En 2022, l’ancien président américain Donald Trump a réalisé un gain substantiel de 127 millions de dollars en vendant son hôtel de Washington D.C. Cependant, pour finaliser cet accord, il a dû consentir un prêt important à l’acheteur, un montant qu’il risque de ne jamais récupérer.
Un article de Zach Everson pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
Dans ce qui pourrait s’apparenter à un coup de maître, ou à une chance inouïe, Donald Trump a vendu en 2022 son hôtel déficitaire à Washington D.C., réalisant une importante plus-value de 127 millions de dollars. Cependant, ce que peu de gens savaient, c’est que pour conclure cette transaction, il avait dû accorder un prêt conséquent. Lorsque le nouveau propriétaire du bail a rencontré des difficultés financières, Trump en a subi les répercussions.
Les liens entre Trump et l’ancien bureau de poste de Washington remontent à 2012, année où il a remporté un appel d’offres pour restaurer cet édifice historique mais vétuste. Le projet consistait à transformer le bâtiment en un hôtel de luxe de 263 chambres. Bien que le gouvernement américain reste propriétaire du site, situé sur Pennsylvania Avenue à quelques pas de la Maison Blanche, M. Trump a investi 200 millions de dollars dans la rénovation de ce bâtiment néo-roman datant de 1899, tout en s’engageant à verser un loyer mensuel minimum de 250 000 dollars pendant 60 ans.
En remportant le contrat, M. Trump a battu un consortium incluant Hilton Worldwide, qui envisageait de transformer le bâtiment en un hôtel Waldorf Astoria. Ce groupe a contesté la victoire de Trump auprès de l’Administration des services généraux (GSA), responsable de la procédure d’appel d’offres. En plus de présenter des dizaines de pages de coupures de presse soulignant les antécédents de Trump en matière de défaut de paiement, de non-réalisation de projets et de faillite d’hôtels, Hilton et ses partenaires ont affirmé que l’offre de Trump n’avait tout simplement pas de sens sur le plan financier. « Le loyer de base minimum proposé par Trump nécessiterait des revenus hôteliers inatteignables dans cette localisation, compte tenu des concepts de réaménagement proposés », indiquait la contestation. « La GSA a mal évalué la proposition de Trump et s’est précipitée en choisissant le loyer foncier le plus élevé, sans une base économique et commerciale solide. » Elle a rejeté cette réclamation pour des raisons procédurales, son agent contractuel affirmant que les estimations de revenus de Trump n’étaient « en aucun cas déraisonnables », comme l’a rapporté le Washington Post à l’époque.
En octobre 2016, à peine deux semaines avant que Trump ne remporte l’élection présidentielle américaine, le somptueux Trump International Hotel Washington D.C. a célébré son inauguration. L’hôtel a rapidement joué un rôle clé dans les cercles influents proches de Trump. Au cours de l’année suivant son élection, les comités politiques républicains ont effectué pas moins de 171 paiements à l’hôtel, injectant 482 000 dollars dans les comptes du président du parti. À la fin du mandat de Trump, au moins 29 des 38 membres de son cabinet, des représentants de 33 gouvernements étrangers et 36 sénateurs (dont 35 républicains et un démocrate, Joe Manchin) avaient été aperçus dans cet établissement.
Trump tente de vendre son hôtel déficitaire après des années de pertes
Malgré tout ce soutien financier, cela n’a pas suffi à compenser le plan d’affaires défaillant de Trump, que le consortium Hilton avait mis en garde des années auparavant. En 2017, les revenus de l’hôtel se sont élevés à 52 millions de dollars, soit 35 millions de moins que les prévisions initiales de la Trump Organization. La situation ne s’est pas améliorée au fil des années, avec des ventes quasiment stables : 53 millions de dollars en 2018 et 52 millions en 2019, selon une analyse des déclarations financières de Trump. Cela représente environ la moitié des attentes de l’organisation. Puis la pandémie de Covid-19 est survenue, entraînant une chute de plus de 60 % des revenus, qui ont atteint environ 20 millions de dollars.
Trump a d’abord mis son hôtel déficitaire sur le marché en 2019, en demandant 500 millions de dollars, a rapporté CNBC. Toutefois, comme aucune offre ne s’est approchée de ce montant (plusieurs propositions étaient même inférieures à 250 millions de dollars), la vente a été suspendue l’année suivante.
En 2021, après avoir quitté ses fonctions, Donald Trump tente à nouveau de vendre son hôtel. Cette fois-ci, il trouve un acheteur disposé à débourser plus de 370 millions de dollars. Lorsque Brian Friedman, un promoteur immobilier de Washington qui avait offert 175 millions pour l’hôtel, apprend la nouvelle, il est stupéfait : « Je n’y crois pas du tout, mais si c’est vrai, ce serait incroyable. Il doit y avoir un groupe imprudent d’Amérique du Sud ou de Floride derrière, ou peut-être un financement caché par le vendeur, ou encore un accord secret dont nous n’aurons jamais connaissance, car cet actif est déficitaire. »
Friedman avait vu juste sur les deux aspects : l’acheteur, CGI Merchant Group, était effectivement basé à Miami. De plus, une déclaration financière déposée par Trump en octobre 2023 a révélé qu’il avait accordé un prêt de 28 millions de dollars à cette entreprise.
L’achat de l’hôtel par CGI est principalement financé par un prêt
Toutefois, CGI a financé la majeure partie des 375 millions de dollars finalement versés grâce à un prêt de 285 millions de dollars octroyé par BDT & MSD Partners, une banque d’affaires affiliée à Michael Dell et codirigée par le milliardaire de la banque d’investissement Byron Trott. De plus, CGI a hérité du bail original que Trump avait signé avec la GSA. Le nouveau titulaire du bail s’est ensuite associé à Hilton Worldwide, qui avait perdu face à Trump lors de l’appel d’offres initial, afin d’exploiter l’hôtel sous la marque Waldorf Astoria.
Trump, pour sa part, s’est retiré de son hôtel non rentable avec un versement de 127 millions de dollars, selon les preuves présentées dans l’affaire de fraude civile intentée par le procureur général de New York. Il y avait cependant un obstacle : CGI ne disposait pas des fonds nécessaires pour couvrir les taxes de transfert et d’hypothèque. Trump a donc accepté de prêter 28 millions de dollars à l’entreprise pour payer ces frais, d’après les documents judiciaires. CGI s’était engagé à rembourser 13 millions de dollars, plus les intérêts, en novembre 2022, tandis que la date d’échéance du solde dépendait d’autres conditions.
Malgré le changement de propriétaire, peu de choses ont véritablement évolué après la fermeture de l’hôtel Trump et sa réouverture un mois plus tard sous l’enseigne Waldorf Astoria, en juin 2022. Mis à part le rebranding et quelques modifications au niveau des menus, l’hôtel avait conservé la même apparence, la même ambiance (et même la même odeur). Le personnel restait largement le même : environ 95 % des employés étaient déjà présents sous l’ère Trump, selon Senih Geray, le directeur général du Waldorf Astoria, revenu de sa retraite anticipée pour reprendre la gestion de l’établissement.
Un changement notable a toutefois été l’arrivée de nouveaux clients qui, auparavant, n’auraient jamais fréquenté l’hôtel Trump. Parmi eux : la campagne de Nancy Pelosi, le Comité d’action politique du Congressional Black Caucus (CBC PAC) et un comité de collecte de fonds pour Kamala Harris, ainsi que des organisations comme Planned Parenthood et Politico, qui ont tous organisé des événements dans le Waldorf nouvellement renommé.
Il est évident que les changements n’ont pas suffi à compenser les mauvais résultats financiers liés au bail que CGI avait repris de l’Organisation Trump. Lorsque la première échéance du prêt de CGI à Trump est arrivée en novembre 2022, soit six mois après la réouverture du Waldorf Astoria, CGI n’a pas été en mesure d’effectuer le paiement, selon Trump. Les deux parties ont renégocié le prêt, offrant à CGI un délai supplémentaire. Le prêt a ensuite dû être modifié à deux reprises supplémentaires après que CGI a manqué d’autres paiements, d’après une action en justice déposée en juin. À ce moment-là, CGI n’avait remboursé que 100 000 dollars. Trump réclame désormais 31,5 millions de dollars, comme l’a rapporté PincusCo à l’époque.
En juillet 2023, CGI a fait défaut pour la première fois sur son prêt principal, selon une source proche du dossier. En mai 2024, le principal prêteur, BDT & MSD, a entamé une procédure de saisie. Le prêteur a alors accordé à CGI un délai supplémentaire de 45 jours pour trouver un financement. Ne parvenant pas à réunir les fonds, BDT & MSD a proposé de repousser la saisie de 45 jours supplémentaires, à condition que CGI rembourse une petite partie des intérêts accumulés, soit en espèces, soit en présentant une lettre de crédit permettant de le faire.
BDT & MSD acquiert l’hôtel pour 100 millions de dollars lors d’une vente aux enchères
Rien ne s’est concrétisé. Le 5 août, l’hôtel a donc été mis aux enchères. À la fin de la procédure, BDT & MSD a acquis l’hôtel pour 100 millions de dollars, sans qu’aucune autre offre ne soit déposée, selon Paul Cooper d’Alex Cooper Auctioneers, qui a supervisé la vente. M. Cooper a qualifié l’achat initial par CGI de « totalement absurde ». Il a ajouté : « Aucune personne sensée n’aurait fait un tel investissement ».
En ce qui concerne les 28 millions de dollars que CGI devait à Trump, cette dette a été effacée. Trump ne détenait pas d’hypothèque, et sa créance était subordonnée à celle de BDT & MSD. « C’est terminé », a déclaré M. Cooper à propos de cette créance.
La prochaine série de requêtes préliminaires dans l’affaire civile opposant Trump à CGI est attendue pour la fin du mois. Les représentants de CGI ainsi que de la Trump Organization n’ont pas donné suite aux demandes de commentaires.
Bien qu’elle soit désormais propriétaire d’un bail défaillant pour lequel aucune autre offre n’a été faite, BDT & MSD reste optimiste. « Nous restons attachés à notre partenariat avec Hilton et confiants dans l’avenir de l’actif », a affirmé Sara Evans, partenaire et porte-parole de l’entreprise. De son côté, une porte-parole de Hilton a déclaré : « L’hôtel continue de bien fonctionner ». Cependant, elle a refusé de préciser si l’entreprise maintenait ses déclarations précédentes selon lesquelles le bail était « un modèle économique irréaliste et conduirait à un nouvel échec dans la tentative de réaménagement de l’ancien bureau de poste ».
Dan Alexander a contribué à ce reportage.
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