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Batteries électriques : accorder au recyclage sa juste valeur

La mutation vers le véhicule électrique jugée inévitable pose le problème de l’accès aux métaux rares qui composent la batterie. Le recyclage de ceux-ci, y compris dès la phase de fabrication, constitue une solution qui pourrait répondre au problème de la dépendance stratégique et au coût d’extraction.

 

Le marché de la voiture électrique dans le monde est, à l’évidence, en plein boom. Alors qu’en 2017, sur 70 voitures vendues une seule était électrique, c’était une sur sept l’année dernière (soit plus de 10 millions de voitures). Ce taux devrait probablement grimper à une sur cinq cette année, selon le cabinet Vantage. Tout concourt à cette explosion des ventes, y compris en France où plus d’un million de véhicules électriques sont en circulation en octobre 2022. En plus de la motivation écologique, le marché est largement dynamisé par la montée en puissance des véhicules électriques dans les domaines de l’autonomie et du confort. S’ils restent encore plus coûteux que leurs concurrents, les aides fiscales se maintiennent dans la plupart des pays, alors même que le prix des carburants fossiles poursuit son ascension. Résultat d’une conjoncture internationale incertaine, mais aussi d’une politique assumée des principaux fournisseurs de pétrole pour limiter la production.

 

Les tendances de long terme maintien des tensions sur les carburants d’un côté, amélioration des performances et des prix pour les véhicules électriques de l’autre poussent donc à un remplacement accéléré. Lui-même alimenté par les contraintes réglementaires de l’Europe et des États-Unis qui poussent également les constructeurs à l’accélérer.

Si cette explosion du marché des transports électriques individuels et collectifs est prédite par l’ensemble des observateurs, ceux-ci sont moins précis sur certaines des conséquences concrètes de cette explosion. En effet, il y a d’une part l’augmentation parallèle des besoins en électricité à laquelle les parcs installés de tous les pays ne sont pas prêts, mais également des difficultés à prévoir la pérennité de la filière électrique elle-même. En particulier pour la France.

 

La France dépendante

Dans l’Hexagone, la filière reste à construire dans la mesure où les constructeurs historiques ne contrôlent pas encore toute la chaîne, notamment la fabrication des batteries, contrairement au moteur thermique. Des projets d’usines de fabrication de batteries sont certes annoncés, à grand renfort de financements publics, afin de permettre l’assemblage des futurs modèles. Mais le modèle économique entre constructeurs de véhicules et fournisseurs de batteries reste à mettre en place dans un contexte inédit où les constructeurs perdent, de fait, le contrôle d’une part importante de la valeur ajoutée du véhicule.

Mais surtout, l’incertitude la plus forte réside dans l’approvisionnement en matières premières raffinées, particulièrement le lithium, le cobalt et le nickel. Une étude du cabinet Roland Berger souligne que celles-ci entrent pour un tiers dans le coût des cellules de batteries, alors qu’elles représentent par ailleurs les trois-quarts du prix de revient de celle-ci. Or, le sous-sol de l’Hexagone ne renferme pas — et de loin — l’ensemble des matériaux nécessaires. Sans parler du fait que les filières d’extraction et de transformation de ces métaux rares n’existent pas non plus, puisqu’elles ont été sous-traitées à l’étranger, notamment en Chine. Le tout dans un contexte où les relations internationales ont tendance à se tendre sur tout le globe, incitant aussi bien les États-Unis que l’Europe à relocaliser des productions considérées stratégiques. Dont les batteries pour véhicules font naturellement partie.

 

Une mine urbaine

Si les projets de giga-factories — pour produire en quantité ces futures batteries — se multiplient ces derniers mois, à grand renfort de financements publics, il sera difficile de relocaliser dans le sous-sol des matériaux qui ne s’y trouvent pas aujourd’hui. Dès lors, une option prend de plus en plus d’épaisseur, le recyclage des batteries elles-mêmes. Vertueuse sur le plan écologique, cette approche l’est également d’un point de vue économique et géostratégique. « Le recyclage jouera un rôle de plus en plus important à partir de la fin de la décennie », confirme Wolgang Bernhart, du cabinet Roland Berger.

Le recyclage des batteries usagées, mais également l’optimisation de la consommation de ces matériaux rares à l’occasion du processus de fabrication lui-même apparaissent ainsi comme des impératifs stratégiques. C’est par exemple le projet d’une start-up grenobloise, Verkor, qui prévoit de recycler les rebuts générés lors de la fabrication. Cette approche a l’avantage de permettre l’accès à une source supplémentaire de matériaux sans achats additionnels de ceux-ci, et surtout de pouvoir être effective dès le début de la production des batteries, sans avoir à attendre que celles-ci soient en fin de vie. Verkor est soutenu par France 2030 et son usine de fabrication de batteries, dans le Nord de la France, vient de boucler un tour de financement de 2 milliards de dollars, mêlant argent public et financements privés.

Orano poursuit le développement de son projet de recyclage des matériaux contenus dans les batteries de véhicules électriques afin de les valoriser dans de nouveaux composants. Ce projet s’appuie sur un procédé innovant en cours de développement au CIME (Centre d’Innovation en Métallurgie Extractive) sur le site d’Orano à Bessines-sur-Gartempe (Nouvelle-Aquitaine). A terme, Orano prévoit l’implantation d’une usine de recyclage de batteries à Dunkerque dans les Hauts-de-France dont le déploiement devrait intervenir à l’horizon 2026.

Pour réaliser son projet, l’entreprise française s’appuie sur un procédé́ innovant en cours de développement au CIME (Centre d’Innovation en Métallurgie Extractive) sur le site d’Orano en Nouvelle Aquitaine. Cette activité de recyclage des batteries électriques par Orano résulte directement de son expertise ancienne dans le recyclage de l’uranium. « Comme il faut 15 à 20 ans entre les premiers sondages et la mise en production d’une mine de métaux rares, les actifs existants ou en cours de construction ne pourront pas répondre à la demande des années qui viennent », expliquait dans une tribune le cabinet Deloitte, en début d’année. D’où l’importance du recyclage…

 

Cet article a été écrit par : Michel Ktitareff, Président de Scale-Up Booster

 

 

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