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Concevoir des technologies au service d’un monde habitable

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@Gettyimages

Les entreprises doivent se demander quelle est leur part pour garder la planète habitable et, par conséquent, quel produit y contribue. Comment construire ou transformer nos produits pour faire face aux enjeux environnementaux, sociaux et économiques ? Il y a une urgence à se poser cette question et à trouver des pistes pour changer ce paradigme : rendre nos produits responsables en eux-mêmes et dans leurs usages. Pour cela, il convient de repenser le rôle que nous souhaitons donner au digital, en adoptant une pensée structurelle qui questionne finalités et écosystèmes. L’ère du produit pour le produit semble révolue. Pour être vertueux, conception et usages doivent être repensés et rationalisés. 

 

Le rôle du digital dans un environnement incertain et complexe

Qu’est-ce que l’habitabilité du monde ? Quel est le rôle du digital dans un environnement incertain et complexe ? Beaucoup d’études, d’essais et de conférences contribuent à cette réflexion, mais nous pouvons en convoquer trois.

La théorie du Donut de Kate Raworth a pour ambition de définir l’habitabilité du monde en alliant les enjeux de justice sociale aux enjeux environnementaux, pour orienter l’économie en faveur d’un développement durable et juste. Une matrice circulaire représente un plafond et un plancher regroupant les droits humains, les besoins essentiels attachés à chaque personne pour assurer son épanouissement. Entre les deux, on trouve le fameux donut : cette zone d’habitabilité qui offre un cadre de travail pour l’habitabilité du monde.

Le philosophe Bernard Stiegler identifie le digital comme un Pharmakon, à la fois remède et poison. Il porte intrinsèquement en lui, le problème et la solution. D’une part, le digital offre une capacité de communication. Et, d’autre part, il produit lui aussi des effets rebond, des externalités négatives sociales et environnementales. On est loin d’un idéal de solutionnisme technologique mais plutôt dans un contexte de compromis. 

Dans ce contexte – de digital omniprésent, devenu clé de voûte de notre modèle économique, les décideurs ne savent pas nécessairement (bien) décider. Le chercheur Dave Snowden définit quatre cadres de prise de décision – clair, compliqué, complexe, chaotique – qui nécessitent des approches de décisions très différentes. La responsabilité économique, sociale et environnementale d’un produit convoque un cadre de prise de décision complexe et donc une prise de décision par l’émergence et le test de solutions.   

 

Responsabilisation” de la conception et des usages

Dans nos métiers de conception et de fabrication de produits digitaux, deux chemins méritent d’être empruntés parallèlement : rendre responsable nos produits et construire des produits responsables dans leurs usages. 

“Responsabiliser nos produits actuels repose sur cinq piliers : l’écoconception, l’inclusion et l’accessibilité, le respect de la vie privée mais aussi la visée d’une finalité extra-financière. Ce dernier repose sur des questions clés : Connaît-on les impacts positifs sociaux et environnementaux et les coûts de nos services numériques ? Sont-ils mesurés, communiqués, auditables ? 

Le second chemin sur lequel nous méritons de nous attarder concerne les usages. Réinventer le paradigme du produit responsable dans son usage nous pousse à sortir d’un modèle de pensée dualiste qui oppose ce qui est bon est mauvais pour l’autre, ce qui est donné et est pris à l’autre pour reconfigurer notre rapport au vivant et au social, et renégocier ce rapport pour provoquer des nouvelles pratiques. Des chercheurs du CEA ont proposé le concept de right-tech : la technologie souhaitable dans le bon contexte. 

 

Construire les produits autour de trois piliers : Vision polyphonique, Écosystème, et Collectif 

La vision doit être habitée par tous les acteurs du produit : les concepteurs, les créateurs mais aussi les utilisateurs, les fournisseurs. Émerge ainsi une vision polyphonique du produit, signe d’une appropriation du Why par le collectif. L’usage ne doit plus se penser comme un point sur une chaîne de valeur. 

Comme le souligne l’économiste Timothée Parrique, notre modèle économique basé sur le PIB ne “compte” que ce qui relève d’échanges financiers sans prendre en compte les échanges gratuits, les dons, les coups de main, les seconds ou troisièmes usages. Aussi, une partie des échanges, qui pourtant enrichissent nos sociétés, restent à tort inconsidérés. Il faut cartographier les flux économiques (financiers et gratuits) mais aussi les flux sociaux (savoir-faire, savoir-être, savoir-vivre) et les flux environnementaux de nos produits (financiarisé ou non) pour consolider les plus pertinents, en construire de nouveaux, renoncer ou réorienter les moins vertueux. 

Les produits responsables dans leurs usages n’appartiennent plus à un groupe de personnes, seuls maîtres à bord, mais bien à un groupe de bénéficiaires. Cette nouvelle organisation va s’appuyer sur un cadre de travail rigoureux pour permettre l’autonomie des parties prenantes. Les nouvelles formes de management et de prises de décision (sociocratie, open source, blockchain…) seront des modèles à expérimenter pour faire émerger ces nouveaux produits. 

Le produit n’est plus à penser comme un artefact isolé, mais bien comme un acteur de société. Il devient ainsi nécessaire de le penser, à l’intérieur de l’environnement dans lequel il évolue, pour qu’il puisse servir le bien commun. Seuls des concepteurs responsables, éveillés sur les problématiques sociétales et environnementales, sauront le rendre responsable.

Tribune rédigée par Alexis Nicolas et Matthieu Vetter, Octo Technology

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