Au Maroc, la volonté du changement est exprimée au plus haut sommet de l’État. Sous l’impulsion du Roi Mohammed VI, et conformément à une méthode de travail qui a donné ses preuves, le souverain a mis au travail une Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD) qui a passé au scanner tous les sujets anxiogènes, notamment les inquiétudes et insatisfactions des citoyens marocains. Le Nouveau modèle de développement (NMD), présenté au Roi, le mardi 25 mai, énumère les enjeux, les priorités ainsi que la manière d’atteindre le changement escompté à l’horizon 2035.
Prospérité, capacitation (empowerment), inclusion, durabilité, et leadership régional, tels sont les objectifs de développement fixés par les 35 membres de la CSMD pour changer la face du Maroc d’ici 2035. Un document de 170 pages, consultable sur le site web de la Commission (https://www.csmd.ma), jouera le rôle d’une « boussole », constituant ainsi un point de départ vers une nouvelle étape, pour aller de l’avant dans le projet sociétal du royaume, sous la conduite de Mohammed VI.
Ayant bien géré la pandémie, de l’aveu de nombreux analystes à travers le monde, le Maroc a désormais besoin non seulement de relancer la machine économique mais également de changer de logiciel pour réduire les disparités et les inégalités. Pour ce faire, la commission s’est fixé une ambition de développement « forte et raisonnée, aspirationnelle sans être utopique ».
Et pour cause, l’appel au changement fait l’unanimité des Marocains
« Le Maroc où j’espère vivre est un pays qui assume la responsabilité, qui montre la tendresse, et qui crée la solidarité entre ses citoyens », témoigne une jeune lycéenne, lors des séances d’écoutes et des visites de terrain organisées par la CSMD, traduisant le désir profond des Marocains de changement. La démarche participative de la commission a permis de faire le diagnostic de l’état du pays tel qu’il est perçu par les citoyens et les acteurs, soulignant aussi bien les acquis que les attentes et les aspirations.
Ayant interagi directement avec 9.719 personnes et 20,3 millions de personnes via les réseaux sociaux, les membres de la commission consacrent une partie du rapport aux préoccupations et propositions des citoyens, qui sont principalement en rapport avec la qualité des services publics, l’accès à des opportunités économiques et à l’emploi, et l’ancrage des principes de bonne gouvernance.
L’éducation, la santé, le transport et les opportunités d’ouverture et d’épanouissement, notamment à travers la culture et le sport, voici les principaux domaines qui cristallisent les attentes des citoyens. Pour les auteurs de ce rapport, ces domaines doivent être « appréhendés en termes de qualité de l’offre et d’accessibilité dans des conditions favorables ».
Le thème qui cristallise le plus d’attentes est l’éducation ; l’accent est mis sur la réhabilitation de l’école publique, en améliorant substantiellement la qualité des apprentissages et leur adaptation aux besoins du marché du travail. Au niveau de la santé, « une offre de soins de qualité accessible à tous » est désormais un must pour les Marocains, notant que les attentes dans ce domaine portent sur le renforcement conséquent des effectifs du personnel médical et sur la répartition équitable des infrastructures de santé sur l’ensemble du territoire pour résorber les disparités alarmantes relevées en la matière.
En matière de transport et de mobilité, la commission indique que les citoyens dénoncent la faible disponibilité et les difficultés d’accès aux services de transports, notant à cet effet que les habitants de zones rurales et montagneuses déplorent leur enclavement, qui entrave leur capacité à développer des activités économiques viables.
Le rapport souligne, en outre, que dans le domaine de la culture, et plus largement des loisirs d’épanouissement, les jeunes en particulier appellent à la valorisation et à la multiplication des espaces dédiés à l’expression culturelle et artistique et des infrastructures et activités sportives. « La culture accessible à tous est considérée non seulement comme source d’épanouissement individuel mais aussi comme condition nécessaire à la construction d’une société démocratique et d’un vivre ensemble harmonieux, respectueux de la richesse et de la diversité culturelle du Maroc », lit-on dans le rapport.
Concrètement, et en chiffres, le Maroc de 2035 aspire à atteindre le doublement du PIB par habitant, une maîtrise des apprentissages de base à la fin du cycle primaire par plus de 90% des élèves, l’augmentation du nombre de médecins par habitants pour atteindre les normes de l’OMS, la réduction à 20% de la part de l’emploi informel, l’élargissement du taux de participation des femmes à 45%, un taux de satisfaction des citoyens envers l’administration et les services publics de plus de 80%.
Si la CSMD met au centre de ses propositions l’importance des ressources humaines, elle met également le doigt sur les axes de gestion rationnelle des ressources physiques et recense les ressources financières à mobiliser. Ainsi, la stratégie de financement du nouveau modèle prendra appui sur cinq leviers structurants qui devront être actionnés de manière concomitante. Une politique budgétaire agile et alignée aux objectifs fixés, et qui s’inscrit dans la dynamique de moyen et long terme que requiert tout modèle de développement. Une politique fiscale plus efficace, à même de permettre la mobilisation de ressources supplémentaires, dont le potentiel est estimé entre 2 et 3% du PIB. Une amorce rapide de la transformation structurelle de l’économie, à même de générer des ressources à moyen terme permettant la soutenabilité du modèle, moyennant des conditions propices pour l’accroissement de l’investissement privé national et international, à travers un cadre d’investissement attractif et la diversification des mécanismes et des systèmes de financement au service de la transformation.
C’est dire que si le Maroc compte mobiliser ses ressources internes, il n’en sera pas moins encore plus proche de son réseau de partenariat et de financement international afin d’assurer la levée des fonds nécessaires et la mobilisation des investissements directs étrangers.
Le Maroc prend ses destinées en mains et change de logiciel.
Si le monde post-Covid-19 demeure encore incertain, il est potentiellement porteur de nouvelles opportunités économiques. Dans ce contexte d’incertitude, la CSMD insiste sur le besoin d’un Etat fort, et protecteur, capable de remédier aux vulnérabilités sanitaires, économiques et sociales du pays, à travers « une gestion de proximité mobilisant tous les acteurs ».
Sur la base de ses nombreux atouts, à savoir, son positionnement géographique, son patrimoine culturel, ses valeurs religieuses en harmonie avec les valeurs humaines, ainsi que les liens forts et séculaires entre la monarchie et le peuple, le Maroc de 2035 sera, selon la CSMD, « une force capable de faire face aux défis et crises aux dimensions régionale et internationale, et de transformer ses répercussions en opportunités en faveur du développement de notre pays ».
Traduisant le concept de « responsabilité et d’essor » développé par le Roi dans le discours du Trône de 2019, cette commission prône ainsi une nouvelle doctrine organisationnelle. Il est question de complémentarité entre un « état fort et juste et une société forte et dynamique », reflétant la singularité du modèle de développement du royaume où « l’institution monarchique est la clé de voûte de l’Etat », selon la commission. Le rapport explique ainsi que la monarchie marocaine est un « symbole de l’unité de la Nation, garante des équilibres, porteuse de la vision de développement et des chantiers stratégiques de temps long et du suivi de leur exécution au service des citoyens ».
La nouvelle feuille de route tend à mettre fin à de multiples dysfonctionnements et à « propulser le Maroc, dans différents domaines d’ici 2035, dans le tiers supérieur des différents classements mondiaux des nations ». Les défis sont énumérés, mais aussi les enjeux, les priorités ainsi que la manière d’atteindre le changement auquel aspirent tous les marocains dans un pays ambitieux, organisé, calme et solidaire.
L’enjeu du Maroc de demain est donc d’opérer une véritable rupture non plus seulement avec l’ancien modèle de développement qui a montré ses limites, mais surtout avec les mauvaises pratiques qui minent, jusque-là, l’essor du pays.
Par Ahmed AZIRAR, Directeur de la recherche au sein du Think-Tank l’IMIS (Institut marocain d’Intelligence Stratégique) www.imis.ma