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Double matérialité : comprendre la dépendance des entreprises à la nature

Double matérialité : comprendre la dépendance des entreprises à la nature

Alors que la crise climatique et la perte de biodiversité continuent de croître, il est devenu essentiel pour les entreprises de comprendre leur interdépendance avec la nature. La double matérialité met en lumière cette relation en évaluant à la fois l’impact des activités économiques sur l’environnement et les risques que la dégradation de celui-ci fait peser sur les entreprises. Ce concept est un élément clé de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), qui impose une transparence accrue dans les rapports ESG.

Une contribution de Nicolas Letavernier, Directeur développement France chez Workiva

 

Cette nouvelle directive exige non seulement de mesurer l’empreinte écologique des entreprises, mais aussi d’évaluer comment la détérioration des ressources naturelles, telles que l’eau et les matières premières, peut affecter leurs chaînes d’approvisionnement. Cette approche élargit leur vision des risques, assurant une meilleure résilience à long terme.


 

Une dépendance encore sous-évaluée

 

Malgré ce constat, le Nature Benchmark (2022-2024) montre que pour l’heure, seules 5 % des entreprises ont mesuré leur impact sur la nature, et moins de 1 % ont évalué leur dépendance vis-à-vis de celle-ci. Cela révèle une lacune majeure dans la prise en compte et l’évaluation des risques. Par exemple, certains sont très directs : sans eau, il n’y a pas de récoltes. D’autres, plus subtils, peuvent se dissimuler dans la chaîne d’approvisionnement et ne se manifestent qu’en cas d’événements imprévus.

Un exemple illustratif est la récente flambée des prix du café. Bien que la vulnérabilité de cette culture face au changement climatique soit reconnue, il a fallu une année marquée par des conditions climatiques extrêmes et des pénuries de production pour provoquer une hausse des tarifs. Cela met en évidence non seulement la fragilité des chaînes d’approvisionnement face à de tels phénomènes, mais aussi les conséquences directes de telles perturbations sur les coûts opérationnels, les marges bénéficiaires et la continuité des activités.

Dans ce contexte, la CSRD joue un rôle essentiel en incitant les organisations à identifier leurs interdépendances avec l’environnement et à intégrer une évaluation rigoureuse des défis liés notamment aux ressources naturelles. En plaçant la double matérialité au cœur de ses exigences, la directive permet aux entreprises de mesurer comment les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) influencent leur performance financière, tout en évaluant l’impact de leurs activités sur la société. Cette approche complète facilite la réduction des effets négatifs des opérations économiques et permet d’anticiper les menaces naturelles susceptibles de compromettre la santé financière et opérationnelle de l’entreprise.

 

Repenser la gouvernance pour une meilleure gestion des risques

 

Pour réussir à intégrer pleinement la double matérialité, il convient d’adapter sa gouvernance. Il ne suffit plus de considérer les risques environnementaux comme un exercice de conformité : ils doivent être intégrés aux décisions stratégiques avec une véritable expertise climatique et environnementale, ce qui est encore trop rare. Selon le Nature Benchmark, seules 2 % des entreprises disposent de cette expertise au sein de leurs conseils d’administration, ce qui conditionne leur capacité à prendre des décisions informées.

La CSRD incite à adopter une gouvernance éclairée en matière de durabilité, en intégrant des experts capables de comprendre et de traduire les risques environnementaux en actions concrètes. Cela garantit une gestion plus proactive, capable de répondre aux attentes croissantes des parties prenantes, tout en renforçant la capacité des organisations à faire face aux crises environnementales à venir.

 

Un avantage compétitif dans un marché en mutation

 

L’intégration de la double matérialité ne se limite pas à satisfaire les exigences de la CSRD. C’est également un levier de compétitivité pour les acteurs qui souhaitent se distinguer dans un marché de plus en plus sensible aux enjeux écologiques. En intégrant ces nouvelles réalités dans leur gestion stratégique, il est possible non seulement d’attirer des investisseurs soucieux de la durabilité, mais aussi répondre aux attentes des consommateurs et partenaires, qui attendent des engagements concrets en matière de développement durable.

De plus, cette approche permet de mieux anticiper les fluctuations des ressources et des marchés, tout en développant des solutions innovantes et résilientes. En adoptant une transparence accrue et en s’engageant dans la durabilité, les organisations renforcent leur image tout en contribuant activement à la transition écologique.

 

La CSRD, en imposant l’intégration de la double matérialité, pousse les entreprises à reconnaître l’ampleur de leur dépendance à la nature et à s’adapter aux nouvelles exigences. Ce cadre offre une vision globale des risques et des opportunités, permettant non seulement d’évaluer les impacts sur les ressources naturelles, mais aussi de renforcer leur résilience face aux changements climatiques et à la dégradation des écosystèmes. En adoptant cette approche, les organisations ne répondent pas uniquement aux exigences réglementaires : elles bâtissent un modèle plus robuste, capable de faire face aux futurs défis environnementaux, tout en répondant aux attentes des investisseurs et des parties prenantes pour une durabilité concrète.

 


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