BILAN | Décalés, en demi-teinte, et peut-être maintenant prolongés, pas simple d’optimiser les soldes d’hiver 2021 dans ce contexte !
Après des soldes d’hiver 2019 et 2020 historiquement bas, perturbés par les gilets jaunes dans le premier cas et par les mouvements sociaux dans le deuxième, l’enjeu était de réussir la cuvée 2021… Leur report de 15 jours, avec un démarrage au 20 janvier devait permettre aux commerçants de profiter de 2 semaines supplémentaires de ventes et leur redonner une légitimité.
A mi-chemin de la période, malgré des rabais historiquement élevés, on est loin des espérances de la profession et cela confirme l’érosion de ce rendez-vous qui perd chaque année de son impact. La faute à l’inquiétude, aux promotions et soldes privés en tout genre, particulièrement importants cette année, ou à une tendance lourde à la déconsommation ?
L’avis de Yann Rivoallan, Directeur Général de The Other Store et Administrateur à la Fédération Française de prêt à porter est : « 2021, année du reset ! »
Y.R. : 2020 a été une année d’une violence incroyable. Nous n’avions jamais imaginé vivre un confinement, vivre au milieu d’un virus qui actuellement tue 400 personnes par jour, sortir masqués avec un couvre-feu à 18h. Jour après jour, nous avons encaissé ces surprises. Début janvier, une nouvelle est arrivée : des variants existaient. Alors que nous avions envie d’espoir, nous avons été douchés subitement à nouveau par cette mauvaise nouvelle, voyant les pays voisins se reconfiner les uns après les autres…
4 facteurs, comme l’abondance de promotions entrainant des prix illisibles, le télétravail souhaité et en même temps subi, la fin des soirées professionnelles ou entre amis, ainsi que l’explosion des ventes de vêtements d’occasion ont freiné les envies de consommation, y compris sur le on-line. Les chiffres restent corrects avec des ventes on-line stables sur l’intégralité du mois de janvier, mais en deçà de leur croissance de 2020 de 80% liées à la montée en puissance très forte de l’e-commerce. Si on ne regarde que les soldes on line, à période comparable, la tendance est de +50% vs. 2020 sur notre benchmark. Les stocks importants, les taux de promotions très élevés, les restrictions de déplacement ont effectivement dynamisé les ventes sur ce canal.
Finalement le décalage des soldes a allongé la période de promotions d’avant soldes, et maintenant, alors que pour la première fois elle était de 4 semaines, certains acteurs réclament de la rallonger de 2 semaines soit au 2 mars. Qu’en pensez-vous ?
Y.R. : Le report a été décidé notamment pour les indépendants mais les retarder renforce à la fois la période promotionnelle qui précède, et accentue les niveaux des promotions. C’est le même constat que pour les ventes d’été, en pire. En Juillet en effet, les boutiques en bord de mer avaient bénéficié de ces jours de décalage, mais elles ont été les seules.
Leur allongement de 15 jours aura un effet contrasté : la majorité des ventes se fait dans les 15 premiers jours, l’allongement pourrait donc avoir un effet limité. Toutefois, l’envie n’est pas encore à l’achat de collections d’été, entre confinement attendu et météo hivernale. Si les nouvelles collections arrivent un peu plus tard et en même temps que les premiers jours de soleil, cela pourrait permettre un « rebond psychologique », en tout cas on ne peut que le souhaiter. On assiste à une modification des comportements des français et la Covid est un accélérateur de tendances. Les achats de vêtements ne cessent de décliner et le confinement a incité les Français à investir dans l’aménagement de leur intérieur ou de leur extérieur quand ils en avaient un, au détriment de leur budget vêtements. De plus avec le confinement, puis le couvre-feu, ils ont réduit fortement leurs visites en magasin et ont consommé de plus en plus en ligne. On estime que le couvre-feu a 18h va impacter de 20 à 35% les chiffres d’affaires selon les implantations des boutiques.
Avec le « boost » de la Covid, la part de l’e-commerce dans les ventes de mode dépasse maintenant largement les 20%. Jusqu’où iront-elles ?
Y.R. : La part attendue est désormais de 25%. Mais ce chiffre a de moins en moins d’intérêt, car le digital est désormais essentiel dans la décision d’achat. Entre fermeture de boutiques, plus de services digitaux, de nouveaux modes de consommation avec le social selling, les marques doivent avant tout accélérer leur transformation digitale et en faire une priorité.
Comment vont fonctionner les centres commerciaux et les centres-villes ? Il y a de nombreux points de vente qui étaient juste à l’équilibre les années précédentes et le trafic va forcément baisser en 2021. En 2022, on peut espérer que les gens auront envie de sortir et de bouger. Mais si la crise économique est là, il y aura aussi de la déconsommation. Les deux prochaines années s’annoncent donc très complexes pour le retail physique en général. Le digital est plus que jamais la source de développement et de croissance. Savoir si sa part sera de 20% ou 25% n’est pas réellement important. Seule la transformation des marques pour s’adapter à ces nouveaux modes de consommation est intéressante.
The Other Store gère les sites e-commerce de 25 marques françaises. J’imagine que leur performance en ligne est excellente. Comment se comportent les soldes pour vous ? Quelles sont les « recettes » qui marchent ?
Y.R. : Une recette majeure : créer une désirabilité forte, associée à une proximité constante. C’est comme cela qu’une marque vendra à tous les moments forts de sa collection. Pendant les ventes privées ou les soldes bien sûr, mais surtout dès l’arrivée des nouveautés à plein tarif. C’est le lien privilégié avec les clients et les clientes, le travail permanent sur la désirabilité du produit, la proximité créée sur les réseaux sociaux et en boutique qui construit cette désirabilité. Ça a l’air simple mais trouver le bon équilibre est complexe car il faut communiquer souvent mais sans créer de lassitude. Il faut aussi savoir impliquer les vendeuses, qui créent un lien physique. Des marques comme des Petits Hauts savent parfaitement gérer ces canaux à 360°, Lemaire dans le luxe ou des marques digitales « DNVB » comme Parisienne & Alors maitrisent également parfaitement cet écosystème.
La Covid a converti de nouveaux consommateurs à l’e-commerce. Qui sont-ils ? Pensez-vous qu’ils vont rester ?
Y.R. : Nous avons enregistré 20% de nouveaux clients. Désormais le challenge est de les fidéliser ! Il va bien sûr falloir commencer par les identifier et apprendre qui ils sont, ce que nous faisons actuellement via notre CRM et notre service client entre autres. Pour les fidéliser, nous sommes en train de construire les outils et process pour créer plus de lien, apporter un meilleur service, développer de nouvelles façons de vendre par vidéo ou WhatsApp par exemple. La vente est désormais sociale. Il n’y a plus une vente, mais des ventes… une toute nouvelle étape est face à nous.
Tribune rédigée par Florence Roussel
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