Tensions sur les approvisionnements, non stabilisation des économies post-Covid, montée de la colère sociale à travers le monde, menace de nouvelle crise financière, guerres économiques États-Unis-Chine-Russie sont les sujets sur lesquels les chefs d’entreprise doivent se pencher pour ajuster leur stratégie à l’international. En gardant en tête que l’Europe peut être à privilégier dans certains cas.
Les cartes du jeu économique mondial sont en train d’être rebattues. Preuve de cette redistribution des cartes : le G20 réuni à Rome les 30 et 31 octobre 2021 a acté des mesures comme la taxation minimale de 15 % pour les multinationales de +750 M€ de chiffre d’affaires avec un objectif de mise en œuvre à l’horizon 2023, et la levée des droits de douanes sur les importations d’aluminium et d’acier. Il a aussi rappelé l’absolue nécessité de prendre en compte les risques climatiques par les États dans leurs activités économiques.
Si les analystes annoncent une croissance mondiale de 5 à 6% sur 2021 et un fort redémarrage du commerce mondial (+10,8% en volume prévus par l’OMC), les PME vont devoir ajuster leurs stratégie et plans de développement à l’international pour l’adapter aux nouvelles règles qui sont en train d’être mises en place. Si le contexte fait peser de nouvelles contraintes sur l’activité et le développement des entreprises, il offre aussi son lot d’opportunités à saisir.
Pour à la fois avancer sur les sujets à traiter et capter ces nouvelles opportunités, il est intéressant pour les chefs d’entreprise de réfléchir et de travailler autour de cinq axes.
Premier axe : les approvisionnements
Les perturbations des chaînes d’approvisionnement internationales apportent leur lot de nouveaux risques : ruptures de stock, allongement des délais, augmentation des prix, guerre commerciale avec des concurrents, etc. Mais elles peuvent être aussi l’occasion de décider d’une relocalisation de ses approvisionnements et/ou d’une diversification de ses fournisseurs – diversification en termes de situation géographique mais aussi de profils d’entreprise.
Les tensions sur les approvisionnements entrainent une tendance inflationniste. Là aussi, l’entreprise doit revoir ses calculs de rentabilité et oser augmenter ses tarifs. Car un marché inflationniste libère les prix et donne davantage de latitude au dirigeant pour augmenter les tarifs de ses offres. Il peut aussi dépasser le seuil dit d’équilibre (i.e. celui qui permet de ne pas perdre d’argent), et en profiter pour reconstruire ses marges.
Deuxième axe : la fragilité de certaines économiques nationales non encore stabilisées après la crise de la Covid 19
Certains pays, marqués par de faibles taux de vaccination et une fragilité initiale de leur économie, restent durement frappés par les conséquences de la pandémie de Covid 19. Comme il n’y a en général pas (ou trop peu) de systèmes d’aide et de protection sociale pour compenser, il y fort à parier que la consommation ne repartira pas à la hausse prochainement.
Toute PME française qui travaille avec ces zones géographiques doit donc impérativement anticiper une rétractation des marchés locaux. Elle doit en même temps rester attentive car de nouveaux besoins peuvent y émerger et il y aura des opportunités de business à saisir, tout en anticipant le fait que les consommateurs n’auront pas d’énormes capacités financières.
Troisième axe : la montée des tensions sociales dans certains pays
Dans plusieurs travaux récents, les économistes de l’OCDE[1] et du FMI rappellent que la montée de la pauvreté, du chômage et des inégalités risque d’exacerber la colère sociale partout sur la planète. Le premier risque est une paralysie des économies domestiques et des échanges internationaux.
Si l’entreprise a des sites sur place, elle doit se tenir prête à gérer des revendications salariales, des tensions au sein de ses équipes, ainsi que des blocages de la production ou des approvisionnements, des perturbations logistiques, etc. Elle peut néanmoins regarder comment cette situation peut aider son développement. Par exemple elle peut identifier et miser sur de nouveaux leviers de mobilisation et de “paix sociale” dans l’entreprise. Elle peut aussi capter de nouveaux talents qui vont chercher d’autres environnements et cultures professionnelles basés sur les pratiques managériales françaises.
Quatrième axe : les risques de nouvelle crise financière
L’endettement record des États dits riches et des entreprises pourrait faire dérailler la reprise. La BCE alertait déjà en mai 2021 sur les risques élevés de crise financière. A la clé : l’épée de Damoclès d’un relèvement des taux qui pourrait lourdement impacter l’accès des PME et ETI au financement. A cela peuvent venir s’ajouter d’éventuelles dévaluations monétaires, avec un impact direct des taux de change sur le bilan des entreprises.
Parmi les réflexions et actions pour conjuguer ces risques, les chefs d’entreprise français partis à l’international peuvent recentrer leurs actions sur la zone Europe, ce qui peut tout à fait être opportun eu égard l’engagement actuel en faveur de la réindustrialisation des pays de l’Union européenne. Leurs directeurs financiers vont aussi jouer un rôle clé en se penchant de très près dans les mois à venir sur les stratégies de couverture du change à adopter afin de ne pas être pris aux dépourvus lorsque la volatilité s’intensifiera.
Cinquième axe : les rapports de forces géopolitiques entre États-Unis, Chine et Russie
Les rapports de force économiques qui ne cessent de se jouer entre les Etats-Unis, la Chine et la Russie évoluent au gré d’accords bilatéraux et de l’émergence nouveaux “dossiers”. Une seule certitude : l’Europe sera impactée par les dommages collatéraux de ces jeux géo-politico-économiques.
Les échanges commerciaux internationaux seront directement concernés. Les entreprises sont ainsi invitées à être vigilantes dans leurs stratégies internationales pour ne pas voir leurs contrats remis en question par des mesures de guerre économique. La saga Huawei ou encore les sanctions américaines contre l’Iran ne sont que les prémices d’équations stratégiques vouées à se complexifier.
Le risque devient plus grand pour les entreprises qui visent le quasi-monopole dans un pays. L’heure est à la diversification du modèle économique afin de ne plus mettre tous ses œufs dans le même panier.
Tous ces défis sont nouveaux et nombreux. L’incertitude est grande. Mais à chaque situation nouvelle, des opportunités émergent pour qui sait regarder la table du jeu de manière pragmatique et globale. Une chose est néanmoins sûre : les stratégies de développement international ne peuvent pas se faire sur les pays classiquement visés et l’Europe devient une opportunité de développement à ne plus ignorer.
[1] https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2021/01/29/Social-Repercussions-of-Pandemics-50041
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