En 2022, la France comptabilisait plus d’1M de transactions immobilières. Une année record qui ne reflète pourtant pas le drastique ralentissement du marché en fin d’année, provoqué par l’inflation et la hausse des taux (passé de 1% pour un prêt sur 20 ans en janvier 2022 à 2,2% en fin d’année).
Sans surprise, l’environnement macro-économique et financier continue de peser sur le marché français. Sur le 1er trimestre 2023, le montant global des investissements en immobilier d’entreprise était de 3,3 milliards d’euros, soit une baisse de 35 % par rapport au 1er trimestre 2022. Parallèlement, à l’heure où l’activité immobilière tertiaire représente 36% des consommations énergétiques et 40% des émissions GES (Gaz à Effet de Serre) totales en France, la réduction de son empreinte carbone est devenue une nécessité. Entre urgence climatique, transition énergétique, performance économique, confort et santé, comment le contexte financier influence-t-il les enjeux de la décarbonation immobilière ?
La taxonomie européenne : clé de voûte des investissements vertueux
Les investissements dits “verts” ont le vent en poupe car les investisseurs immobiliers ne peuvent plus ignorer le poids des indicateurs ESG (critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance). Pour rester alignés avec cet engagement exigeant, ils doivent être en conformité avec des standards internationaux tels que les articles 8 ou 9 SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) qui s’efforcent de réglementer le secteur financier européen autour de caractéristiques environnementales, sociales et durables.
La taxonomie européenne vise à catégoriser les activités économiques ayant un impact favorable sur l’environnement. L’acquisition et la gestion des biens immobiliers font partie de ces secteurs éligibles, à condition que les investisseurs immobiliers répondent à des critères techniques spécifiques qui ont pour objectif : l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, la gestion durable des ressources en eau, l’économie circulaire, la prévention de la pollution et le maintien d’un écosystème sain. Pour être en conformité, il faut contribuer significativement et ne pas nuire à un objectif, tout en respectant les garanties sociales minimales.
Cette réglementation impose une certaine transition écologique en apportant plus de transparence. En effet, les investisseurs immobiliers sont tenus de définir la durabilité de leurs actions extra-financières et de communiquer dessus publiquement. Si un investissement n’est pas considéré comme aligné avec la taxonomie européenne, il devient alors beaucoup moins attrayant. Aujourd’hui, on ne se pose plus la question d’un investissement durable ou rentable, pour qu’un investissement soit rentable, il doit par essence être durable.
En France, les décrets BACS (Building Automation & Control Systems) et tertiaire imposent également aux investisseurs immobiliers d’agir pour rendre leur parc immobilier plus sobre en réduisant drastiquement leurs consommations énergétiques à court terme. Des sanctions sont prévues en cas de non-respect, ce qui représente une conséquence directe sur la valeur du bien. De fait, les investisseurs y voient un double levier d’un point de vue financier mais aussi de valorisation.
Comment valoriser ses actifs immobiliers ?
Pour séduire les investisseurs immobiliers, il est essentiel d’être transparent. Les informations extra-financières sont presque aussi importantes que les données sur le rendement de l’investissement. Beaucoup d’acteurs du marché se proclament “verts”, sans pouvoir concrètement l’illustrer. Aujourd’hui, il est devenu essentiel de témoigner de son engagement.
Cela passe notamment par la labellisation de fonds comme ISR (Investissement Socialement Responsable) ou GRESB (Global Real Estate Sustainability Benchmark). Ceux-ci permettent de rassurer les investisseurs sur la crédibilité de la stratégie ESG mise en place. Les labellisations d’immeubles (Breeam in Use, HQE, etc.) sont elles, plutôt à destination des locataires pour les fidéliser. En effet, si un immeuble est bien optimisé énergétiquement parlant, il représentera moins de charges in fine pour le locataire. Toutefois, ces labellisations peuvent aussi faire partie d’une stratégie de fonds car elles permettent de prouver la performance des actifs aux éventuels investisseurs.
Dans ce contexte, deux démarches se présentent aux investisseurs : best-in class, qui consiste à vendre de vieux immeubles pour en acheter de plus modernes et performants énergétiquement. Ici, les investisseurs vont notamment se tourner vers des immeubles labellisés qui attestent de leur performance énergétique. Et la stratégie best-in progress qui consiste à améliorer le parc immobilier existant (réglage des CVC, sensibilisation des locataires aux bons éco-gestes, etc.). En 2050, on estime que 85% des bâtiments existants seront encore utilisés. La démarche de best-in progress semble idéale pour ne pas laisser se dégrader de vieux bâtiments très énergivores et contribuer à rendre l’immobilier tertiaire plus sobre.
Peu importe la stratégie, l’objectif est de minimiser les consommations énergétiques ! Ceci étant dit, la décarbonation des actifs immobiliers doit nécessairement passer par les locataires. Sans leur implication et leur soutien, il ne se passera rien. Campagnes de sensibilisation, mise en place d’un comité vert, optimisation de l’existant, toutes les initiatives sont des pas vers cet engagement. Les seules actions des usagers peuvent générer jusqu’à 15% d’économie d’énergie en plus. Il est nécessaire de travailler main dans la main avec les locataires pour s’assurer d’une consommation plus sobre tout en maintenant leur niveau de confort, car chaque geste compte.
Tribune rédigée par Julien Bruneau – CEO & Co-fondateur d’iQspot
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