Nick Huber a construit sa réussite autour d’une idée simple : ne pas chercher à changer le monde, mais s’enrichir en optimisant des tâches banales, voire peu attrayantes.
La première entreprise de Nick Huber, Storage Squad, n’a pas vu le jour grâce à un pitch deck soigneusement élaboré pour séduire des investisseurs ni à une étude approfondie du marché. Elle a simplement commencé par une annonce sur Craigslist. C’était l’été 2011, avant sa dernière année à l’université Cornell. Tandis que certains de ses camarades partaient pour des stages en banque d’investissement à New York, Huber retournait chez lui, à Leopold, dans l’Indiana, sans projet précis en tête. Pour arrondir ses fins de mois, il a décidé de mettre son appartement d’Ithaca en sous-location sur Craigslist. C’est alors qu’une mère d’étudiant, cherchant un endroit pour entreposer les affaires de son enfant, l’a contacté par le biais du site.
Il a alors lancé Storage Squad, un service saisonnier destiné aux étudiants : à la fin des cours, il collectait leurs affaires pour les entreposer, puis les leur rapportait à la rentrée d’automne. L’entreprise a rapidement pris de l’ampleur, s’étendant à des villes comme Boston, Philadelphie et Washington D.C. Parallèlement, Huber a diversifié son activité en investissant dans des unités de stockage, jusqu’à en posséder une part dans 64 sites répartis sur 11 États.
En 2021, il a vendu Storage Squad pour 1,75 million de dollars, tout en conservant ses unités de stockage. Durant cette expansion, Huber a développé une philosophie entrepreneuriale qui lui a permis de bâtir un véritable mini-empire commercial. Une approche pragmatique et bien adaptée à une époque où de nombreux cols blancs redoutent la montée de l’intelligence artificielle. « L’IA ne pourra jamais nettoyer, construire ou entretenir notre monde physique. Plus le travail est ardu, mieux c’est », affirme Nick Huber.
Installé à Athens, en Géorgie, l’entrepreneur de 35 ans a amassé des millions sans être un prodige de Wall Street ni développer des applications ayant pour ambition de « changer le monde ». À la place, il a créé ou investi dans 11 entreprises qui, selon lui, ont généré ensemble plus de 50 millions de dollars de chiffre d’affaires l’an dernier. Aucune n’est basée à Manhattan ou Menlo Park. Elles n’emploient pas d’agences de relations publiques sophistiquées et ne prétendent pas révolutionner leur secteur. Pour la plupart, elles se sont lancées modestement et, selon Huber, parviennent à être rentables en seulement quelques mois. Un modèle à contre-courant des start-ups financées par le capital-risque, emblématiques des lauréats du classement Forbes 30 Under 30.
Transformer de petites idées en grandes réussites
Nick Huber aspire à s’enrichir, mais doute de l’efficacité de viser trop haut dès le départ. Son réseau d’installations de stockage, qui a généré 15 millions de dollars de chiffre d’affaires l’an dernier, est valorisé à environ 140 millions de dollars, basé sur un revenu net d’exploitation de 9,8 millions et les évaluations des entreprises de stockage cotées en bourse (bien qu’il n’en possède qu’une partie). En ajoutant ses participations dans d’autres entreprises, Forbes estime sa fortune à près de 35 millions de dollars.
Sur X (anciennement Twitter), où il rassemble 385 000 abonnés, Huber n’hésite pas à moquer ceux qui pensent que chaque entreprise doit révolutionner un secteur ou viser les étoiles. À l’inverse, il prône une approche pragmatique. « À moins que vous ne soyez déjà riche ou que vous viviez chez vos parents, chaque entreprise que vous créez doit générer des flux de trésorerie positifs en deux mois », a-t-il récemment écrit. « Devenez riche en faisant quelque chose de simple, puis lancez-vous dans des projets ambitieux lorsque vous en aurez les ressources. »
Huber développe cette philosophie dans un livre en préparation, provisoirement intitulé The Sweaty Startup, qui sera publié l’année prochaine chez HarperCollins. L’idée lui est venue en 2011, lorsqu’il a été contacté pour stocker les affaires d’une étudiante à Ithaca. La question évidente était : pourquoi ne pas utiliser l’une des entreprises de stockage existantes ? Il a découvert que celles-ci fonctionnaient encore avec des plannings papier et prenaient un temps considérable pour chaque opération. Inflexibles, elles refusaient les rendez-vous de dernière minute, créant une opportunité qu’Huber a habilement exploitée. « Je me suis dit que je pouvais les surpasser », confie Nick Huber. Avec l’aide de Dan Hagberg, son co-capitaine de l’équipe d’athlétisme de Cornell, ils ont improvisé leur entreprise en utilisant leurs vieilles voitures : une Cadillac DeVille de 1999 et une Buick LeSabre de 1997. « Nous avons travaillé d’arrache-pied pendant une semaine, et en un rien de temps, nous avions 3 000 dollars en liquide étalés sur un lit. On s’est dit : « Wow, on a créé tout ça à partir de rien » », se souvient-il.
En dernière année à Cornell, Huber a suivi un cours sur l’entrepreneuriat. Son professeur, cependant, n’a pas été convaincu par son entreprise de déménagement et d’entreposage, la jugeant peu évolutive et dépourvue de « fossé concurrentiel » – un avantage stratégique qui rend une activité difficile à copier par des concurrents.
Après avoir appris cette notion, Huber a conclu que son véritable avantage était ailleurs : dans sa capacité à transpirer et à offrir un service clientèle irréprochable. « J’ai une théorie sur le changement », explique-t-il. « Si vous essayez de changer le monde ou de changer les gens, vous allez droit à l’échec. Regardez où les gens dépensent déjà leur argent, et trouvez un moyen d’en capter une part. »
Entre pragmatisme et audace : la recette du succès de Nick Huber
L’entrepreneur incarne à la fois le pragmatisme d’un opportuniste et l’énergie d’un compétiteur. Au lycée, davantage reconnu pour ses talents sportifs que pour ses résultats scolaires, il a décroché une place dans une université de l’Ivy League en demandant à son coach de contacter directement les entraîneurs universitaires. « Nick fait en trois jours ce que la plupart des gens mettent trois ans à faire », déclare Hagberg, qui est associé à Huber depuis cette première aventure estivale de déménagement.
Nick Huber ne s’est pas limité aux entreprises axées sur les tâches ingrates, bien qu’il considère ces secteurs comme le point de départ idéal pour la plupart des entrepreneurs débutants. Selon lui, ils devraient ensuite se diversifier vers des activités complémentaires, une fois qu’ils identifient des besoins spécifiques et disposent du capital nécessaire pour investir. C’est précisément ce qu’il a fait. Lorsque ses entreprises ont eu besoin de sites web performants, il a lancé WebRun en 2023, une société spécialisée dans la création de pages web conçues pour convertir les visiteurs en clients. Conscient de l’importance du référencement dans son activité de stockage, il a également fondé BoldSEO. À mesure que son portefeuille immobilier s’est développé, il a compris les avantages de la segmentation des coûts, une stratégie qui optimise l’amortissement fiscal des actifs immobiliers pour libérer des liquidités. Cela l’a conduit à créer RE Cost Seg. La même logique d’efficacité a inspiré la création de Titan Risk, son cabinet de courtage en assurance commerciale. « Quand Nick a une idée en tête, il va très vite », déclare Mitchell Baldridge, expert-comptable de longue date de M. Huber et cofondateur de RE Cost Seg.
En 2021, il a commencé à recruter des travailleurs aux Philippines pour assurer un service client 24h/24, les rémunérant 5 dollars de l’heure. Il s’est appuyé sur Support Shepherd, une start-up d’externalisation, et a été si impressionné par ses performances qu’il en a acquis 15 % en 2022. L’année suivante, il a levé 30 millions de dollars – 20 millions en fonds propres et 10 millions sous forme de dette – pour prendre le contrôle majoritaire de l’entreprise, valorisée à 52 millions de dollars. Il l’a rebaptisée Somewhere et a nommé un cadre expérimenté de la Silicon Valley à sa tête en tant que PDG. Somewhere ne se limite plus au service client : elle recrute désormais des développeurs en Amérique latine et aux Philippines, que l’entreprise emploie également pour ses propres besoins. Face aux critiques sur l’externalisation d’emplois américains ou l’exploitation de travailleurs étrangers, Huber défend sa démarche : « Les grandes entreprises externalisent constamment. » Et, bien sûr, maintenant qu’il achète des petites entreprises, il a lancé sa propre société de courtage, appelée tout simplement Nick Huber.
La méthode de l’entrepreneur pour identifier des opportunités est simple et percutante : observer son environnement, repérer les services qui génèrent des revenus et se demander si on peut les améliorer. Le travail acharné est au cœur de sa stratégie. L’une de ses techniques principales consiste à cibler les entreprises locales dont le service client est défaillant. Comment les identifier ? En appelant comme un client mystère, notamment le week-end. Si le téléphone sonne sans réponse, c’est un signe clair d’une faiblesse à exploiter. À l’inverse, si quelqu’un décroche immédiatement, cela révèle un concurrent sérieux. Autre astuce : repérer les entreprises locales qui utilisent encore des télécopieurs. Pour Huber, c’est un indicateur évident de vulnérabilité et d’un potentiel d’amélioration à saisir.
Au fur et à mesure de son expansion, Storage Squad a choisi ses cibles en faisant preuve de bon sens et d’un peu d’expérience, et non en se basant sur de grandes études de marketing. « Nous avons rapidement compris que les écoles privées onéreuses accueillant de nombreux étudiants étrangers étaient notre terrain de jeu », explique-t-il. « Dans une université publique du sud, comme l’Université de Géorgie, les étudiants sont débrouillards : ils conduisent des camions eux-mêmes et louent des unités de stockage. À Boston, en revanche, c’est une autre histoire. Là-bas, ils sortent l’Amex de papa et préfèrent régler le problème en dépensant quelques centaines de dollars. »
Un article de Brandon Kochkodin pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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