Le cofondateur d’Aircall publie “Rien à perdre”, un livre sur son parcours hors norme, de l’aide sociale à l’enfance au succès de son entreprise. L’occasion pour Jonathan Anguelov de revenir sur la success story de la licorne française de la téléphonie cloud et sur son chemin personnel. Une conversation sans filtre sur l’entrepreneuriat, la méritocratie et les défis de ceux qui n’entrent pas dans les cases.
Forbes France : Où en est Aircall aujourd’hui ?
Jonathan Anguelov : Aircall, c’est aujourd’hui près de 200 millions d’euros de chiffre d’affaires en ARR, toujours une belle croissance, et surtout, une rentabilité atteinte en 2024. Fin 2022, avec mon associé, on a décidé de changer de cap. Les startups qui lèvent des fonds et brûlent du cash, ça ne nous convenait plus. On a voulu en sortir en réduisant les coûts, en renégociant nos divers contrats et certaines prestations superflues. On a vu en quelques mois la rentabilité se redresser et Aircall changer de visage.
Après avoir réussi de mettre la société sur la voie de la rentabilité, un nouveau cycle s’ouvrait pour Aircall. Fin 2023, nous avons décidé mon associé Olivier et moi-même de quitter l’opérationnel pour laisser place à une équipe de management 100 % américaine. Historiquement, 34 % de notre chiffre d’affaires se fait aux États-Unis, donc l’ADN américain était déjà très présent. Ça a été une aventure incroyable, et aujourd’hui, Aircall est leader de la téléphonie connectée.
Vous parlez souvent d’Aircall comme d’un “chameau”, pourquoi ?
J. A. : En 2019, dépasser le milliard de valorisation pour devenir une licorne était cool. Ensuite, on est devenu centaure en générant plus de 100 millions de dollars de revenus. Mais ma vision était qu’il fallait devenir un “chameau”. C’est le premier animal à symboliser une valorisation qui repose sur des bases solides. Un chameau peut traverser un désert grâce à ce qu’il a accumulé dans sa bosse. C’est exactement l’état d’esprit qu’on a voulu adopter : arrêter de dépendre des levées de fonds et construire une entreprise capable de durer dans le temps et donc rentable par essence.
En parallèle, vous investissez aussi dans l’immobilier et les startups. Comment avez-vous commencé ?
J. A. : À 18-19 ans, j’ai acheté des chambres de service avec des prêts étudiants. En 2013, j’avais une dizaine d’Airbnb, mais quand ça a été interdit, j’ai fondé Aguesseau Capital, une foncière qui achète des hôtels et des biens d’exploitation. Depuis 2018, on a acquis pour près de 100 millions d’euros d’actifs et nous sommes aujourd’hui propriétaires de six hôtels. L’objectif est de développer un vrai groupe hôtelier.
En plus, je suis business angel dans plus de 40 startups et je reste actionnaire d’Aircall. J’aime accompagner les entrepreneurs et les aider à éviter certains écueils.
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
J. A. : Toute ma vie, je me suis senti différent à cause de mon passé. En intégrant le Next40, j’ai vu que beaucoup de fondateurs venaient du même milieu : bonne famille, grandes écoles. Ayant de mon côté grandi en foyer, j’étais un miraculé dans ce monde-là. J’ai réalisé que beaucoup de jeunes n’osent pas entreprendre parce qu’ils pensent que ce n’est pas pour eux.
L’ascenseur social est grippé, et je voulais montrer qu’on peut réussir en venant de n’importe où. Écrire ce livre, c’était un tournant dans ma vie : je laissais les rênes d’Aircall alors que l’entreprise comptait 800 salariés et plusieurs bureaux dans le monde. Ce n’est pas une autobiographie, mais un point d’étape.
Vous croyez à la méritocratie ?
J. A. : L’entrepreneuriat, c’est un monde où on te respecte pour la prise de risques. En France, on critique les entrepreneurs qui gagnent de l’argent, mais on oublie les années de galère. Moi, j’ai caché mon histoire pendant des années parce que j’avais honte d’être un gamin de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance). Aujourd’hui, j’en suis fier. Mais on ne va pas se mentir : l’échec est invisibilisé. Quand tu ne réussis pas, c’est la double peine.
Il faut aider les jeunes issus de milieux modestes à aller plus loin que les études classiques et à se lancer dans l’entrepreneuriat. C’est pour ça que je vais lancer des formations et du coaching pour inspirer la prochaine génération.
Quelles sont les clés du succès selon vous ?
J. A. : D’abord, trouver ce qui nous passionne. Parce que si tu aimes ce que tu fais, tu peux devenir le meilleur. Ensuite, travailler dur, s’arracher la tête. Mais la bonne nouvelle, c’est que quand tu aimes, ce n’est pas une contrainte. Moi, pendant 10 ans, j’étais focus sur Aircall et l’immobilier.
Et enfin, comprendre qu’il n’y a pas d’échec, seulement des leçons. Beaucoup abandonnent au premier obstacle, mais une fois que tu as intégré cette idée, tu as un boulevard devant toi.
« Rien à perdre » est d’ores et déjà disponible en précommande et sera présent en kiosque le 13 mars prochain.
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