9 cédants sur 10 font, sans le savoir, un cadeau au repreneur lors de la cession de leur entreprise. Ceci est particulièrement vrai pour les entreprises de services numériques (ESN). Ce chiffre est une estimation empirique, compte tenu de l’opacité des transactions dans ce domaine. Cet article explique l’erreur d’appréciation fréquemment commise, et devrait bousculer votre vision de la valeur de votre entreprise.
Vous semblerait-il normal qu’un dirigeant qui vend son entreprise industrielle cède l’activité, l’usine et son stock en se référant à un multiple de son résultat, sans considérer la valeur intrinsèque de ses stocks et de ses murs ? Amusons-nous à faire une analogie, ce serait un peu comme vendre une histoire sans vendre ou louer le livre. Rassurez-vous, peu de cédants font cette erreur lorsqu’il s’agit de biens physiques. Cependant, quand il s’agit de biens non tangibles (logiciels, données, brevets, marques…), la donne est totalement différente.
Rares sont les éditeurs de logiciels par exemple qui pensent à valoriser les logiciels qu’ils ont développés. Ils pensent en effet souvent que comme l’activité repose sur ces logiciels, ceux-ci sont de fait compris dans le prix établi par l’expert-comptable (souvent un multiple du résultat). Mais ce mode de pensée équivaut à estimer que les murs de l’usine et son stock, nécessaires à l’activité, sont compris dans la valeur de l’activité économique. Hors c’est faux, vous pourriez très bien rester propriétaires des murs et louer les locaux à votre repreneur sans grever la valeur de l’activité !
Ainsi de nombreux dirigeants d’entreprises ayant développé des logiciels, des marques ou des brevets cèdent leur activité et leurs droits de propriété, au prix de l’activité économique seule, alors qu’ils pourraient très bien ne céder que des licences (une location) de leurs droits sur ces mêmes marques, brevets ou logiciels ! Les cédants, pour le plus grand bonheur des repreneurs, ignorent que leurs droits de propriété (sur des biens immatériels) ont une valeur en soi.
La majorité des cédants font cette erreur monumentale par pure ignorance et les professionnels du chiffre, encore peu à l’aise avec l’immatériel, se complaisent dans cette erreur également.
Prenons un exemple, réel, d’un éditeur de logiciels (une petite PME) qui négociait avec un groupe international la cession d’une branche de ses activités. La multinationale valorisait l’activité de l’éditeur à 5 millions d’euros. Expliquant à l’éditeur que ce prix correspondait en effet à son activité économique (la valorisation de son compte de résultat, la clientèle, l’exploitation…), mais que ce prix serait aussi le même s’il gardait la propriété du logiciel concerné et qu’il en concédait simplement une licence plutôt que d’en céder la totalité des droits de propriété. Si le groupe souhaitait disposer des droits de propriété du logiciel, il devait les acquérir également ! L’évaluation financière a conclu que les droits de propriété du logiciel valaient près de 3 millions d’euros.
A ce stade de l’histoire, les dirigeants restent souvent incrédules. Et pourtant, l’argument est passé en négociation et l’éditeur a pu vendre l’intégralité de sa branche d’activité pour près de 8 millions d’euros, et ce face à un grand groupe international… L’argument vaut donc sans doute la peine d’être maîtrisé, non ?
Si l’on reprend l’analogie de la vente d’un livre, vous pouvez vendre le livre ou vendre les droits d’auteurs du livre…Intuitivement, vous comprenez sans doute que la valeur est assez différente selon que vous vous trouviez dans le premier ou le second cas !
Donc si vous êtes un éditeur de services numériques ou une entreprise qui développe des innovations technologiques, réfléchissez-y à deux fois lorsque vous mettez dans votre corbeille de cession les droits de propriété de vos développements numériques, de vos brevets, voire même de certaines de vos marques ! Vous avez tout à gagner à analyser finement les atouts et les droits de propriété intellectuelle dont vous disposez pour les valoriser au mieux ! Ensuite tout est une question de négociation, certes. Mais disposer des bons arguments semble incontournable. Il n’est pas rare que la valeur de ces actifs immatériels dépasse la traditionnelle évaluation du simple « fonds de commerce ».
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