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Bill Gates Investit Dans Le Nucléaire

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Crédit photo : Getty Images

On le sait, l’énergie nucléaire a ses avantages et ses inconvénients. En particulier, il faut parfois plusieurs jours pour mettre une centrale nucléaire en service, ce qui la rend inutilisable comme outil de gestion des fluctuations de l’offre et de la demande sur un réseau énergétique moderne.  

La société TerraPower, lancée par Bill Gates en 2006 en partenariat avec GE Hitachi Nuclear Energy, pense avoir trouvé un moyen de rendre cette source d’énergie encombrante plus souple et plus abordable.  

Le nouveau prototype, révélé par TerraPower le 27 août dernier, associe un « réacteur rapide refroidi au sodium » (un genre de petit réacteur dans lequel le sodium liquide est utilisé comme réfrigérant) et un système de stockage de l’énergie. Alors que le réacteur pourrait produire 345 mégawatts d’énergie électrique de manière indéfinie, le système de stockage attaché retiendrait la chaleur sous forme de sel fondu et pourrait décharger la chaleur en cas de besoin, ce qui porterait la puissance totale de la centrale à 500 mégawatts pendant plus de 5 heures et demie. 

La direction a déclaré : « Cela permet une conception nucléaire qui suit les évolutions quotidiennes de la charge électrique et aide les clients à capitaliser sur les opportunités induites par les fluctuations des énergies renouvelables ». 

Selon Chris Levesque, président et directeur général de TerraPower : « Le prototype, baptisé Natrium d’après le nom latin du sodium, sera disponible à la fin des années 2020 ».

La société a déclaré bénéficier du soutien d’une poignée de grandes entreprises américaines, dont Pacificorp, filiale de Berkshire Hathaway Energy, mais aussi Energy Northwest et Duke Energy. 

En somme, le stockage de sels fondus dans le réacteur remplirait le rôle joué actuellement par les centrales électriques au charbon ou au gaz, ou par les batteries de réseau : chacune produit de l’électricité, est répartissable et peut s’adapter rapidement aux changements de la demande ou de l’offre du réseau. Les besoins en énergie des réseaux modernes devenant de plus en plus variables avec l’arrivée de l’énergie éolienne et solaire (qui ne produisent que par intermittence lorsque le vent souffle ou lorsque le soleil brille), les sources d’énergie répartissables à faible teneur en carbone sont de plus en plus nécessaires. Les pannes d’électricité en Californie sont un exemple de ce qui peut se produire lorsque la quantité d’énergie disponible est insuffisante pour répondre à la demande de pointe. 

L’utilisation du sel fondu, qui retient la chaleur à des températures extrêmement élevées, n’est pas nouvelle. Les centrales solaires à concentration collectent également de l’énergie sous forme de sel fondu, bien que ces centrales aient été largement abandonnées aux États-Unis. Cette technologie pourrait ainsi connaître une nouvelle renaissance : de nombreuses entreprises privées travaillent à la conception de réacteurs intégrant des unités de stockage à sels fondus, dont GE Hitachi Nuclear ou Moltex Energy, une société de développement basée au Royaume-Uni et au Canada.

L’entreprise soutenue par Bill Gates vante les économies considérables qui seraient réalisées en construisant de grandes parties de leurs centrales Natrium par le biais non pas d’un processus personnalisé, mais industriel (une caractéristique déterminante de la dernière génération de réacteurs avancés est que leurs pièces peuvent être fabriquées en usine et assemblées sur place). Cependant les coûts de ce projet n’ont pas été dévoilés. Selon des informations Reuters, chaque usine de ce genre coûterait environ 1 milliard de dollars.

Un jour après l’annonce du nouveau prototype, une autre entreprise nucléaire, NuScale Power, basée à Portland, a annoncé que la Commission de réglementation nucléaire des États-Unis avait terminé l’examen de sûreté majeur de ses petits réacteurs modulaires de NuScale. L’entreprise précise que c’est la première fois que l’Autorité de sûreté nucléaire américaine approuve la conception d’un petit réacteur modulaire. 

Grâce à cette approbation, l’entreprise peut désormais poursuivre la conception de son réacteur, tout en étant assurée que la Commission de réglementation nucléaire en a approuvé la sécurité. NuScale a par ailleurs déclaré avoir signé des accords avec des parties intéressées aux États-Unis, au Canada, en Roumanie, en République tchèque et en Jordanie, et continue actuellement d’en négocier d’autres. 

NuScale a déclaré il y a peu que la construction d’une de ses usines pourrait commencer dans l’Utah en 2023, avec pour objectif d’achever le premier Power Module en 2026 et les 11 modules restants en 2027.

Dans la pratique, le réacteur de NuScale est plus petit que celui de TerraPower. Entièrement construit en usine, chacun de ses Power Modules produirait 60 mégawatts de puissance. Sa conception fait appel à la technologie des réacteurs à eau pressurisée, et une centrale pourrait accueillir jusqu’à 12 modules individuels. 

Afin d’illustrer la quantité de temps et de ressources nécessaires pour amener la nouvelle technologie nucléaire sur le marché, NuScale a déclaré avoir rempli sa demande de certification de conception en décembre 2016. Les responsables de la Commission de réglementation nucléaire des États-Unis ont ensuite passé non loin de 115 000 heures à l’examiner, lors de la première phase du processus d’examen seulement. 

En janvier 2019, Trump a promulgué une loi sur l’innovation et la modernisation de l’énergie nucléaire (Nuclear Energy Innovation and Modernization Act), conçue pour accélérer le processus d’autorisation des réacteurs nucléaires avancés. La loi a reçu un large soutien bipartite, soulignant la récente adoption de l’énergie nucléaire par les démocrates.

Après un boom de la construction de centrales nucléaires massives dans les années 1960 et 1970, le parc nucléaire mondial vieillissant souffre de l’augmentation des coûts et de la diminution du soutien public. Depuis des années, les partisans du nucléaire présentent les petits réacteurs modulaires comme étant les successeurs à la première génération de centrale, moins chers et plus souples. Mais jusqu’à présent, l’hypothèse ne s’est pas concrétisée et des retards dans les calendriers de développement se sont fait ressentir. 

Edwin Lyman, directeur de la sûreté nucléaire de l’Union of Concerned Scientists, a laissé entendre sur Twitter que les prototypes nucléaires utilisés par TerraPower et GE Hitachi n’étaient pas à la hauteur d’une innovation majeure : « La dernière chose dont le monde a besoin, c’est d’une flotte de réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium ».  

Pourtant, les climatologues considèrent l’énergie nucléaire comme une source cruciale d’énergie sans carbone qui pourrait permettre de limiter l’augmentation de la température mondiale en deçà de 2 degrés Celsius de plus que les niveaux préindustriels. La plupart des projections générales concernant la voie à suivre pour maîtriser la hausse des températures mondiales accordent un rôle majeur à l’énergie nucléaire, y compris les prévisions des Nations unies et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). 

Selon l’AIE : « Réaliser la transition vers une énergie propre avec moins d’énergie nucléaire est possible, mais nécessiterait un effort extraordinaire ».

 

Article traduit de Forbes US – Auteur : Scott Carpenter

 

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