Le siège de la bande de Gaza mis en place par Israël à la suite du massacre de civils israéliens par le Hamas pourrait être encore plus meurtrier que le siège imposé par Israël à Beyrouth, la capitale du Liban, au cours de l’été 1982.
Lundi 9 octobre, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a annoncé la mise en place d’un « siège complet » de la bande de Gaza, déclarant : « Il n’y aura pas d’électricité, pas de nourriture, pas de carburant, tout est fermé. » Environ 360 000 réservistes israéliens ont été mobilisés depuis l’attaque du Hamas, samedi 7 octobre, et la mort de plus de 900 Israéliens.
Mardi 10 octobre, les responsables militaires israéliens ont annoncé avoir « rétabli le contrôle total » de la frontière entre Israël et la bande de Gaza, quatre jours après cette attaque. En outre, les forces armées israéliennes auraient retrouvé 1 500 corps de membres du Hamas entrés sur le sol israélien.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, est catégorique : les frappes israéliennes sur Gaza depuis samedi, qui ont tué au moins 765 Palestiniens, ne sont qu’un début. De plus, il a assuré que la réponse apportée par Israël dans les prochains jours face aux exactions commises par le Hamas aurait « des répercussions sur [nos ennemis] durant plusieurs générations ».
L’objectif stratégique d’Israël est très probablement le démantèlement complet du Hamas, ce qui pourrait signifier un siège prolongé de Gaza, voire une invasion terrestre et même une occupation.
Il existe plusieurs parallèles entre la situation actuelle et la campagne de 1982 au Liban, lorsqu’Israël a envahi le pays pour empêcher les tirs de roquettes transfrontaliers de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Cette campagne est rapidement passée d’une intervention transfrontalière limitée à une invasion totale du Liban, y compris un siège de deux mois de Beyrouth. Ce siège, au cours duquel les forces israéliennes ont coupé l’électricité, l’eau et les vivres à Beyrouth-Ouest, n’a pris fin qu’après la conclusion d’un accord prévoyant l’évacuation des derniers combattants de l’OLP vers la Tunisie. Le nombre de victimes était alors estimé à plus de 5 000.
Beyrouth-Ouest comptait environ 600 000 habitants durant le siège, il y a 41 ans. Gaza compte deux millions d’habitants dans une enclave invariablement décrite comme l’une des zones les plus densément peuplées du monde. Beyrouth-Ouest comptait 25 000 bâtiments sur une superficie d’environ 26 km2. Les immeubles résidentiels ont été réduits à l’état de ruines.
Les hôpitaux de Gaza sont déjà confrontés à de graves pénuries de médicaments, tout comme les hôpitaux de Beyrouth assiégée à l’époque. Le directeur général du ministère de la Santé de Gaza a mis en garde contre un effondrement complet du système de santé si le siège n’est pas immédiatement levé.
On pourrait établir de nombreux parallèles avec ce conflit, mais aussi quelques distinctions essentielles qui soulignent à quel point la situation actuelle est sans précédent.
Tout d’abord, on ignore quel pays accepterait d’accueillir les combattants du Hamas s’ils acceptaient un cessez-le-feu et un passage sécurisé hors de Gaza pour mettre fin au siège, ce qui est hautement improbable. En outre, il est peu probable qu’Israël accueille favorablement l’évacuation des membres du Hamas à la lumière de l’attaque de samedi, que le gouvernement a qualifiée de « 11 septembre ». Par conséquent, le siège actuel pourrait durer encore plus longtemps que celui de Beyrouth.
L’opinion publique israélienne, jusqu’à présent très divisée sur la réforme judiciaire proposée par Benjamin Netanyahou et son gouvernement de droite, soutient également pleinement la campagne actuelle. La guerre de 1982 était très différente. Elle était considérée comme la première guerre choisie d’Israël plutôt que comme une guerre défensive purement essentielle (la campagne de Suez de 1956 était, en réalité, la première guerre choisie d’Israël). L’horrible massacre des Palestiniens dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila à Beyrouth par les alliés chrétiens libanais d’Israël a également été condamné, et de grandes manifestations contre la guerre ont eu lieu en Israël, ce qui était jusqu’alors peu commun.
La situation actuelle est perçue par de nombreux Israéliens comme une riposte nécessaire et juste à l’assaut le plus meurtrier sur le front intérieur israélien.
Israël a souvent attribué le nombre élevé de victimes civiles de la guerre du Liban de 1982 à l’utilisation flagrante de boucliers humains par l’OLP. Aujourd’hui, le Hamas détient de nombreux civils et soldats israéliens captifs à Gaza qu’il peut utiliser comme boucliers, ce qui constitue un autre aspect sans précédent de la situation actuelle.
Le soutien américain est également très différent de ce qu’il était en 1982. À l’époque, le gouvernement Reagan avait mis en garde Israël contre l’utilisation offensive de l’armement américain et avait même brièvement envisagé des sanctions. Lors d’un appel téléphonique avec le Premier ministre israélien, Ronald Reagan avait même utilisé le terme « holocauste » pour décrire le siège de Beyrouth par Israël. Le gouvernement Biden a apporté son soutien inconditionnel à Israël, le président américain Joe Biden résumant son soutien à la sécurité d’Israël comme étant « solide comme le roc et inébranlable ».
Personne ne sait ce qui va se passer, mais cette situation sans précédent pourrait déboucher sur le siège le plus brutal qu’Israël ait mis en place.
L’armée israélienne pourrait poursuivre la reconquête de la frontière en pénétrant progressivement dans Gaza de tous les côtés et en établissant une zone tampon. Benjamin Netanyahu a appelé les habitants de Gaza à partir, ce qui pourrait signifier l’évacuation de toutes les zones frontalières et le rapprochement du centre de la bande de Gaza. Les frappes aériennes israéliennes ont déjà provoqué le déplacement d’environ 187 500 personnes.
Toute zone tampon pourrait s’étendre au sud de Gaza, les forces terrestres israéliennes s’emparant du côté palestinien du point de passage de Rafah, entre Gaza et l’Égypte, afin de s’assurer que le Hamas est entièrement coupé du monde extérieur. Cette opération entraînerait probablement de coûteuses batailles urbaines contre le Hamas et d’autres militants.
L’attaque de samedi était en effet sans précédent et la suite des évènements s’annonce tout autant inédite.
Article traduit de Forbes US – Auteur : Paul Iddon
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