Le défi de la décarbonation en aéroport implique l’ensemble des acteurs du secteur. Les aéroports en tant que gestionnaires d’infrastructures, les compagnies aériennes en arbitres économiques, et les entreprises d’assistance en escale, trop souvent sorties de l’équation mais essentielles à la transition écologique. Pour y arriver, la clé réside dans la collaboration intelligente et l’engagement équitable de chaque partie dans l’investissement et l’innovation. C’est ensemble que nous réussirons !
Une contribution de Didier Montégut, Président de la Chambre Syndicale de l’Assistance en Escale (CSAE)
Comprendre le rôle et les enjeux de chaque acteur
Quand il s’agit d’impact environnemental, l’aérien fait souvent figure de mauvais élève. Pourtant, le transport aérien ne représente qu’entre 2 et 3 % des émissions de CO2 à l’échelle mondiale, c’est moins que le transport routier (15%) et autant que le transport maritime (2 à 3%). Il coûte aussi beaucoup moins cher au contribuable français que le transport ferroviaire, (20 milliards d’euros par an contre 5 milliards). Néanmoins, nous savons que le secteur aérien a un rôle important à jouer. Pour mener à bien la mission décarbonation, il est crucial de comprendre les enjeux et contraintes de chaque acteur.
En tant que gestionnaires des infrastructures, les aéroports font face à une équation délicate : concilier compétitivité et durabilité. Ils doivent jongler entre la nécessité d’innovation et de modernisation pour faire face à la concurrence et celle de se conformer aux exigences réglementaires environnementales, tout en composant avec des contraintes économiques toujours pus strictes. Un exemple illustre parfaitement ce dilemme, celui de l’électrification des équipements au sol qui nécessite des investissements importants alors que le prix de l’électricité ne cesse d’augmenter.
Pour les compagnies aériennes, arbitres économiques, l’enjeu est multiple : absorber les coûts de la transition écologique tout en maintenant des tarifs accessibles pour leurs passagers. Cependant, la pression s’accentue avec des projets comme la nouvelle taxe sur les billets d’avion qui pourrait coûter aux compagnies jusqu’à 130 millions d’euros par an si elle était appliquée.
Pour les entreprises d’assistance en escale, l’enjeu est complexe. Situées au cœur des défis de décarbonation et des réalités opérationnelles, elles doivent conjuguer les investissements massifs pour la transition énergétique avec les différentes contraintes : les infrastructures imposées par les aéroports et les exigences tarifaires imposées par les compagnies aériennes. Leur statut est d’autant plus stratégique car elles peuvent agir sur environ 25% des émissions globales de l’aéroport.
Oui, la situation est complexe, chaque acteur fait face à des enjeux et contraintes spécifiques. Malgré tout, l’objectif doit rester le même : réussir la transformation durable de l’aérien.
Objectif décarbonation : comment y arriver ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2023, 46,3% des engins aéroportuaires des assistants en escale étaient électriques, contre 44% en 2022. La transition avance sûrement mais lentement. Face à l’urgence climatique, ce n’est pas suffisant. Les objectifs du Pacte vert pour l’Europe sont ambitieux, (réduction de 20% des émissions directes de CO2 d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone en 2050), mais accessibles à condition de collaborer intelligemment et d’agir ensemble.
Les investissements doivent être partagés de façon équitable entre les trois acteurs. La transition énergétique des équipements représente un coût financier considérable : acquisition d’engins électriques, mise en place d’infrastructures de recharge. Ces coûts ne peuvent être assumés par un seul maillon de la chaîne, il est impératif d’établir un modèle économique équitable dans lequel chacun contribue à hauteur de ses moyens et de ses responsabilités.
L’innovation technologique est également une priorité absolue. Plusieurs solutions sont possibles. À court terme, accélérer le développement et l’utilisation de technologies électriques à faible émission de CO2 notamment pour les engins les plus énergivores comme les groupes de puissance ou les climatiseurs pour avions au sol (APU OFF). L’utilisation de carburants décarbonés type HVO (huile végétale hydrotraitée) est également à considérer.
À moyen et long terme, il est impératif de soutenir les programmes de R&D sur des solutions vertes pour les engins les plus puissants comme les tracteurs avions. Ces matériels, essentiels aux opérations nécessitent des solutions innovantes bas carbone. Le déploiement de ces technologies permettra d’accélérer la transition et d’assurer une performance durable du secteur.
Non, la décarbonation n’est pas une contrainte, elle représente une opportunité unique de se réinventer. Les acteurs capables d’anticiper et de s’adapter bénéficieront d’un avantage compétitif durable. C’est uniquement en unissant nos forces que le secteur aérien français peut relever le défi et devenir une référence mondiale en matière de développement durable. Nous démontrerons que concilier performance économique et respect de l’environnement n’est pas une utopie.
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