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Covid-19, résilience et nouvelle culture d’entreprise

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Source : GettyImages

OPINION//Dans le monde de la transformation des organisations, les nouvelles quêtes de sens et les nouveaux paradigmes managériaux mettent au cœur de la transformation des organisations le partage d’une histoire, de valeurs, de rites et de pratiques communes. Finalement, la pandémie n’a fait qu’accélérer le processus qui annonce déjà la culture d’entreprise de demain.

 

Transformation digitale, transformation vers une organisation data-driven, transformation sociétale et environnementale…Il n’y a pas de transformation organisationnelle sans transformation culturelle. De fait, différentes initiatives d’acculturation ont été lancées dans la plupart des entreprises : acculturation à l’innovation, au digital, à la data…Les entreprises peuvent souhaiter également renforcer la culture internationale de leur organisation pour accompagner le développement de l’activité à l’étranger, ou développer la culture de la conformité pour prendre en compte les nouvelles exigences réglementaires ou encore créer une culture commune suite à une fusion acquisition. Les nouvelles préoccupations qui émergent, telles que la cybersécurité, la RSE, doivent être également intégrées dans la culture d’entreprise.
Nous allons voir que de tout temps la transformation des organisations s’est appuyée sur un levier important : l’évolution de la culture d’entreprise, la crise de la covid n’ayant qu’accéléré la transformation des organisations (principalement par la transfo digitale) accélérant par là même la prise de conscience de la nécessité d’une autre culture d’entreprise. Finalement, l’évolution de la culture d’entreprise pour s’adapter au monde de demain est aussi un objectif de compétitivité.

 

  • De tout temps la transformation des organisations s’est appuyée sur un levier important : l’évolution de la culture d’entreprise

North, historien des institutions de l’économie a longtemps expliquer que la croissance économique d’un pays venait d’un cadre institutionnel adéquat. A côté du pouvoir politique, il existe un cadre institutionnel informel auquel appartient la culture, les normes et les valeurs d’un pays et des entreprises qui le composent. Cette culture va poser les règles du jeu économique et va servir d’incitations pour les entrepreneurs, elle peut intensifier les transactions sur les marchés et les coûts unitaires de production vont baisser tout en stimulant les investissements d’un pays. C’est Williamson qui intégrera plus tard les apports de North pour prolonger l’analyse : l’environnement institutionnel (dont la culture) déterminera les règles du jeu pour le choix des modes de gouvernance (Williamson, 1998). La firme et le marché sont les deux institutions de l’économie qu’il analyse en premier (1975) avant d’y ajouter les formes hybrides (1985,1994).
Quel que soit l’objectif poursuivi, il est essentiel avant toute chose de bien comprendre ce qui constitue la culture d’entreprise par une analyse complétée par une observation des signaux faibles. Il y a tout d’abord son histoire, comment elle s’est construite, la personnalité de ses dirigeants…Il y a également les valeurs, grands principes mis en avant pour fédérer les collaborateurs et communiquer auprès de l’extérieur (clients, partenaires, investisseurs) : par exemple, l’esprit d’équipe, le sens du service, l’éthique… Mais la culture d’entreprise est surtout constituée d’éléments implicites qui forgent les comportements des collaborateurs : un ensemble de rituels, d’habitudes, de règles non écrites qui influent au quotidien sur les pratiques et les interactions au sein de l’organisation. On peut citer par exemple le degré d’autonomie et de responsabilisation donné aux managers intermédiaires et aux collaborateurs, l’aversion au risque, tout particulièrement pour les institutions financières. L’ensemble de ces éléments, explicites et implicites constituent l’ADN de l’entreprise. En résumé, la culture d’entreprise correspond aux éléments qui composent son identité, c’est aussi un élément de différenciation dans la compétition. On y intègre l’histoire de l’entreprise, sa vision, ses rites, ses valeurs etc…l’histoire d’entreprise est un élément essentiel, chaque entreprise a un passé, des mythes et même parfois des héros. L’idée est d’écrire l’histoire de cette entreprise sous le prisme de ses fondateurs, d’un dirigeant charismatique, d’un produit phare etc…La vision elle, correspond au volet stratégique, il s’agit ici de savoir très exactement où l’entreprise doit aller. La stratégie s’appuie sur l’histoire de l’entreprise, il y a une cohérence d’ensemble différenciante par rapport à la concurrence. En bout de course, ce qui permet d’entrer dans l’action, c’est la mise en application des valeurs de l’entreprise, que les rites forgent dans le marbre. 

 

  • La crise de la covid a accéléré la transformation des organisations (principalement par la transfo digitale) accélérant par là même la prise de conscience du besoin du besoin de faire évoluer la culture d’entreprise

Avec la crise de la Covid, les quêtes de sens, caractéristiques d’ailleurs des périodes post-Pandémies, se sont traduites par des comportements et des rituels propres à chacune des étapes de la reprise économique. Les entreprises devant d’abord être résistantes face à l’urgence, Cette résistance tire sa force de la culture et des valeurs de l’entreprise et de ses équipes. Mais elle doit aussi tirer les conséquences des inefficacités antérieures et c’est ici, que La culture d’entreprise amorce alors sa mue/sa transformation. Il est alors essentiel que la culture d’entreprise évolue pour accompagner la transformation.

 

Résistance[1]

D’abord, celle de la « Résistance ». Elle consiste dans l’urgence à faire face à l’adversité en cherchant à réduire les impacts en fonction des ressources immédiatement mobilisables. Après un rapide déni, on prend conscience qu’un choc qui semblait jusqu’alors peu probable nécessite désormais de naviguer à vue. On est dans l’urgence, et l’immédiateté prend le pas sur l’anticipation. Acculées, les entreprises réduisent la voilure pour limiter la casse : certaines mettent leurs employés au chômage partiel, d’autres renégocient leurs contrats, arrêtent les voyages d’affaires, retardent les commandes ou attendent la dernière minute pour payer leurs factures, mais toutes réduisent leur cadence. Elles prennent conscience plus que jamais de la limite de leurs ressources et de leur dépendance fragile mais inéluctable à l’environnement qui les entoure. Rares pourtant sont celles qui se figent. Mues par un instinct de survie, elles cherchent à rebondir et font émerger de la difficulté une nouvelle force créative. Ainsi l’entreprise suisse Steiger, active dans le développement, la production et la vente de machines à tricoter industrielles, a développé dès les premières semaines de crise un programme de tricot capable de fabriquer des masques de protection à l’aide de ses machines industrielles. Les propriétaires de machines Steiger ont pu ainsi télécharger – dans le monde entier – un programme informatique qui leur permettait de produire localement de tels masques. La résistance est ainsi une phase de réponse immédiate à la crise qui apporte des solutions qui n’auraient probablement jamais émergé sans elle. Cette résistance tire sa force de la culture et des valeurs de l’entreprise et de ses équipes.

 

Reset et nouvelle culture d’entreprises

L’entreprise se façonne une nouvelle « proposition de valeur » au regard de la crise et de sa force de résistance. Pour les plus solides, on passe à la phase de « reset ». Sans pour autant être sorti de crise, on peut reprendre un temps son souffle. On consolide, on repense la chaîne d’approvisionnement en créant de la redondance et du local, on transite vers des solutions digitales. On observe l’environnement économique et social et on prend conscience des forces qui ont émergé dans l’adversité, dont certaines peuvent être mises au profit d’autrui : capacité d’innovation nouvelle, force collaborative, partage de ressources en sont des exemples. Une solidarité s’installe, un besoin de rassembler, d’être utile. Ainsi, l’entreprise de e-commerce QoQa a offert, pendant la crise, sa plateforme à des commerçants suisses. On définit un nouvel horizon, on entrevoit de nouvelles perspectives et on reconstruit un nouveau modèle, lentement mais sûrement[2].
Ce reset ne repart pas de zéro : l’entreprise rebondit grâce son expertise passée, sous l’influence immédiate de son environnement et de sa nouvelle expérience. La culture d’entreprise amorce alors sa mue/sa transformation.

 

Relance

Puis, vient la phase tant attendue de relance, celle qui paraissait si lointaine en phase de résistance. C’est la phase qui va « panser » la crise pour mieux « penser » l’avenir. On prend le temps d’analyser plus finement son modèle d’affaires au regard d’un environnement économique et social qui a drastiquement évolué. Il faut faire preuve d’un maximum de malléabilité cognitive : on s’inspire de l’histoire pour tenter de ne pas reproduire les mêmes erreurs ; les démarches prospectives se multiplient, on imagine des futurs souhaitables et la manière de les rendre possibles ; on débat des fragilités du passé que l’on ne veut plus rencontrer, on conceptualise un monde idéal qui doit émerger. Cette phase nécessitera de mettre en place un processus d’innovation nouveau, qui tiendra compte de tous les changements écologiques, sociétaux et technologiques, car il ne sera plus possible de faire simplement comme avant. Il faut programmer un nouveau « logiciel » de pensée, de management et de production.
Une nouvelle économie émerge. Dans cette nouvelle ère qui s’annonce, où l’interdépendance des acteurs aux flux logistiques et informationnels seront revus, les consommateurs, les entreprises et les institutions étatiques seront plus impliqués et responsables que jamais. On pourra dès lors parler d’économie directe. Il est alors essentiel que la culture d’entreprise évolue pour accompagner la transformation.

 

  • L’Ere Post Covid : l’évolution de la culture d’entreprise pour s’adapter au monde de demain.

Quelle démarche pour transformer sa culture d’entreprise et s’adapter rapidement au monde de demain sous l’Ere Post Covid et à toutes les étapes de la résilience.

Une fois que la culture existante est bien connue et comprise, il convient de définir la cible et en particulier d’identifier ce qu’on veut changer et ce qu’on veut conserver, en prenant en compte les différentes composantes de la culture d’entreprise. C’est cette vision cible qu’on pourra ensuite déployer en actionnant différents leviers.
Le premier est la communication : il ne suffit pas de communiquer sur la cible définie, il faut donner du sens, expliquer la raison d’être de cette transformation. Il est également important de bien définir le planning, en communiquant au moment juste, quand les objectifs sont suffisamment clairs, mais pas trop tardivement. S’il est nécessaire d’avoir un plan précis avec des actions planifiées, il faut savoir ajuster sa communication pour prendre en compte les imprévus et les rumeurs. Il est essentiel de favoriser la prise de parole des collaborateurs pour éviter les non-dits, en créant des temps d’échange formels et informels. Alterner des temps d’écoute et de réponse va permettre d’intégrer les feedbacks des équipes dans la communication. Pour s’assurer de toucher l’ensemble des collaborateurs (tous niveaux hiérarchiques, toutes générations), on peut enfin varier les supports et les médias (newsletters, vidéos, échanges sur les réseaux sociaux d’entreprise, événements en présentiel…)
Afin de mettre en œuvre et ancrer les nouvelles pratiques, des actions de sensibilisation et formation sont également nécessaires. Pour être efficaces, elles doivent être différenciées selon les publics cibles, avec un tronc commun pour l’ensemble des collaborateurs et des actions spécifiques pour les dirigeants, qui devront incarner la nouvelle culture, et les managers, qui devront la relayer auprès de leurs équipes. L’ajustement du mode de management est ainsi essentiel afin d’accompagner les managers dans ce rôle d’ambassadeurs. Des initiatives de co-développement et de coaching peuvent y contribuer.
Des actions spécifiques de mobilisation des collaborateurs peuvent aussi être mise en œuvre afin de fédérer l’ensemble des parties prenantes autour de la vision commune et des nouvelles pratiques à ancrer dans les différentes étapes de la résilience. L’organisation de temps forts collectifs est à repenser dans le contexte sanitaire actuel. Cela suppose en effet de réinventer des modes de collaboration et d’interaction à distance afin de recréer du lien et redynamiser le collectif.
Enfin, l’ensemble de ces actions requièrent un pilotage spécifique, avec des indicateurs dédiés pour mesurer la progression de la transformation (ressenti et adhésion des collaborateurs, changements effectifs de pratique…) et pouvoir mettre en place des actions correctives si nécessaire.

 

Les facteurs clés de succès et points de vigilance

En premier lieu, la nouvelle culture doit être incarnée par les leaders de l’entreprise. Les dirigeants doivent se montrer exemplaires en adoptant les nouvelles pratiques et en s’impliquant dans l’évangélisation des nouvelles valeurs surtout dans les étapes de « reset » et « rebond ». Ils ont aussi pour responsabilité de choisir et mettre en avant des leaders, des ambassadeurs qui représentent cette nouvelle culture dans leurs actions.
Une approche pragmatique est à privilégier afin d’éviter un effet « big bang » qui pourrait effrayer ou créer des réactions de rejet. On peut identifier quelques « quick wins » (succès rapides) en se concentrant sur des changements à fort impact. Ces premiers jalons serviront à convaincre et faire adhérer, tout en permettant de célébrer des premiers succès qui nourriront la nouvelle culture. Ceci est surtout vrai d’ailleurs dans l’étape de « reset ».  Une démarche itérative, en co-construction avec des interlocuteurs aux profils variés, permettra également de favoriser l’adhésion grâce à la construction collective de nouveaux usages.
L’organisation elle-même et les processus doivent être alignés avec les nouvelles pratiques culturelles souhaitées. Il est important que les différents chantiers soient menés en parallèle et en coordination afin d’ancrer la transformation.
Parmi les écueils à éviter, on peut citer une stratégie peu claire, avec trop d’objectifs poursuivis et trop de messages différents engendrant de la confusion. De même, la communication ne doit pas être concentrée sur les seuls managers et insuffisamment déployée auprès de tous les collaborateurs, en particulier l’explication du « pourquoi ». Il faut également éviter la précipitation. S’il est important de créer un sentiment d’urgence pour générer le changement, il faut être patient car le changement culturel s’opère sur un temps long. La transformation culturelle ne doit pas viser l’uniformisation, nier la diversité culturelle de l’organisation, faute de quoi elle échouera à fédérer l’ensemble des collaborateurs.
Enfin, l’évolution du modèle culturel d’une entreprise résulte aussi d’une adaptation permanente à son écosystème : les valeurs sociétales externes impactent et accélèrent le changement culturel indépendamment d’une stratégie de transformation interne. Ces facteurs exogènes sont donc à prendre en considération.
La réussite de la transformation culturelle, qui est un pilier de la transformation des organisations, suppose de répondre aux enjeux de l’accompagnement des collaborateurs et un excellent séquençage au regard des 3 étapes de la résilience. Cela nécessite de combiner une approche méthodologique éprouvée et outillée (notamment pour le pilotage du changement), et une démarche qui reste en premier lieu humaine et qui requiert de l’intelligence émotionnelle.

 

[1] « La résilience en trois actes : résistance, reset et relance » de Xavier Comtesse et Mathias Baitan, HBR. Analyse de texte.

[2] « La résilience en trois actes : résistance, reset et relance » de Xavier Comtesse et Mathias Baitan, HBR. Analyse de texte.

 

Contribution rédigée avec Barbara Rallu 

 

<<< À lire également : Comment Développer Une Culture De La Conformité En Entreprise ? >>>

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