En cette période de pandémie, les États-Unis affichent des chiffres alarmants. La Covid-19 a déjà causé un peu plus de 2,6 millions de décès dans le monde, dont plus d’un cinquième aux États-Unis, de loin la part la plus importante, bien que le pays représente moins de 5 % de la population mondiale. Toutefois, on ne peut pas en dire autant de la campagne de vaccination. Outre-Atlantique, déjà 30 % des stocks de vaccins mondiaux ont été administrés, soit approximativement 26,3 doses pour 100 habitants. Par ailleurs, 59 % des plus de 65 ans et 75 % des plus de 75 ans ont reçu au moins une dose du vaccin. Parmi les pays occidentaux industrialisés, seul le Royaume-Uni affiche un taux de vaccination supérieur.
Ces données ne signifient pas qu’il n’y a aucun problème avec la campagne de vaccination aux États-Unis. En effet, certains États américains sont en avance par rapport à d’autres, rendant ainsi cette campagne irrégulière et chaotique. Par ailleurs, la répartition inéquitable des doses du vaccin entre les différentes couches sociales de la population reste problématique. Enfin, le pays doit également faire face à un virulent mouvement anti-vaccin.
Toutefois, si l’on compare avec la situation actuelle dans l’Union européenne (UE), le constat est bien différent. Outre-Atlantique, la campagne de vaccination avance plus rapidement que dans tout autre pays de l’UE. Par ailleurs, le taux de vaccination est trois fois supérieur à la moyenne européenne. Cette « réussite » américaine s’explique en partie par le fait que le pays bénéficie d’un meilleur approvisionnement en vaccins contre la covid-19, tandis que l’Europe doit faire face à des retards imprévus dans la production de vaccins ainsi qu’à l’absence de stocks suffisants.
Pour l’heure, l’explication des différences entre les taux de vaccination porte avant tout sur l’approvisionnement. Par exemple, l’été dernier les États-Unis et le Royaume-Uni ont acheté des dizaines de millions de doses de plusieurs vaccins contre la covid-19 avant leur homologation par les autorités compétentes. Les deux pays ne savaient pas quels vaccins allaient obtenir cette homologation. Toutefois, ils voulaient s’assurer de bénéficier d’un approvisionnement suffisant en cas de feu vert de la part de leurs autorités de régulation respectives et ainsi rendre disponibles immédiatement les lots initiaux. L’UE a adopté une stratégie différente que l’on pourrait qualifier de plus prudente. Ainsi, quand l’Agence européenne des médicaments (EMA) a autorisé l’utilisation de certains vaccins, les stocks étaient plus restreints, voire inexistants. Le coup de poker des États-Unis et du Royaume-Uni a payé, tandis que l’hésitation de l’UE place désormais le Vieux Continent en retrait dans la campagne de vaccination contre la covid-19.
Pour autant, l’approvisionnement (et donc l’offre) n’est pas le seul facteur ayant des répercussions sur la vaccination. Du côté de la demande, les pays européens sont en difficulté alors que les États-Unis réussissent plutôt bien dans l’ensemble.
Selon un sondage récent du Pew Research Center, près de 70 % de la population américaine souhaite être vaccinée contre la covid-19 ou a déjà été vaccinée. Si l’on analyse ces données en fonction du bord politique, 83 % de la population démocrate souhaite se faire vacciner ou a déjà reçu le vaccin. Parmi la population républicaine, 56 % des personnes interrogées déclarent vouloir se faire vacciner ou ont déjà reçu le vaccin. Par ailleurs, 61 % de la population noire américaine déclare avoir l’intention de se faire vacciner contre la covid-19 ou a déjà été vaccinée, soit une augmentation spectaculaire de 42 % par rapport à novembre 2020.
Les chiffres outre-Atlantique sont bien meilleurs qu’en Europe. Le mois dernier, en collaboration avec le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, l’équipe du département « sciences humaines et sociales » de RECOVER (la groupe de travail pour la reprise et la résilience, entité créée en août 2020 à la suite de la crise du coronavirus, NDLR) a publié une note d’orientation sur la réception par le public de la campagne de vaccination contre la covid-19. L’étude porte sur sept pays européens : l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, l’Italie, la Suède et l’Ukraine.
Seulement 36 % des personnes interrogées estiment que les vaccins sont sans danger. À la question de savoir si les personnes interrogées accepteraient de se faire vacciner si le vaccin s’avérait sans danger, efficace et gratuit, entre 44 % et 66 % ont répondu par l’affirmative. Par ailleurs, selon un autre sondage d’Ipsos, 55 % des Français souhaitent se faire vacciner contre la covid-19.
Tous les sondages menés en Europe montrent que de nombreux Européens remettent en question la sûreté du vaccin et ses potentiels effets secondaires à court et long terme. Ils émettent également des doutes concernant la rapidité avec laquelle les laboratoires ont développé ces vaccins. Une minorité considère que le vaccin est inutile. Enfin, nombreux sont ceux affichant leur défiance vis-à-vis des autorités nationales et internationales ainsi que des laboratoires pharmaceutiques. Certaines personnes estiment que ces derniers poursuivent uniquement des intérêts économiques au lieu de s’intéresser à la santé de la population.
En Europe, même les vaccins autorisés et ne présentant aucun problème d’approvisionnement font l’objet d’une résistance forte. Par exemple, en France et en Allemagne, nombreux sont ceux ayant une mauvaise opinion du vaccin AstraZeneca, alors même que l’EMA a autorisé son utilisation. De nombreuses personnes, y compris des soignants, hésitent à recevoir ce vaccin. La communication médiocre et incohérente autour du vaccin a alimenté la confusion du public sur sa sûreté et son efficacité. Le mois dernier en France, le président de la République Emmanuel Macron affirmait que ce vaccin était « quasiment inefficace » pour les personnes âgées, ce qui n’a évidemment pas aidé à redorer l’image du vaccin AstraZeneca. Depuis, le président a changé son fusil d’épaule et insiste pour que toute la population se fasse vacciner, peu importe le vaccin disponible. Toutefois, le mal est déjà fait.
La réticence de la population européenne au vaccin contre la covid-19 peut sembler surprenante. Toutefois, il ne l’est pas si l’on considère le contexte politique farouchement anti-establishment propre aux partis d’extrême droite et d’extrême gauche, ainsi que le sentiment profond de défiance à l’égard de la science qui existait déjà bien avant la pandémie de covid-19. Ainsi, en Italie, la Lega (extrême droite) et le Mouvement 5 étoiles (extrême gauche) ont tous deux tenu des propos incitant à la crainte vis-à-vis des vaccins. De la même manière en France, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont alimenté les comportements anti-vaccin.
Cette réticence à la vaccination arrive au plus mauvais moment en Europe. En France et en Italie, le nombre de contaminations et d’hospitalisations augmente à nouveau. La situation est critique en République tchèque. La semaine dernière, le pays comptait 8500 patients atteints de la covid-19 hospitalisés. Par ailleurs, en Hongrie, le Premier ministre a déclaré que le pays faisait face aux deux pires semaines depuis le début de la pandémie.
L’Europe doit continuer à mettre en place des mesures fortes pour freiner les contaminations, protéger le système de santé et sauver des vies. Parallèlement, le Vieux Continent doit réorganiser une campagne de vaccination actuellement en perte de vitesse. Si l’augmentation de l’offre de vaccins est une priorité, il est également essentiel de s’attaquer au problème très répandu de la réticence à la vaccination.
Article traduit de Forbes US – Auteur : Joshua Cohen
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