Les professionnels de l’alternance se mobilisent pour relancer l’apprentissage dans les entreprises à la rentrée. Ils réclament le soutien du gouvernement pour alléger les contraintes et aider les PME/TPE qui subissent de plein fouet la crise économique !
En 2019, plus de 353 000 contrats d’apprentissage (en hausse de 16 % sur un an) avaient été signés et la France totalisait alors 485 000 apprentis. Le Ministère du Travail pouvait donc se montrer optimiste pour 2020 et pointer les objectifs ambitieux fixés lors de la présentation du projet de réforme Loi Avenir en 2018. Mais la crise sanitaire a totalement changé la donne. Elle risque maintenant de mettre à mal une réforme unanimement saluée.
Dans une tribune commune, les directeurs de trois grandes écoles de commerce (ESCP BS, Neoma BS et Skema BS) notaient que, depuis le confinement, « les entreprises se désengagent massivement des contrats de stages, d’apprentissage et d’alternance qu’elles avaient signés avec les étudiants. Ce désengagement est pénalisant pour leur formation et l’acquisition de leur première expérience professionnelle. Le contrat d’alternance assure un revenu aux étudiants et leur permet de financer leurs études et leur vie quotidienne. C’est également un formidable tremplin pour la diversité aidant à surmonter les barrières sociales et financières dans l’accès aux études et à l’emploi. »
La crise économique liée à la situation sanitaire va-t-elle tuer l’apprentissage ? « En septembre, beaucoup de jeunes ne vont pas trouver d’emploi ou ne pas pouvoir aller étudier à l’international et donc se tourner vers l’alternance. Si l’on ne fait rien, le risque est de voir une baisse de 80 % des contrats en alternance à la rentrée », s’alarme Vincent Cohas, le directeur général de Cesi, un groupe de formations d’ingénieurs en alternance et vice-président de la Fédération de la formation professionnelle (FFP).
Pour autant, les prévisions pour la rentrée sont loin d’être toutes aussi pessimistes. « Nous avons déjà engrangé 2 500 offres d’alternance sur toute la France, soit le même niveau que l’année dernière » explique Marc-François Mignot-Mahon, le Président de Studialis (Galileo Global Education), un groupe d’écoles spécialisées qui font la part belle à l’alternance. De son côté, Jonathan Azoulay le patron du réseau des grandes écoles spécialisées (GES/PPA), dispose d’un stock de plus de 1 000 demandes d’entreprises.
Et certains observateurs de rappeler que, lors de la crise financière de 2008, plusieurs CFA avaient constaté une augmentation de leur nombre d’élèves. « La raison en était simple : face aux licenciements économiques inéluctables et à la réduction de recrutements en CDI trop risqués, faire appel à des alternants présentait deux avantages pour les entreprises. Premièrement, l’apprentissage donnait accès à une main-d’œuvre qualifiée ou en cours de qualification à un coût relativement bas. Deuxièmement, l’alternance, à l’instar de l’intérim, permettait de saisir les opportunités annonciatrices de la reprise sans trop s’engager : il s’agit de contrats à durée naturellement déterminée par le temps de la formation ».
Pour offrir un maximum d’opportunités aux étudiants, « nous avons multiplié les forums de recrutement en ligne, organisé des face-à-face en visio-conférence pour proposer les meilleurs profils aux entreprises », explique Jonathan Azoulay qui assure avoir mis sur pied en quelques jours un dispositif très ambitieux pour assurer les formations à distance des 15 000 étudiants de son groupe.
« Certaines branches, comme la métallurgie, vont réagir pour ne pas tuer la réforme de l’alternance plébiscitée par tous en incitant les entreprises à prendre des jeunes » ajoute Vincent Cohas.
« La demande reste forte du côté des grandes entreprises. En revanche, il est à craindre que les PME/TPE, qui représentent 40 % des embauches d’alternants, ne soient pas en mesure de recruter à la rentrée » regrette Marc-François Mignot-Mahon.
Pour les aider, les acteurs de la filière en appellent désormais à l’État. « Nous allons clairement demander au gouvernement d’allonger la durée pour trouver un contrat d’apprentissage de 6 mois » annonce Jonathan Azoulay, du réseau GES.
Autre demande forte : La prise en charge intégrale du salaire sur les premiers mois (3 à 6 mois). Une mesure peu coûteuse, comparée aux mesures de chômage partiel, et terriblement efficace. L’alternance va faire redémarrer la machine économique plus vite. « Les entreprises, surtout les plus petites, ont besoin des jeunes pour se relancer. Les jeunes ont moins peur, ils s’adaptent très vite et coûtent moins cher » assure de son côté Marc-François Mignot-Mahon.
En attendant, dans les écoles, la mobilisation est générale pour préparer la rentrée. « Nous anticipons des nouvelles mesures de confinement dans les prochains mois alors nous préparons techniquement à faire face », explique Jonathan Azoulay.
« On est prêt à s’engager pour former davantage les jeunes à la recherche d’emploi et à faire évoluer nos cursus pour nous adapter au changement induit par la crise », conclut Vincent Cohas.
Seule inquiétude, qu’ils partagent avec tous les autres directeurs d’école, la possibilité pour les étudiants français de partir à l’étranger mais surtout des étudiants internationaux de venir étudier en France cette année. « Nous espérons que le gouvernement va assouplir la politique des visas au plus vite » espère Marc-François Mignot-Mahon.
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