Dans les entreprises, la santé mentale est au centre de tous les échanges. Depuis la Covid19, de nombreux acteurs s’inquiètent des conséquences psychologiques des évolutions du travail sur les populations, notamment chez les plus jeunes. Mais de quoi parlons nous exactement ?
La « santé mentale », quèsaco ?
La santé mentale définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté, est devenue une préoccupation croissante et ce, bien avant la pandémie du Covid-19. Rien que dans l’Union Européenne, selon la Commission, près de 84 millions de personnes sont déjà touchées par une détérioration de leur santé mentale au travail, entraînant une augmentation des cas de dépression, de burn-out et même de suicides dans les situations les plus graves. La crise sanitaire mondiale a exacerbé ces problèmes de manière significative. Les conditions de travail ont subi des changements profonds avec l’adoption généralisée du télétravail, la multiplication des outils informatiques, l’isolement social croissant et les incertitudes économiques… Ces facteurs combinés entraînent une hausse du stress, de l’anxiété et de l’épuisement professionnel. La crise du Covid-19 a mis en évidence l’urgence d’accorder une attention accrue à la santé mentale et de mettre en place des stratégies et des ressources visant à soutenir les individus dans leur épanouissement psychologique sur leur lieu de travail.
Le coût de la santé mentale
La dégradation de la santé mentale a des conséquences financières considérables, tant au niveau collectif à travers les dépenses de sécurité sociale que pour les entreprises en raison de la baisse d’activité. Les coûts liés aux soins de santé mentale, comprenant les consultations avec des professionnels de la santé mentale, les médicaments et les traitements, représentent une part importante des dépenses globales de la sécurité sociale.
Les « institutions de prévoyance s’inquiètent d’une dérive structurelle des arrêts de travail qui fait grimper les cotisations versées par les salariés et les employeurs ».
En France, cette augmentation des arrêts de travail est très marquée : entre 2022 et 2019, « le nombre d’arrêts de travail indemnisés par les membres du CTIP a augmenté de 30%, et les prestations versées à ce titre ont augmenté de 12%, selon les chiffres du CTIP ». Les absences prolongées et les arrêts de travail liés aux problèmes de santé mentale engendrent également des coûts significatifs pour les entreprises. En effet, en plus des dépenses directes, il faut prendre en compte la baisse de productivité, la diminution de l’engagement des employés, les coûts de recrutement et de formation de remplaçants, ainsi que les frais liés aux accidents du travail et aux conflits internes.
Selon un article des Échos, Bruxelles estime que le coût total des problèmes de santé mentale en Europe s’élève à plus de 600 milliards d’euros par an, soit environ 4 % du PIB de la région. Face à cette réalité, l’Union européenne s’est engagée à allouer 1,23 milliard d’euros de financement pour cibler les domaines où il est nécessaire d’agir et à encourager les États membres à accorder une priorité accrue à la santé mentale.
Les managers de plus en plus touchés
Selon Malakoff Humanis, en 2022, 50% des salariés ont été arrêtés au moins une fois, atteignant ainsi le niveau le plus élevé jamais enregistré en France. Auparavant, ce chiffre tournait autour de 42%. Les maladies ordinaires ont été la principale cause d’arrêts (28%) l’année dernière, suivies par le Covid-19 (17%) et les troubles psychologiques (15%). Les troubles musculosquelettiques arrivent en quatrième position (13%), mais sont la principale cause d’arrêts de plus de 30 jours.
Qui sont les employés les plus touchés ? Les managers !
En 2022, 53% d’entre eux ont été arrêtés au moins une journée, soit une hausse de 13 points par rapport à l’année précédente. Cette tendance est globalement observée chez tous les cadres, avec une augmentation de 41% de l’absentéisme entre 2019 et 2022, selon une autre étude réalisée par Axa.
Ceci s’explique par une forte dégradation des environnements de travail. 54% des managers estiment avoir de plus en plus de difficultés à gérer les priorités et les sollicitations de leurs équipes. Les cadres réclament ainsi un rééquilibrage entre le temps qu’ils accordent à leur vie personnelle et professionnelle : 55% d’entre eux déclarant que le travail a un impact plus important sur leur temps personnel, contre seulement 27% des salariés non-managers. Ainsi, cette requête fait écho au droit à la déconnexion.
Pourquoi les entreprises doivent-elles se saisir de la question ?
Investir dans l’amélioration de la santé mentale peut sembler coûteux, mais ne pas agir serait encore plus coûteux à long terme. Les chiffres alarmants de l’absentéisme en France mettent en évidence l’importance pour les entreprises de prendre des mesures pour soutenir la santé mentale de leurs employés, en particulier des managers, et de mettre en place des stratégies de prévention et de gestion du stress afin de garantir un environnement de travail sain et productif pour tous les employés. Face au ras-le-bol au travail, certaines entreprises ont déjà mis en œuvre des programmes de soutien psychologique, adopté des politiques de flexibilité pour favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et proposé des formations sur la gestion du stress. Selon l’étude de Malakoff Humanis 79% des chefs d’entreprise interrogés ont mis en place au moins un dispositif de prévention et d’accompagnement des arrêts maladie en 2022, contre 65% l’année précédente. Cependant, malgré les efforts actuels, il reste encore un long chemin à parcourir pour assurer un environnement de travail mentalement sain. Il est impératif que les entreprises continuent de donner une priorité à la santé mentale de leurs employés et investissent dans des mesures visant à promouvoir le bien-être psychologique. Cela comprend la mise en place de politiques préventives, la création d’une culture d’ouverture et de soutien, ainsi qu’une sensibilisation accrue des salariés.
L’État tente également d’apporter des réponses
Enfin, l’Etat s’intéresse aussi au sujet. Un dispositif intitulé « Mon parcours psy » a été mis en place en réponse aux demandes croissantes de remboursement des séances chez les psychologues. Ce programme vise à offrir un accompagnement personnalisé et un suivi régulier avec un professionnel de la santé mentale pour les personnes dans le besoin. Il prévoit le remboursement de huit séances par an par l’Assurance maladie, les mutuelles ou les complémentaires santé. Cependant, un an après son lancement, le dispositif apparaît largement insuffisant, seuls 2 200 psychologues volontaires sont inscrits sur la plateforme dédiée, alors que 50 000 professionnels sont éligibles. La durée et le prix des séances sont également critiqués, avec 30 euros les 30 minutes.
En conclusion, il est devenu impératif pour les entreprises de reconnaître l’importance de la santé mentale de leurs employés et de mettre en place des mesures de prévention pour éviter les troubles psychiques. La détérioration de la santé mentale des salariés entraîne des conséquences financières considérables, à la fois pour les systèmes de sécurité sociale et pour les entreprises elles-mêmes. En bref, mieux vaut prévenir que guérir !
Une tribune réalisée par Alexia QUERE, juriste & Yann-Maël LARHER, Avocat
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