Les ventes de vêtements bariolés de Desigual font grise mine. Son patron a donc décidé un changement de stratégie radical pour refaire briller la marque flamboyante espagnole.
L’événement se déroule sur la très populaire plage de Barcelone, la Barcolenata, coincée entre l’immense tour de l’hôtel W et le building vert pomme de la marque de textile espagnole Desigual.
Des centaines de journalistes, de modeuses et d’influenceuses, invités par Desigual pour assister à la présentation des nouvelles collections, sont pieds nus dans le sable, un casque vissé sur les oreilles. Tous se déhanchent frénétiquement, dans le plus grand silence, au rythme d’une musique électro assourdissante et des incantations d’un gourou : « Soyez vous-même », « Devenez ce que vous êtes », « La réussite est en vous ». Cet exercice de lâcher prise et de positivisme est une Soca, une discipline très populaire en Espagne.
Un concentré d’optimisme dont la marque catalane a bien besoin ces temps-ci.
Car les vêtements colorés qui ont fait le succès planétaire de la marque n’ont plus la côte. L’entreprise est en perte de vitesse. Fondée à Barcelone en 1984, Desigual a réalisé un chiffre d’affaires de 323 millions d’euros au premier semestre 2018, en chute de 14,5 % par rapport à la même période en 2017.
Et le reste de l’année ne devrait pas être plus positif. Car les ventes se sont tassées à mesure que le réseau de vente a rétréci. Les effectifs sont passés de 4500 à 3700 personnes.
Le fondateur d’origine suisse de Desigual, Thomas Meyer, a donc décidé de prendre le taureau par les cornes et de lancer un très vaste plan de restructuration pour requinquer la marque iconique espagnole.
Première étape, reprendre le contrôle total sur son entreprise. En août 2018, le fondateur et P.-D.G. de Desigual a racheté 10 % du capital de l’entreprise, jusqu’ici aux mains d’Eurazéo, un fonds d’investissement français, pour devenir l’unique propriétaire de la société. À l’automne dernier, la société catalane a également réorganisé son équipe de direction en nommant Alberto Ojinaga à sa tête et David Meire, comme directeur du commerce.
Pour reprendre la main sur le style, Ojinaga, venu de la grande distribution espagnole, a décidé d’interrompre la collaboration avec Jean-Paul Goude. En août 2017, la marque avait créé la surprise en nommant le Français de 76 ans premier directeur artistique de son histoire. « L’annonce de la nomination de l’artiste et illustrateur français, célèbre pour ses collaborations avec les firmes Kenzo et Hermès, ainsi que pour son travail photographique pour des revues comme Paper, mais ne justifiant d’aucune expérience dans le domaine du stylisme, n’avait pas manqué d’étonner le secteur » expliquait à l’époque le magazine FashionNetwork.com.
Pour autant, Desigual va continuer de travailler avec des artistes et des créateurs comme Christian Lacroix qui lui crée des capsules exclusives de pièces depuis 2011.
Mais pour Thomas Meyer, l’urgence était de réinventer le style Desigual en partant d’une feuille blanche. Ou plutôt d’une palette de couleurs. Car la marque connue pour ces imprimés flamboyants ne veut pas perdre sa clientèle d’habituées. En France, le troisième marché de la marque derrière l’Espagne et l’Italie, Desigual cartonne auprès des femmes de 50 ans. Mais pour se relancer, elle doit désormais séduire la nouvelle clientèle des millenials. « Notre objectif est de baisser de 10 ans, l’âge moyen de notre clientèle, en passant de 49 ans à 39 ans », explique Guillem Gallego, le directeur marketing.
La nouvelle collection printemps/été 2020, baptisée « El Love » fera donc la part belle aux collections de produits dédiés aux jeunes. « Nos clients ne veulent pas acheter nos produits, mais les raisons pour lesquelles nous les faisons » assure-t-il. Les nouveaux produits seront donc censés incarner les valeurs de la marque : le développement durable, l’authenticité, la diversité, l’égalité et la liberté.
Pour incarner le changement dans la continuité de la nouvelle ligne stratégique, le logo a été modifié. Desigual s’écrit désormais à l’envers, avec une nouvelle signature « 100 % Desigual » et des visuels de communication conçus pour être photographiés « en selfie » et diffusés sur les réseaux sociaux.
L’entreprise va profiter du lancement de son nouveau logo pour « redimensionner » le réseau de vente qui comprend aujourd’hui 500 boutiques en propre dans 90 pays. Comprendre fermer les énormes flagships au profit de magasins plus petits, plus expérientiels, afin de créer un effet « waouh ». Le premier ouvrira ses portes à Barcelone en juin 2019. En France, il faudra attendre décembre 2019 pour le découvrir. En attendant, Desigual va lancer un pop-up store, fin juin, à Paris.
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