Le gouvernement s’inquiète d’une hausse du déficit public… dont il est en partie responsable.
Voilà, ça dérape encore. Depuis hier soir, les médias relaient les éléments de langage de Bercy. Car le ministre de l’Economie, Bruno le Maire – démissionnaire comme l’ensemble du gouvernement encore en exercice -, s’inquiète, tire la sonnette d’alarme.
« Une note du Trésor pointe un risque de dérapage du déficit à 5,6 % du PIB, bien supérieur aux 5,1 % visés », peut-on lire dans les Echos. Et il pourrait atteindre 6,2% du PIB en 2025 – au lieu de 4,1% – si 60 milliards d’économies n’étaient pas réalisées. En cause, selon des courriers envoyés par « BLM » aux aux principaux responsables parlementaires des questions de finances publiques (comme Eric Coquerel, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, et Charles de Courson, rapporteur général du budget), une hausse des dépenses des collectivités territoriales, incontrôlées « qui pourrait à elle seule dégrader les comptes 2024 de 16 milliards ».
Mais comme tout budget, on ne peut pas sans cesse blâmer ce qui sort. Il faut aussi voir ce qui rentre : et il se trouve que « les recettes de TVA, d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés pourraient être moins élevées que prévu ».
A chaque fois que, ces dernières années, le ministre de l’Economie s’est ému des coulées des finances publiques, on a eu l’impression qu’il tombait un peu des nues. Mais qui aurait pu prédire que les gouvernements successifs allaient laisser une ardoise déficitaire, sinon un des hommes qui est le plus au coeur du réacteur budgétaire national ? Car ce manque de recettes, devenu désormais structurel en France, ne sort pas de nulle part. Comme nous l’écrivions en juin dernier dans un long récit que nous consacrions à Bruno le Maire, ce dernier a opté de façon quais inconditionnelle, pour une politique de l’offre : baisse des impôts -notamment pour les entreprises -, mesures d’incitations etc. Avec pour réussites, une baisse du chômage et un accroissement de l’attractivité du pays. Mais aussi, avec un revers de médaille.
Car, notamment, les réformes sur la fiscalité du capital et ses allégements nombreux (IFI, flat tax pour ne citer qu’elles) n’ont pas entraîné d’effets vertueux sur l’économie – à défaut d’avoir creusé le déficit – selon une évaluation faite par France Stratégie. Pire, certains mécanismes ont eu des répercussions indésirables, comme l’écrivait notre journaliste Théodore Laurent. Entre 2018 et 2023, la manne des exonérations de cotisations sur les bas salaires est passée de 53,4 milliards à 73,6 milliards selon l’Urssaf. Cet allègement, mis en place afin de lutter contre le chômage et de soutenir la compétitivité des entreprises, a contribué à la smicardisation du pays. En 2023, 17,3% des salariés du privé étaient rémunérés au salaire minimum contre 10,6% début 2017. « Il est impératif de redéfinir de A à Z, les allégements de charge, de façon à recréer de la dynamique salariale », concédait Bruno Le Maire, auprès de Forbes.
Alors qu’un nouveau gouvernement va devoir se former – un jour, qui sait ? -, le message envoyé par le gouvernement démissionnaire est clair : son successeur va devoir couper dans les dépenses. La question des recettes fiscales, ne semble pas à l’agenda du président de la République. La recette politique, elle, est connue : crier au loup budgétaire, pour essayer de convaincre la population du bien-fondé de politiques libérales : baisse des dépenses publiques, baisses des aides, baisse des prélèvements, et désengagement approfondi de l’Etat. Les dernières élections ont pourtant montré que la France voulait autre chose que ce bouillon économique.
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