Des choix pertinents, un goût certain pour le risque et un don pour la vinification ont permis à Benjamin Leroux de propulser son négoce de vins Haute Couture au sommet de la hiérarchie Bourguignonne. Situé à Beaune, le domaine produit des vins très prisés des amateurs et des plus grandes tables étoilées. Entretien avec Benjamin Leroux, créateur du Domaine éponyme
Vous avez lancé le négoce de vins haute couture en 2007 après avoir été régisseur du Domaine du Comte Armand à Pommard. Pourquoi avoir décidé de créer votre propre Domaine ?
Benjamin Leroux : C’est un choix de vie, je ne suis pas de famille viticole et il n’y avait pas de domaine, ni de vignes à reprendre. J’ai eu la chance d’être, à seulement vingt-quatre ans, régisseur du Comte Armand à Pommard. Sept ans après, en 2006, un grand Domaine de Puligny est venu me débaucher, c’était très flatteur mais cela a été un déclencheur. J’avais le choix de construire ma vie professionnelle à travailler dans les grands domaines, et cela aurait aussi été très sympa, ou bien je pouvais créer ma propre entreprise. C’était d’ailleurs une idée que j’avais en tête depuis longtemps. A cette époque, je me suis posé la question de savoir ce que je ferais vers 50 ans après un engagement d’une quinzaine d’année dans un autre grand domaine. Est-ce que j’aurais encore la force de créer une entreprise ? C’était pour moi le bon moment pour le faire. Le domaine du Comte Armand m’a donné son accord pour débuter un négoce en nom propre à condition que je reste encore pour les sept millésimes suivants. J’ai donc géré les deux domaines, ce qui m’a permis de faire grandir doucement mon négoce et d’effectuer les investissements importants au niveau de la cuverie, des vignes, etc, qui ne sont pas des investissements que l’on fait à cinquante ans.
Comment avez-vous débuté votre activité ?
L’idée de départ était d’acheter des vignes mais il y avait une incertitude sur le nombre d’ares que l’on pourrait trouver et si cela allait suffire pour rentabiliser la création d’une cuverie. Alors nous avons pris le problème dans le sens inverse. Nous avons décidé de créer la cuverie et d’acheter dans un premier temps le raisin, et de cette façon, le jour où on trouve les vignes à acheter, nous sommes opérationnels.
Le prix de l’hectare pour une parcelle en bourgogne varie de plusieurs centaines de milliers d’euros pour une appellation communale en Côte de nuits à plusieurs millions pour un grand cru. Avec un foncier si onéreux, comment fait-on pour être rentable ?
C’est vrai que si l’on veut s’installer et acheter des vignes aujourd’hui, il faut un peu d’insouciance car le prix du foncier actuellement n’est plus le même qu’il y a une ou deux générations, quand les vignerons se payaient une vigne en cinq ans. Aujourd’hui, la problématique se pose plutôt en ces termes : est-ce que je crée une société multigénérationnelle ou je crée une entreprise dans un but de revente à moyen-long terme pour rentrer dans son investissement à ce moment-là. Dans la perspective de revendre à vingt ou trente ans, ce n’est pas forcément un mauvais investissement car l’offre étant toujours inférieure à la demande, les prix ne seront pas amenés à baisser mais le rendement ne sera pas énorme, de l’ordre de 1,5 à 2%. Par contre, cette idée ne me plaît pas. J’ai été élevé dans la transmission, mais encore faut-il pouvoir transmettre.
La transmission intergénérationnelle semble être un vrai problème pour beaucoup de vignerons ?
Le souci de la transmission familiale est le problème du transfert de la plus-value foncière aux générations futures. Cela ne fonctionne pas avec le système fiscal français actuel. Pour payer les taxes, les enfants doivent généralement vendre un tiers du foncier, ce qui réduit les exploitations et les rend moins viables. En Angleterre, par exemple, il n’y a pas de taxation sur les terres agricoles, ce qui permet de conserver les terres dans le giron familial.
Le négoce est-il alors actuellement la seule stratégie viable ?
C’est une alternative car cela permet de ne pas payer le foncier. Ma passion a toujours été de faire les vins et de pouvoir travailler avec tous les terroirs que j’aime. C’est aussi pour cela que j’ai créé un négoce à l’origine. Ce qui est intéressant aussi avec le négoce, c’est le développement du réseau et en Bourgogne, les meilleures affaires sont celles qui ne se savent pas.
Comment choisis-tu les parcelles pour acheter les raisins ?
Je recherche avant tout la relation humaine avec les fournisseurs. Ensuite c’est mon rôle de négociant de trouver quelque chose qui n’est peut-être pas disponible. C’est de la création de relations. Il faut montrer comment on travaille et trouver le bon équilibre pour que tout le monde soit content dans l’affaire mais la base reste la maîtrise au niveau des raisins.
Comment définir le style de vos vins ?
Ce qui ressort le plus est la précision, la pureté, le côté cristallin. Il y a très peu d’artifices dans mes vins, peu de bois neufs. L’idée est de laisser au maximum l’expression de chaque vin. Mon style doit s’effacer, et pour moi, un grand vin est un vin qui se déguste bien tout au long de sa vie.
Vous travaillez en agriculture biologique et biodynamique, quel est l’intérêt ?
C’est pour moi une philosophie de vie et je n’ai pas de raison d’en changer. Ensuite, au niveau de la vigne, il n’y a pas photo : les vignes sont plus résistantes aux aléas et au manque d’eau. C’est mon outil de travail, il faut en prendre soin. C’est la même chose pour tous les métiers, il faut que l’outil de travail soit fonctionnel.
Au domaine, nous sommes certifiés bio et pas biodynamie même si on en applique les principes. A la dégustation, je vois beaucoup de différences dans la netteté et la définition aromatique des vins bio en comparaison à ceux issus de l’agriculture conventionnelle. La sensation de fraîcheur liée au minéral est également plus présente.
Quel a été votre plus beau souvenir de dégustation.
C’est une question difficile, mais il y a un vin qui m’a poussé à faire ce métier, c’est un Amoureuses 1985 du Domaine Roumier, que j’ai dégusté en 1989 à 14 ans. A cet âge, tout paraît « bof », mais ce vin a illuminé mon adolescence. Et à ce moment-là, je me suis dit « ça, c’est un truc que je veux faire ».
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