La crise que nous traversons actuellement est particulièrement marquante par son ampleur et son impact. Mêlant problématique de santé publique et économique, cette pandémie revêt un caractère exceptionnel du fait qu’elle est mondiale, touchant aussi bien les entreprises que les individus de façon directe ou indirecte. Les crises ont toujours existé et existeront toujours. Elles désarçonnent plus ou moins selon que nous soyons en mesure de les anticiper ou non, d’en tirer profit ou non. Dans quelle mesure peuvent–elles être anticipées, et comment peut-on les gérer au mieux lorsqu’elles sont là ? Qu’est-ce que 2020 nous aura appris à ce niveau ?
Comme le rapport annuel édité par le World Economic Forum en atteste, si toutefois nous en doutions, il existe différentes typologies de crises, divers risques latents : outre le risque sanitaire, il y a le risque environnemental, social, économique, financier, géopolitique, numérique… De plus, vivant dans un monde complexe, interconnecté, une crise ne survient généralement jamais seule, en entrainant d’autres. Nous en avons pris pleinement conscience cette année si nous ne l’avions réalisé avant: notre environnement est incertain et il faut faire avec. Oui, mais comment?
Certaines crises s’anticipent, d’autres moins. Leur ampleur reste incertaine. Certaines entreprises ont pu dans une certaine mesure anticiper des scénarios catastrophes, mais ont été surprises par l’ampleur de cette crise sanitaire dont rien ne laissait présager l’impact.
Résilience des entreprises
En 2020, nombreux sont les évènements (en ligne bien sûr) qui ont apporté leur regard sur la façon dont les entreprises pouvaient vivre cette crise, voire en tirer parti. Dernièrement, deux tables rondes organisées par le Club des entreprises d’Est Ensemble (couvrant 9 communes de la petite couronne de l’est parisien) ont traité du sujet, faisant intervenir des dirigeants d’entreprises ayant été impactés positivement comme négativement, et Bpifrance le Lab qui a partagé quelques résultats des enquêtes nationales menées cette année auprès des dirigeants.
Elise TISSIER, Directrice de Bpifrance Le Lab, expliquait ainsi qu’une majorité des dirigeants d’entreprises interrogés (69%) s’étaient déclarés « combatifs » face à la crise sanitaire et ont même pu y voir l’occasion de saisir des opportunités (63%). 7% seulement se déclaraient « abattus ». La résilience a donc bien été de mise pour bon nombre d’entreprises.
Côté opportunités, la crise a en effet ouvert la voie à l’innovation et la digitalisation des entreprises. Elle aura eu aussi un impact managérial, favorisant la délégation de tâche, le management par objectifs, télétravail oblige. En novembre 2020, 88% des dirigeants estimaient que leurs collaborateurs les aidaient à surmonter les difficultés et que ce soutien était une force décisive pour la suite.
La crise entame également la santé des dirigeants. La force de son impact sur l’activité, sa durée, le rythme des mesures pour s’y adapter sont autant de facteurs fragilisant et entamant la bonne santé des dirigeants. Là encore, de nombreux événements ont ponctué 2020 pour guider les dirigeants sur ce volet. Certains auront même sauté le pas du coaching individuel, ou mentorat entre pairs, pour se sentir soutenu en tant qu’individu.
Outils de gestion : le plan de continuité d’activité (PCA)
Certaines entreprises ont aussi employé certains outils de gestion et de management stratégique pour s’adapter à cette situation inédite. Parmi ces outils, le plan de continuité d’activité (ou PCA) est celui qui a été le plus évoqué. Il est alors intéressant d’avoir des retours sur l’utilité réelle du PCA pour naviguer en plein brouillard. Elise Tissier avançait que de nombreuses entreprises déclaraient en avoir réalisé un, mais que dans les faits peu l’avaient réellement exploité faute sans doute de savoir l’établir, le suivre ou le maintenir.
Un plan de continuité d’activité est une procédure d’entreprise visant à mettre en œuvre l’ensemble des processus, des moyens humains, matériels et technologiques pour permettre de faire face à un sinistre, une crise ou une catastrophe d’importance. Il s‘agit donc dans un premier temps, d’identifier les scénarios catastrophes ou exceptionnels que l’entreprise peut redouter, d’étudier leur impact sur l’activité (négatif ou positif d’ailleurs) et de prévoir les réponses opérationnelles pour maintenir un niveau optimal d’activité au regard des circonstances. Outre l’effort de réflexion stratégique et de rédaction que l’exercice demande, il convient ensuite de communiquer ce PCA à l’ensemble du personnel. Le PCA équivaut en quelque sorte aux mesures d’évacuation en cas d’incendie par exemple. Il faut communiquer pour y être collectivement mieux préparé.
Retours d’expérience
Il est alors intéressant d’entendre le retour de deux entreprises sur l’usage du PCA. Ainsi Ruth Pierre, dirigeante de la société Neoshipping, start-up dans le domaine de la distribution logistique auprès des territoires insulaires et territoires émergents, explique avoir mis en place un PCA très rapidement sur l’impulsion des grèves de fin 2019, pour déployer une plus grande agilité, et ce dès février 2020 avec le télétravail. La survenue de la crise sanitaire au printemps 2020 a donc conduit à une adaptation de ce premier PCA. En effet, l’entreprise a été fortement touchée par cette crise, mettant à l’arrêt ses activités habituelles. La société a néanmoins profité de cette période pour structurer son activité, se concentrer sur le cœur de métier, faire un audit complet, autrement dit faire son introspection. Au final Ruth Pierre estime que son équipe a même été plus productive qu’en temps normal sur l’ensemble de ces questions de fond.
La société Conformat quant à elle a bénéficié de la crise. Cette PME distribue des consommables et équipements stériles qui répondent aux problématiques de contamination, notamment dans le domaine de la santé et de l’agroalimentaire. Autrement dit, compte tenu de la nature de la crise, Conformat était en totale adéquation avec les besoins en forte hausse. La société à enregistré une hausse de 60% de son chiffre d’affaires sur mars et avril 2020, provenant souvent de marchés qu’elle n’adressait pas auparavant. Cette hausse d’activité, dans les circonstances inhabituelles (télétravail, problématiques sur les filières de transport de biens, hausse des stocks, trésorerie tendue…), s’est révélé être un réel défi qui a mis l’entreprise sous tension des mois durant. Marie-Hélène BAUDOUX, présidente de Conformat, avait également mis en place un PCA en s’appuyant sur Nathalie Goffart, responsable qualité de la société. Comme Neoshipping, la démarche a été amorcée dès 2019, sur impulsion des clients inquiets des grèves et de la crise sanitaire en Chine qui pouvaient perturber l’approvisionnement des produits. Le premier PCA a donc été dressé avant le confinement avec une analyse des risques et la définition des actions adaptées. La société a rapidement mis en place rapide le télétravail des équipes (achat et livraison de matériel adapté), poussé par les grèves de fin 2019 qui ont précédé la crise. Puis le PCA a évolué au gré des nouvelles mesures et péripéties (défaillance de transporteurs, saisie des stocks par l’état, etc.). Un des bienfaits essentiels de ce PCA est qu’il aura permis de rassurer les clients certes, mais aussi les salariés. Pour ces deux entreprises, le PCA s’est avéré un outil structurant et utile pour le pilotage de l’activité.
Du point de vue managérial, ces deux cheffes d’entreprises font des retours intéressants sur la difficulté de la mise en place du télétravail, mais aussi sur ses limites car il impacte le moral des salariés dont certains se sentent isolés. Par exemple, contrairement à ce que l’on pourrait penser, dans ces deux entreprises, ce sont les plus jeunes qui ont eu le plus de difficulté à s’adapter au télétravail car ils avaient besoin de davantage d’encadrement pour certains ou tout simplement d’espace et de relations sociales pour les autres.
Il reste désormais à adapter les PCA pour la sortie de la crise sanitaire en 2021 et l’adaptation aux crises que celle-ci risque d’entrainer : risque économique, financier, social, géopolitique, numérique (avec la fragilisation des architectures informatiques du fait du télétravail), crise de sens des salariés, etc. L’incertitude ne serait-elle finalement pas la nouvelle norme ? Mais ne l’était-ce pas déjà ?
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