Marc Schillaci, le patron d’Oxatis, le leader européen des sites d’e-commerce pour les PME, nous explique comment les PME françaises peuvent riposter aux géants du e-commerce Amazon et Alibaba.
Q. 1 milliard de chiffre d’affaires en moins d’une minute pour Alibaba lors du Single Day (le 11 novembre), en Chine. Les chiffres du e-commerce donnent le tournis, non ?
Marc Schillaci : En Chine, les chiffres sont effectivement impressionnants. En France, le marché du e-commerce représente 90 milliards d’euros, c’est 10 % du commerce de détail. Il grandit de 15 % par an. C’est moins bien que les Anglais qui font mieux, 18 % du commerce de détail. Mais c’est mieux que l’Europe du Sud qui ne fait que 4 % de son commerce en ligne.
Aujourd’hui, 10 à 12 % des entreprises françaises ont un site marchand alors que 70 % des clients font désormais une partie de leurs courses en ligne.
Certains secteurs avancent plus vite que d’autres. Dans l’habillement, la décoration, le meuble, on est déjà largement au-dessus de la barre des 10 % des ventes totales. C’est donc une vraie tendance de fond.
Autre secteur qui va fortement progresser : l’e-commerce en BtoB, celui des entreprises vers leurs fournisseurs, qui représente près de 90 milliards d’euros.
Globalement, le marché ne va pas tellement grossir par le nombre de consommateurs, on est déjà 37 millions d’e-acheteurs en France, mais par l’augmentation du panier moyen. Les Anglais dépensent deux fois plus que nous en ligne.
Un marchand qui participe activement au Black Friday, multiplie son CA par 4 pendant la période (une semaine). Il réalise donc 10 % de son CA annuel sur quelques jours. Aux Etats-Unis et en Angleterre, les commerçants multiplient par 10. Les Français ont donc encore des marges de progression.
Au total, les opérations promotionnelles du mois de novembre (Black Friday et Cyber Monday inclus), vont représenter cette année, selon le syndicat des acteurs de la vente en ligne, la Fevad, 19 milliards d’euros de chiffre d’affaires. C’est 13,8 % de plus sur un an. Et 20 % des ventes annuelles sur Internet.
L’avantage du Black Friday est qu’il n’est pas encadré par la loi. Il démarre de plus en plus tôt et dure désormais presque une semaine.
Phénomène intéressant pour le e-commercants, lors des soldes le panier moyen des Français augmente. A Noël, c’est l’inverse le panier moyen baisse. Quand on achète pour soi, on dépense plus que lorsque l’on achète pour faire des cadeaux aux autres.
Lors de Black Friday, on constate que le panier monte fortement. Donc ce n’est pas encore vraiment le départ de la période des achats de Noël, contrairement à ce qu’il se dit souvent.
Q. Entre Alibaba et Amazon, reste-t il une place pour les e-commerçants français ?
Marc Schillaci : Amazon c’est plus de 40 % du business aux Etats-Unis, mais seulement 10 % en France. Les grands acteurs du e-commerce, CDiscount, La Redoute, Vente Privée, ont su prendre une belle part de marché. Il reste aussi de la place pour les PME également.
Q. Quelle est la bonne stratégie pour elle ?
Marc Schillaci : Sur Internet, il faut être partout à la fois, avec les meilleurs produits. Ne pas faire de place de marché est donc impossible. Certes cela coûte cher, une quinzaine de points, quel que soit le volume des ventes.
Comme le marketing de ces places leur coûte environ la moitié, elle gagne entre 5 et 7 % des ventes.
Si le marchand est bon, il doit pouvoir arriver à un coût marketing équivalent de 5 à 7 points.
À l’inverse, s’il n’est pas bon, cela va lui coûter 20 %, au début. Dans ce cas, il vaut mieux passer par une place de marché dans un premier temps pour amener les clients sur votre site, puis les fidéliser par des opérations marketing.
Faire un site de e-commerce qui réalise autour de 200 000 euros de chiffre d’affaires coûte entre 2 et 7 % des ventes, soit quelques dizaines de milliers d’euros. Au-delà, il faut que le patron prenne conscience de l’importance d’intégrer une stratégie digitale dans son commerce. Il faut surtout qu’il aime cela. Pour faire la différence face à Amazon, il faut que les commerçants partagent leur passion et leur expertise.
Q. Quels sont les freins au e-commerce en France ?
Marc Schillaci : Les petites entreprises redoutent avant tout les coûts et les bugs d’infrastructure. Elles cherchent avant tout la fiabilité technique surtout lors des pics de consultation comme lors du Black Friday, par exemple. Le piratage des paiements en ligne ou des données est une vraie crainte même si cela ne représente qu’une infime partie des transactions, notamment depuis la mise en place du système 3D secure (validation par sms de l’achat). Le nouveau règlement sur la protection des données (RGPD) impose aussi aujourd’hui d’être très rigoureux sur la qualité des infrastructures pour ne pas risquer un pillage des données.
Q. Les consommateurs doivent-ils être réassurés ?
Marc Schillaci : Bien sûr. Un chiffre est éclairant : 60 % des clients sont des clients fidèles qui connaissent déjà le site sur lequel ils commandent. Ils ont déjà pu apprécier la fiabilité de la logistique, la politique des retours. C’est d’autant plus important si vous commandez vos achats pour Noël. La confiance est essentielle dans le e-commerce.
Pour les sites, le véritable enjeu et d’être prêt et de ne pas décevoir les clients, notamment lors des grosses opérations comme le Black Friday. Il faut assurer la logistique d’envoi et surtout de retour. Les usages des retours varient en fonction des pays. En France, les clients renvoient deux fois moins leurs achats que les Allemands. Ces derniers commandent toujours plusieurs tailles du même produit, essayent et les renvoient ensuite.
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