et verront leurs obligations s’alourdir. Elles seront tenues, par exemple, de conserver un registre des transactions pendant 10 ans. L’administration pourra collecter et exploiter ces données à la recherche d’activités occultes, vente de contrefaçons ou fausses domiciliations à l’étranger.
Les entreprises concernées ont bénéficié d’un sursis du fait de la crise du Covid : les nouvelles règles – valables dans toute l’Europe – devaient normalement entrer en vigueur dès le 1er janvier 2021.
« Il s’agit d’un chantier très lourd, avec des adaptations techniques complexes et un travail de reporting très conséquent », souligne un représentant du secteur. Les acteurs du e-commerce vont se préparer à ce « big bang » en travaillant main dans la main avec les services de Bercy au cours des mois qui viennent.
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