Les membres des conseils d’administration des entreprises ont tout intérêt à réagir de manière adéquate aux articles des médias économiques. Par Henrich Greve, Professor of Entrepreneurship à l’INSEAD; Andrew Shipilov, Professor of Strategy à l’INSEAD; and Timothy Rowley, Professor of Strategic Management à la Rotman School of Management.
En 2004, le journal canadien The Globe and Mail braquait les projecteurs sur un groupe de 16 administrateurs qui avaient une influence disproportionnée sur le paysage économique du pays. Surnommés « les 16 élites », ces hommes siégeaient aux conseils d’administration d’au moins cinq des 200 sociétés inscrites à l’indice S & P / TSX. Ils ne représentaient que 1 % des administrateurs de toutes ces entreprises mais celles-ci constituaient à elles seules 51 % de la valeur boursière de l’indice.
Contrairement à ce que l’on aurait pu imaginer, ce réseau de vieux gentlemen avait une influence bénéfique sur la gouvernance d’entreprise. En termes d’éthique des affaires, les sociétés dont ils étaient administrateurs figuraient en haut du classement annuel établi par le Centre Clarkson de la Rotman School of Management de Toronto.
Que la pression médiatique influence les agissements des entreprises ne fait aucun doute. Plus étonnamment en revanche, nous démontrons dans notre article publié dans le Strategic Management Journal que les entreprises qui échappent à la surveillance des médias n’effectuent pas moins de changements – à la condition essentielle, toutefois, de partager certains de leurs administrateurs.
De façon plus surprenante encore, nous avons découvert qu’une couverture médiatique favorable agit elle aussi comme un stimulant et favorise le changement. Ces résultats s’appliquent non seulement aux entreprises scrutées par les médias, mais également à celles qui leur sont connectées.
Le pouvoir des mots et de l’émotion
Dans notre étude, nous avons examiné le palmarès des sociétés inscrites à l’indice S & P / TSX dans leur classement selon l’indice de confiance dans les conseils d’actionnaires. De 2004 à 2009, nous avons analysé tous les articles sur la gouvernance d’entreprise publiés dans les deux principaux journaux économiques du Canada : le Globe and Mail et le National Post. Nous y avons relevé toutes les références à ces sociétés et nous avons évalué la tendance de ces entreprises à adopter onze pratiques telles que l’indépendance du conseil d’administration, la présence d’un comité de vérification et la possession de suffisamment d’actions par les administrateurs.
Les modèles que nous en avons tirés vont tous dans le même sens : qu’elle soit favorable ou défavorable, leur couverture médiatique conduit ces entreprises et celles qui leur sont connectées à adopter davantage de bonnes pratiques de gouvernance. Nous avons remarqué également que la couverture médiatique est d’autant plus influente qu’elle joue sur les émotions.
Idem pour la parité. Le rapport publié en 2015 par The Economist Intelligence Unit et la société internationale de relations publiques Weber Shandwick a révélé que l’impact des médias était « indéniable » en matière de parité. Le nombre d’articles de presse anglophones sur les femmes dirigeantes d’entreprises a augmenté de près de 300 % entre 2010 et 2014. Si l’on se penche de nouveau sur notre club de 16 vieux gentlemen canadiens de 2004, on remarquera qu’en 2017, il avait ainsi laissé place à un réseau comptant 6 femmes.
Les médias ont une influence déterminante sur les décisions prises par les entreprises, selon le simple principe de la carotte et du bâton. À moins d’une couverture médiatique totalement neutre, les membres des conseils d’administration tiennent compte de l’opinion des médias et ajustent leurs décisions de gouvernance en fonction.
Quelles implications pour les entreprises ?
Les conseils d’administration jouent un rôle clé dans la supervision des stratégies d’entreprise. En gardant un œil vigilant sur ces sociétés, ils en garantissent la réputation, élément plus que jamais fragile et précieux.
Cependant, les entreprises et leurs conseils d’administration doivent comprendre que suivre l’opinion médiatique peut être à double tranchant. Faut-il se conformer à ce que l’on attend d’eux ici et maintenant ou n’est-il pas plus sage de prendre du recul et de prendre des décisions en vue d’un résultat à plus long terme ?
C’est un réel dilemme. Toutefois, la couverture médiatique a au moins ceci de bénéfique qu’elle induit une certaine vulnérabilité des entreprises ; les administrateurs en étant tout à fait conscients, ils risqueront moins de se laisser aller à des réactions impulsives.
Traduit de l’Anglais par Gwénaële Reboux
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