Dans la recherche d’efficacité opérationnelle, le dernier né de la révolution digitale est le jumeau numérique. C’est un nouvel outil de simulation de la chaîne de production comme de la chaine logistique. Il pourrait être utilisé pour optimiser les critères extra-financiers ou pour organiser une souveraineté aux coûts maîtrisés. Il permet des ajustements effectifs avec une prise de risques mesurée et ouvre la voie à un pilotage augmenté des entreprises, voire à une intégration plus large de la démarche de responsabilité sociale et environnementale à leurs décisions :
Jumeau numérique et réduction des risques
Le jumeau numérique est la réplication virtuelle du fonctionnement à chaque étape de tout le processus industriel, grâce à la mise en place de capteurs et d’objets connectés, qui permettent la collecte et le traitement des données. Les entreprises ont commencé l’utiliser pour améliorer leur performance opérationnelle, en simulant diverses modifications possibles grâce au jumeau sans perturber en quoi que ce soit ce qui se passe dans le monde réel. Les essais comme les erreurs restent virtuels et seule la meilleure option est finalement implémentée. Il est ainsi possible d’ouvrir plus largement le champ d’exploration, notamment en intégrant les facteurs environnementaux.
Les assureurs ont bien compris l’intérêt de ces outils qui transforment leur modèle d’affaire. Ces capacités de simulation servent non seulement pour leurs calculs de risques, mais ils permettent une approche plus interactive avec les clients : le jumeau numérique permet l’identification des changements opérationnels propres à réduire le risque. Il s’agit alors pour le client de mettre en œuvre les leviers industriels identifiés grâce à l’analyse des données collectées et ainsi de diminuer le coût des assurances. Ces initiatives s’étendent à la chaîne logistique, la livraison, la gestion des stocks, jusqu’au produit. Par exemple, une surveillance des routes peut être mise en place grâce à des systèmes d’intelligence artificielle qui analysent via les réseaux sociaux et la presse, les possibles blocages par des mouvements de grève, ou tout autre évènement et proposent des itinéraires alternatifs.
Des applications pour le pilotage stratégique
L’efficience de ce passage de la simulation à l’action devrait mobiliser les entreprises dans l’utilisation des jumeaux numériques pour analyser leurs enjeux stratégiques. C’est une opportunité pour intégrer dans le pilotage de nouveaux critères dont l’importance est devenue cruciale avec la crise que nous venons de vivre : la performance extra financière et la souveraineté.
Il s’agit d’abord pour les entreprises de déterminer les indicateurs mesurables les plus pertinents par rapport à leur activité : que ce soit la consommation de CO2, la protection de l’environnement, l’aide aux pays en voie de développement, l’emploi local, ou toute autre problématique de développement durable, l’accès aux données, poussé jusqu’à la réplication du réel, permet d’effectuer des mesures quantitatives d’une part, et de simuler les impacts des décisions d’autre part. Le jumeau numérique, en dupliquant les processus, donne accès à une vision plus complexe de l’entreprise, qui met en regard sa responsabilité sociale et environnementale avec les autres dimensions plus financières.
La crise du COVID 19 a également sensibilisé chacun aux problématiques de souveraineté, par exemple la dépendance liée à certains composants de la chaine d’approvisionnement. Les jumeaux numériques offrent l’occasion de se saisir de ce sujet en simulant les impacts multiples de la relocalisation. Ces outils permettent d’envisager une approche plus agile. On peut imaginer une usine flexible, capable d’avoir différentes modalités de production et d’approvisionnement et de basculer de l’une à l’autre en fonction de la conjoncture sanitaire. Cette mécanique complexe peut être simulée et testée avant de s’engager dans les ajustements réels. Cela pourrait nous éviter de prendre des décisions uniquement basées sur un scénario de crise. Ainsi, l’entreprise pourrait continuer à optimiser sur la dimension financière en capitalisant sur les bénéfices de la mondialisation. Elle serait capable de changer son organisation pour passer à une production locale dès l’émergence de signaux de détérioration de la situation sanitaires ou géopolitique. Sur le modèle des plans de continuité d’activité, on pourrait imaginer des procédures similaires de relocalisation qui se déclencheraient en cas d’alerte par des systèmes de veille sophistiqués à base d’intelligence artificielle.
Les entreprises doivent se doter d’un jumeau numérique pour un pilotage stratégique augmenté. C’est l’opportunité de donner un poids réel aux indicateurs sociaux et environnementaux comme outils de suivi de la transformation interne et de tester dans le virtuel des solutions agiles pour parer à de futures crises sanitaires. Grâce aux simulations et à l’identification des leviers opérationnels, le conseil d’administration peut agir de façon plus proactive sur la démarche de développement durable en donnant davantage de poids aux paramètres extra financiers. Mettons donc à l’agenda l’intégration du jumeau numérique dans la panoplie des outils de gouvernance !
Tribune par Valérie Pilcer
Administrateur de Sociétés
Associée du cabinet Pilcer&Associés, practice Risques, Gouvernance, transformation digitale et RSE
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