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Créativité dans le luxe et la mode : que peut nous apprendre la recherche ?

Frédéric Godart, Professeur de Management, HEC Paris

Les industries créatives en général, et le secteur du luxe et de la mode en particulier, pèsent lourd dans l’économie européenne. Par ailleurs, la France a la chance d’accueillir sur son sol non seulement certaines des plus grandes marques de ce secteur (Chanel, Hermès, Louis Vuitton, Saint Laurent, pour n’en citer que quelques-unes) mais aussi ses plus grands groupes (Kering, L’Oréal et LVMH), ce qui lui donne un rayonnement mondial. Pour toutes ces entreprises, la créativité et l’innovation sont des outils critiques de leur succès. De fait, les résultats financiers exceptionnels de certaines marques comme Gucci ou Balenciaga en 2017 peuvent être en partie attribués à la créativité hors-norme de leur direction artistique. Je donne ci-dessous quelques éléments de réflexion, issus de mes propres recherches, pour améliorer la créativité de tous (et pas seulement des créateurs et créatrices) dans le luxe et la mode.

Rendre les individus plus créatifs : priorité à l’international, mais pas trop

La créativité est perçue par beaucoup comme étant une affaire individuelle : embauchez des employés créatifs et l’affaire est pliée ! C’est bien sûr vrai dans une certaine mesure, mais encore faut-il maintenir cette créativité et surtout lui donner un cadre général (collectif) qui la fasse fructifier. L’accès à une information diversifiée, à des inspirations variées et à des modes de travail différents est l’une des clés de la créativité. Tout cela peut s’acquérir à travers une expérience professionnelle internationale. Mais attention, point trop n’en faut : si l’expérience internationale devient trop intense, ses bénéfices peuvent se dissiper car les aspects positifs de la diversité s’estompent avec le temps et une trop grande diversité peut être difficile à intégrer.

La puissance des conglomérats n’est pas que financière, elle est aussi créative

L’un des mystères du luxe et de la mode est la puissance de ses conglomérats ; dans beaucoup d’industries les conglomérats sont vus comme des dinosaures, et pourtant, dans le luxe et la mode, ils prospèrent et même dominent. Une raison est qu’ils facilitent la créativité en permettant aux maisons affiliées non seulement de réduire leurs coûts opérationnels et donc de se concentrer sur ce qui compte le plus (la créativité), mais aussi de diffuser les meilleures pratiques. Un point important : cela ne fonctionne que pour les conglomérats qui ont déjà fait leurs preuves et savent laisser leurs maisons libres de suivre leur propre voie si nécessaire.

Il ne faut pas hésiter à laisser ses employés partir, mais pas n’importe où

Un autre aspect intriguant du luxe et de la mode est la mobilité importante de certains de leurs employés. Certes, certains restent dans la même maison pendant des décennies, mais beaucoup bougent. De ce point de vue, perdre des employés n’est pas nécessairement un problème, car ils continueront à échanger de l’information avec leurs anciens collègues, ils augmenteront l’influence de leur ancien employeur (par exemple à travers les « réseaux d’anciens ») et surtout inciteront ce dernier à réfléchir à leur départ et à s’inspirer des aspects positifs de l’entreprise qui les a convaincus de bouger. La recherche montre par ailleurs que les conditions de la mobilité ne sont pas un point important : tous les mécanismes précédents, et surtout le dernier, fonctionnent quelles que soient les raisons du départ. En revanche, il importe de ne pas laisser ses employés partir n’importe où : l’international est en général préférable, pour les raisons évoquées plus haut.

Les symboles ne sont pas uniquement symboliques

Finalement, les mots utilisés pour nommer les marques et les produits sont loin d’être innocents. Il s’agit de plus qu’un problème marketing (c’est-à-dire d’attirer l’attention des consommateurs). Le nom d’une marque ou d’un produit indique la volonté stratégique et l’ambition créative de l’organisation : un nom trop proche de ce qui existe déjà, et cela diminue la motivation interne ainsi que les réactions positives des observateurs du marché (clients, analystes…) Un exemple de réussite de ce point de vue est celui de Prada avec Miu Miu. C’est aussi pour cela, probablement, que Google s’est choisi un nom original (Alphabet) pour restructurer sa holding. J’espère que ces quelques idées tirées de mes recherches universitaires inspireront quelques initiatives concrètes et créatives.

Les références sont disponibles sur http://www.hec.edu/ Faculty-Research/Faculty-Directory/GODART-Frederic

 

Pae Frédéric Godart, Professeur de Management, HEC Paris

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