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Comment le numérique a propulsé la campagne de Jean-Luc Mélenchon

Avec 21,95% des voix, à 1,2% et 421 420 voix du score Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon est passé très près de se qualifier pour le second tour de l’élection présidentielle. Sa campagne a été portée par une stratégie de communication où le numérique a joué un rôle très important. Jean-Luc Mélenchon et ses équipes se sont appuyés sur de nombreuses plateformes digitales – où il était déjà très présent – et sur des innovations technologiques – dont le retour de l’hologramme démultiplié – pour relayer d’une façon plus moderne les messages politiques.

 

Depuis le début de sa carrière, Jean-Luc Mélenchon a toujours été sensible aux progrès technologiques. Il est à l’origine du premier blog et de la première chaîne YouTube politiques. Son programme présidentiel proposait une politique numérique audacieuse et vertueuse avec un accompagnement des entreprises dans leur transition numérique, un renforcement de la cybersécurité, un service public du numérique qui s’appuie sur l’analyse de données massives, le développement de villes intelligentes dans le cadre de la planification écologique, et la mise en place de la santé connectée et mobile. Cependant, il s’agit ici, non pas de la vision du candidat, mais des usages qu’il a fait du numérique tout au long de sa campagne.

 

Des événement politiques et technologiques

Annoncé comme une première mondiale, le meeting immersif et olfactif du dimanche 16 janvier 2022 à Nantes a rassemblé 3000 personnes. Celles-ci se sont retrouvées entre 4 écrans géants de 50 mètres de largeur et 6 de hauteur qui ont diffusé des images en ultra-haute définition de villes, des océans, et de l’espace. Au plafond, 96 mètres carrés de panneaux led ont fait varier la couleur et l’intensité lumineuse. Cette immersion visuelle à 360 degrés, basée sur la technologie de multi-projection ScreenX utilisée au cinéma, s’est accompagnée d’effets sonores spatialisés et de la diffusion d’odeurs de l’espace, de la mer ou de la forêt associées aux images pour un effet multisensoriel qui renforce la puissance du discours.

 

Le visuel d’annonce du meeting immersif (et olfactif) de Jean-Luc Mélenchon

 

Positionné au centre de l’espace de projection, Jean-Luc Mélenchon a pu parler des chapitres 16 et 18 de son programme l’Avenir en Commun consacrés à la mer, à l’espace et au numérique, dans un environnement visuel, sonore et olfactif correspondant à chacun des thèmes. L’objectif est clairement de renouveler le format des meetings et d’amener le public à vivre une expérience mémorable qui stimule non seulement sa réflexion mais également ses sens.

Destiné à faire vivre le même genre d’émotions que des attractions du Futuroscope, l’Odyssée sensorielle du Musée d’Histoire Naturel, ou l’Atelier des Lumières, cet événement est jugé impressionnant et qualifié de prouesse technique par de nombreux commentaires d’internautes sur les réseaux sociaux. Ce rassemblement novateur réalisé par la société Videlio et le scénographe David Mathias aura marqué les esprits et donné aux meetings classique un côté désuet en comparaison.

 

Déjà utilisé en 2017, l’hologramme de Jean-Luc Mélenchon a fait son grand retour, cette fois multiplié par 11. Le 5 avril 2022, physiquement en meeting à Lille, Jean-Luc Mélenchon était également virtuellement dans 11 autres villes de France métropolitaine réparties de façon à couvrir l’ensemble du territoire et proposer un rassemblement à moins de 2 heures en voiture de tous les électeurs. A 3 jours de la fin de la campagne, 20 000 curieux de politique et de technologie ont pu assister à l’un des plus longs discours de Jean-Luc Mélenchon.

 

Le vrai Jean-Luc Mélenchon à Lille et ses hologrammes dans 11 autres villes

 

Un troisième format de rassemblement innovant s’appuyant sur le numérique avait déjà été testé par le leader de La France Insoumise. Le 28 novembre 2020, Jean-Luc Mélenchon, qui venait d’annoncer sa candidature à l’élection présidentielle, avait tenu un meeting en réalité virtuelle, possible malgré le confinement en raison de la pandémie de Covid-19. Debout au milieu d’un plateau de tournage des studios Fidelio, entouré d’écrans et filmé par plusieurs caméras, le candidat a su mobiliser ses troupes et parler des libertés publiques au milieu d’un décor numérique, malgré le contexte défavorable et tout en se démarquant de la concurrence. Un autre meeting avec des caméras 360° avait également été retransmis sur les réseaux sociaux avec la possibilité de se déplacer et de regarder dans toutes les directions depuis son écran.

 

Le numéro 1 de la politique sur les réseaux sociaux

Avec presque 2 millions d’abonnés sur TikTok, 1,3 million sur Facebook, et 750 000 sur sa chaîne YouTube, Jean-Luc Mélenchon est très présent sur les réseaux sociaux. Ses équipes y produisent des contenus très diversifiés et nombreux. Sa chaîne YouTube étant la plus grande chaîne politique de France, on y trouve tous ses meetings, toutes ses interviews dans les médias, des conférences de presse, des clips de campagne, ainsi que des vidéos dédiées comme son émission « Revue de la Semaine » qui a atteint 150 numéros. YouTube est un moyen beaucoup plus informel de s’exprimer que les médias traditionnels. Il donne plus de liberté, supprime les intermédiaires, et permet d’agir de manière plus directe avec les citoyens électeurs. Il n’y a pas de limite de temps, ce qui permet d’entrer plus dans les détails et d’aborder des thèmes qui ne sont pas nécessairement ceux qui intéressent les journalistes.

YouTube propose aussi des formats plus ludiques et pédagogiques auxquels Jean-Luc Mélenchon a participé comme les vidéos « Nous Candidat.e.s » de Konbini sur la précarité des jeunes, le cannabis, l’éducation sexuelle et le harcèlement scolaire, des thèmes qui intéressent les nouvelles générations. De son côté, la chaîne YouTube d’information HugoDécrypte a proposé des interviews de 10 des candidats dans un format innovant face à un écran géant, ainsi que des vidéos d’analyse du programme de chacun des douze candidats. L’interview de Jean-Luc Mélenchon a été une des plus longues, même après avoir été raccourcie, et une des plus regardées.

 

Pour conclure sa campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a participé à un multistream géant jusqu’à minuit sur YouTube, Twitch et Facebook, avec de nombreux streamers.

 

Jean-Luc Mélenchon en multistream géant sur les réseaux sociaux

 

Avec le #AlloMélenchon, les internautes pouvaient poser des questions dans le chat et le candidat y répondait en live. Ce principe des FAQ est très utilisé par les youtubeurs et permet d’avoir des échanges privilégiés avec certaines personnes, ce qui donne une image accessible et spontanée. L’autodérision est aussi un marqueur important de ce genre de communication qui s’est traduit par des mèmes, détournements visuels qui se transmettent de manière virale. L’humour est aussi ce qui explique le très fort niveau d’engagement obtenu (abonnements, likes, commentaires et partages), juste derrière celui du Président de la République Emmanuel Macron.

 

Une communication moderne pour atteindre les jeunes et les indécis

Même YouTube commence à être ringard pour les jeunes adultes qui passent plus de temps sur Netflix, Instagram et TikTok. Alors évidemment, ce n’est pas en allant sur France 2 ou sur BFMTV que les candidats pourront avoir un impact sur eux. En s’appuyant sur les codes et les références de TikTok, le candidat fait passer des messages politiques de manière pédagogique, divertissante et humoristique. Il parvient à créer une certaine complicité avec son audience qui démontre un niveau d’engagement élevé en likant et en partageant ses posts.

 

De manière assez surprenante, ce sont les jeunes qui montrent à leurs parents les TikTok de Mélenchon en featuring avec le rappeur Lil Pump, en train de manger des fraises tagada pendant un live, ou en train d’interagir avec son double en filtre hologramme (#hologrammedepoche sur Instagram et Snapchat). Michou, youtubeur de 20 ans qui a 7,5 millions d’abonnés sur sa chaîne, a relayé sur Twitter, où il est suivi par 1,5 millions de comptes, l’échange ci-dessous :

 

Échange entre le youtubeur Michou et Jean-Luc Mélenchon sur TikTok.

 

Demander à Jean-Luc Mélenchon s’il est fan de Ninho est assez drôle, et c’est le signe que ses TikToks créent de l’intérêt là où avant il n’y en avait pas du tout. Jouer sur la forme permet de diffuser le fond dans des directions qui étaient auparavant inenvisageables. Ce type d’interactions avec des influenceurs populaires auprès des jeunes contribue à renforcer l’image d’un candidat moderne, accessible, sympathique et connecté. Jean-Luc Mélenchon n’a pas attendu la campagne présidentielle pour être actif sur TikTok. En 2020, il faisait déjà le buzz avec 4 millions de vues pour sa vidéo sur Parcoursup où il cite la jeune chanteuse Wejdene et son « Tu hors de ma vue ».

 

En plus des très nombreux sites Internet – lafranceinsoumise.fr, melenchon.fr, melenchon2022.com, laec.fr, avenirencommun.fr, actionpopulaire.fr, ceseramelenchon.com – beaucoup d’outils numériques ont été développés par des militants ou sympathisants de Jean-Luc Mélenchon, ainsi que le Discord des Insoumis, un groupe d’action composé de développeurs, gamers, monteurs, graphistes et designers. Un moteur de recherche permet de retrouver des vidéos en fonction d’un thème recherché par mots clés. Un outil baptisé TokTok permet de localiser les portes d’électeurs indécis sur lesquelles aller toquer pour échanger sur le programme du candidat. Un peu plus décalé, un groupe Facebook Insoumeetic a été créé comme un site de rencontre entre personnes qui partagent globalement les mêmes idées politiques. C’est un moyen là aussi de multiplier le nombre de militants politiques.

 

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