La stratégie environnementale et climatique fait l’objet d’attentes accrues des actionnaires et est devenue un enjeu majeur lors des assemblées générales des sociétés cotées, notamment au travers du Say on Climate.
Le Say on Climate consiste à soumettre une résolution sur la politique environnementale d’une société cotée à un vote de ses actionnaires lors de son assemblée générale. Cette résolution peut émaner, soit de l’émetteur qui la présente volontairement au vote de l’assemblée générale, soit des actionnaires qui demandent à faire inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale leur propre résolution climatique. Le nombre de ces résolutions, inexistantes en France avant 2020, ne cesse de progresser face à la prise de conscience de l’urgence climatique. Le dialogue actionnarial s’adapte progressivement à ce sujet qui ne fait encore l’objet d’aucune réglementation, à l’exception des obligations en matière de reporting climatique.
Les résolutions à l’initiative des organes de gouvernance
De plus en plus de sociétés cotées se sont saisies du sujet du Say on Climate en proposant, à l’initiative de leur conseil d’administration ou de surveillance, une résolution visant à soumettre leur politique environnementale au vote de l’assemblée générale afin de conforter la démarche engagée ou à venir de l’entreprise.
Après de nombreux débats juridiques sur la hiérarchie des organes sociaux de l’émetteur et la répartition de leurs compétences, il semble aujourd’hui acquis que le vote d’une résolution Say on Climate proposée par le conseil d’administration en assemblée générale ne peut être que consultatif. A cet égard, le Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris dans son rapport sur les résolutions climatiques « Say on Climate » de décembre 2022 a rappelé que ce vote consultatif « ne heurte aucune règle juridique et en particulier pas le principe de hiérarchie des organes sociaux ».
L’objet des résolutions Say on Climate est variable en fonction des émetteurs et révèle l’absence, à ce stade, de pratique de marché sur ce sujet. Selon l’AMF, ces résolutions portent « sur la stratégie ou la politique de [la] société en matière environnementale, et notamment sur son impact climatique. Il peut s’agir, par exemple, d’un plan de transition énergétique, les mesures prises par une société pour réduire ses émissions de carbone »[1]. Elles visent parfois seulement le principe même de la mise en place d’un plan de transition climatique ou l’ambition et/ou les objectifs environnementaux de l’émetteur.
En pratique, le Say on Climate, autour duquel s’articule le dialogue actionnarial lors de l’assemblée générale, permet surtout d’identifier le niveau de soutien ou de désapprobation au travers des discussions et des votes exprimés pendant l’assemblée générale.
Les résolutions à l’initiative des actionnaires
A défaut de Say on Climate existant ou satisfaisant, des actionnaires proposent parfois leurs propres résolutions climatiques. Les conseils d’administration n’ont pas toujours accepté l’inscription à l’ordre du jour de telles résolutions à l’initiative des actionnaires, en considérant qu’il s’agissait d’« une immixtion de l’assemblée générale dans la sphère de compétence du conseil d’administration »[2].
Le conseil d’administration pourra accepter d’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale une résolution climatique proposée par les actionnaires seulement si elle a un caractère consultatif[3], comme pour les résolutions Say on Climate du conseil d’administration.
En cas de désaccord sur l’ajout de ce point à l’ordre du jour, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a rappelé dans son communiqué du 8 mars 2023 qu’elle n’est pas compétente pour apprécier la recevabilité d’un projet de résolution proposé par un actionnaire ou le bien fondé d’un refus par le conseil d’administration. L’AMF rappelle que ces contentieux relèvent de la compétence du tribunal de commerce.
A cet égard, plusieurs groupes de travail[4] proposent que des modifications législatives ou réglementaires soient adoptées afin de faciliter et sécuriser le dépôt de telles résolutions par les actionnaires.
Les obligations de reporting climatique
Parallèlement au développement de la pratique du Say on Climate, un reporting climatique se met en place, permettant une meilleure information des actionnaires.
Les sociétés cotées dépassant certains seuils (bilan ou chiffres d’affaires et nombre de salariés), sont d’ores et déjà soumises à l’obligation de publier, dans leur rapport de gestion, une déclaration de performance extra-financière comprenant une présentation détaillée de leur politique environnementale et climatique.
En outre, à compter de l’entrée en application en 2025 de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), ce reporting climatique sera complété et étendu à toutes les sociétés cotées sur un marché réglementé qui devront alors communiquer sur « les plans définis par l’entreprise, y compris les actions de mise en œuvre et les plans financiers et d’investissement connexes, pour assurer la compatibilité de son modèle commercial et de sa stratégie avec la transition vers une économie durable, la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C conformément à l’accord de Paris […], l’objectif de neutralité climatique d’ici à 2050 […] ».
A ce titre, dans son communiqué du 8 mars 2023, l’AMF a appelé « dès à présent les sociétés cotées à tenir compte, autant que possible, de ces nouvelles exigences dans l’élaboration de leur reporting extra-financier et de leur stratégie climatique ».
Les assemblées générales 2023 à venir apporteront sans nul doute un éclairage nouveau sur l’évolution de la pratique du Say on Climate et sur la nécessité de sa standardisation au travers de recommandations ou d’une réglementation spécifique.
[1] Rapport 2021 de l’AMF sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétés cotées.
[2] Rapport 2021 de l’AMF précité.
[3] Rapport de décembre 2022 du Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris précité.
[4] Propositions de décembre 2022 du Forum pour l’Investissement Responsable et publication de mars 2023 des recommandations de la Commission Climat et Finance Durable de l’AMF (qui précise qu’elle ne reflète pas la position du Collège ou des services de l’AMF).
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