La superproduction estivale « Barbie » arrive dans les salles de cinéma mercredi, avec Margot Robbie incarnant la célèbre poupée. Ce film est sur le point de lancer l’univers cinématographique de Mattel et les collaborations se multiplient.
Un article de Marisa Dellatto pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
En juin dernier, des photos de Margot Robbie et Ryan Gosling, les stars du prochain film Barbie, sont devenues virales. Un an plus tard, à l’approche de la sortie du film, les fans peuvent désormais s’habiller comme leur poupée préférée. Les patins à roulettes Barbie x Impala, d’une valeur de 190 euros, font partie de la centaine de collaborations et de partenariats de marque que la société mère Mattel a signés pour tirer parti de l’engouement suscité par le film réalisé par Greta Gerwig, l’un des films phares de l’été.
Barbie se trouve au « début d’un nouveau chapitre de l’évolution de la marque », a déclaré Richard Dickson, président et directeur d’exploitation chez Mattel, à Forbes, alors qu’il portait un t-shirt Barbie. « Barbie est passée du statut de poupée à celui de franchise. Notre capacité à étendre et à commercialiser la marque est bien plus importante que n’importe quel produit en soi. »
S’il semble que le monde devienne rose ces derniers temps, c’est à dessein. On trouve de tout, des Crocs de la marque Barbie aux bagages rose vif de Béis, en passant par les brosses à dents électriques Barbie x Moon. Les fans peuvent se doucher avec les savons Barbie x Truly, mettre du vernis à ongles Barbie x OPI, enfiler des sous-vêtements Barbie x MeUndies et s’habiller avec des vêtements Barbie x Gap. Elles peuvent aussi écouter la bande originale du film, qui contient de nouveaux tubes de Dua Lipa et Nicki Minaj. Il est même possible de passer la nuit dans la véritable maison de rêve de Malibu d’Airbnb (John Legend et Chrissy Teigen y ont déjà emmené leur famille).
Le film, qui met également en scène Kate McKinnon, Issa Rae et Hari Nef dans le rôle des Barbies, Simu Liu, John Cena et Kingsley Ben-Adair dans celui des Kens, et Will Ferrell dans le rôle d’un méta-PDG de Mattel, devrait rapporter entre 80 et 100 millions de dollars (70 et 90 millions d’euros) lors de son week-end d’ouverture.
Pour une poupée approchant l’âge de la retraite (Barbie aura 65 ans l’année prochaine), elle ne montre aucun signe de ralentissement, malgré une longue carrière de mannequin de mode, d’infirmière, de ballerine, d’infirmière militaire, d’astronaute, de paléontologue, de fleuriste, de professeure de yoga, etc. La dynamique dilettante a réalisé des ventes annuelles de 1,7 milliard de dollars (1,5 milliard d’euros) en 2021, un record. La même année, Barbie a été désignée comme jouet numéro un au monde.
Et c’était avant la Barbie Mania de cet été.
Mattel a été créée en 1945 par Ruth Handler, son mari Elliot et Matt Matson. (Elliot s’occupait du design et Ruth des affaires). « Elle était la force motrice de l’entreprise », explique à Forbes Tanya Lee Stone, auteure de The Good, the Bad, and the Barbie. « C’est grâce à elle qu’ils sont passés du garage à la location d’un local. »
En tant que présidente de la société, Ruth était « l’incarnation de sa poupée », c’est-à-dire une « femme capable de tout faire », ajoute Robin Gerber, auteur de Barbie and Ruth: The Story of the World’s Most Famous Doll and the Woman Who Created Her. « Cette femme était une entrepreneuse, une dirigeante d’entreprise, à une époque et dans un secteur où il n’y avait pas de femmes à ce niveau. »
C’est en observant sa fille Barbara et ses amies jouer avec des poupées en papier, dont les tenues se déchiraient constamment, qu’elle a eu l’idée de Barbie. Ce qui a particulièrement fasciné Ruth Handler, c’est que les filles ne faisaient pas semblant d’être des enfants ou des mères avec leurs créations, mais plutôt des bibliothécaires et des enseignantes. « Elle a été frappée par le fait que les petites filles voulaient simplement être des grandes filles », explique Robin Gerber. Mais les poupées adultes conçues pour divertir les enfants n’existaient pas.
L’inspiration pour le design de Barbie est venue à Ruth lors d’un voyage familial à Lucerne, en Suisse, lorsque Barbara et elle ont aperçu une poupée dans un magasin de jouets. Elle s’appelait Bild Lilli et s’inspirait d’un personnage de bande dessinée d’un journal local qui cherchait de l’or. Elle en acheté trois et a commencé à créer une garde-robe pour sa propre incarnation de la poupée. « Elle a tout de suite compris que l’on pouvait créer une poupée et ensuite des vêtements séparés », explique M. Gerber.
« L’objectif de Ruth était de créer un mannequin minuscule et de faire en sorte qu’il soit très facile pour les filles d’enlever la tête et de changer de vêtements », ajoute Tanya Lee Stone. De cette façon, « les filles pouvaient s’imaginer être ce qu’elles voulaient être ».
Barbie a fait ses débuts en 1959 à l’American Toy Fair de New York, mais ce n’est que lorsque les enfants ont vu sa première publicité télévisée, plus tard dans l’année, que le jouet a vraiment pris son envol. Quelque 300 000 poupées ont été vendues la première année, au prix de 3 dollars chacune (31 dollars aujourd’hui, soit 28 euros). Aujourd’hui, une poupée Barbie originale en parfait état se vend à plus de 24 000 euros et la gamme des Barbie contemporaines s’étend d’environ 9 euros pour les Barbie Fashionistas à une poupée unique créée par le créateur de bijoux australien Stefano Canturi, qui s’est vendue 302 500 dollars en 2012 (environ 400 000 dollars aujourd’hui, soit 356 000 euros).
Peu après l’arrivée de Barbie, la société a été inondée de lettres lui demandant si elle pouvait avoir un petit ami. En 1961, Ken – nommé d’après le fils des Handler, Kenneth – a fait son apparition. (Kenneth Handler est décédé à l’âge de 50 ans en 1994 et Barbara Handler a aujourd’hui 82 ans).
« Si vous possédiez des actions Mattel dans les années soixante, vous obteniez des rendements à deux chiffres chaque année », explique M. Gerber. Mais la décennie suivante a apporté son lot de problèmes aux Handler. Ruth, à qui l’on avait diagnostiqué un cancer du sein, a démissionné en 1975, trois ans avant qu’elle et plusieurs autres anciens cadres de Mattel ne soient inculpés par la Securities and Exchange Commission pour avoir fait de fausses déclarations financières. Elle a finalement plaidé non coupable.
Après quelques années de vaches maigres dans les années 1980 – au cours desquelles Barbie a travaillé comme professeure d’aérobic, caissière, agent de voyage et vétérinaire – une nouvelle renaissance s’est produite. « Il a fallu 28 ans pour que les ventes de Barbie atteignent 430 millions de dollars (382 millions d’euros) et seulement trois ans pour qu’elles atteignent 700 millions de dollars (623 millions d’euros) », a déclaré John Amerman, président de Mattel, à Forbes en 1991. La marque représentait alors la moitié des ventes de Mattel.
Dans les années 2000, Barbie est entrée dans l’ère numérique. Richard Dickson a supervisé la création de Barbie Entertainment. Le premier film de Barbie, le film d’animation Barbie dans Casse-Noisette, est sorti en 2001. Barbie.com, son premier site web, a également été lancé.
M. Dickson a quitté Mattel en 2010 et l’a rejoint en 2014, alors que la société connaissait l’une de ses pires périodes. Barbie avait atteint son plus faible volume de ventes en 25 ans, avec seulement 900 millions de dollars (800 millions d’euros). « L’un des titres les plus choquants à mon retour était celui de CNN, qui titrait littéralement « Barbie est-elle morte ? » », se souvient-t-il. « Le standard de beauté que Barbie a représenté pendant plus de 50 ans – mince, blanche, blonde – n’a plus trouvé d’écho auprès des consommateurs. Sa personnification de la perfection était devenue obsolète », explique-t-il.
Barbie avait donc besoin d’un changement d’image majeur. Mattel a commencé par la couleur de sa peau et ses origines ethniques. « La méthodologie utilisée ne consistait pas seulement à introduire des poupées avec des teintes de peau, mais à changer toute l’identité graphique de la marque », explique M. Dickson. « L’emballage et la publicité de Mattel ont été actualisés pour refléter la nouvelle gamme diversifiée. Le corps très artificiel de Barbie a été réimaginé pour le 21e siècle : la poupée a été lancée en versions grandes, petites et avec plus de formes. Mais comme Barbie n’avait pas la même taille ; ses vêtements, ses voitures et ses maisons devaient également changer. Tout a dû être remodelé. »
Le film Barbie reflète la relation compliquée que le public a entretenue avec l’icône de 29 centimètres du couple Handler au fil des décennies. « Greta Gerwig défend l’idée de raconter des histoires fortes, dirigées par des femmes et dans lesquelles les femmes sont célébrées », explique Richard Dickson. « La marque Barbie ne fait pas exception et montre que la célèbre poupée est une protagoniste féminine très forte qui contrôle sa propre histoire. Cela n’aurait pas été possible si nous n’avions pas fait ce travail incroyable au préalable. »
La décision de réaliser un film sur Barbie n’était pas simplement une extension de la marque, c’est une stratégie commerciale à long terme qui sera appliquée encore et encore au reste du portefeuille de Mattel, qui comprend quelque 400 marques de jouets.
Il ne s’agit pas non plus d’une stratégie tout à fait originale. Hasbro a sorti un film G.I. Joe en 2009. Le premier film, G.I. Joe : Le Réveil du Cobra, avec Channing Tatum, a rapporté 300 millions de dollars (267 millions d’euros) dans le monde. La suite, qui a ajouté Dwayne Johnson « The Rock » et Bruce Willis à la distribution, a fait encore mieux avec 375 millions de dollars (333 millions d’euros).
« Nous avons plus de 13 projets de films en cours de développement. Et nous avons plus de 30 émissions de télévision en cours de production », explique Richard Dickson.
La sortie de Barbie intervient également à un moment où le bilan de Mattel a besoin d’un coup de pouce. La société a terminé le premier trimestre en avril avec un chiffre d’affaires net de 814,6 millions de dollars (725,2 millions d’euros), soit une baisse de 22 % d’une année sur l’autre. Barbie a réalisé un chiffre d’affaires brut de 177 millions de dollars (157 millions d’euros) dans le monde entier, soit une baisse de 44 % par rapport à l’année précédente, mais représentant près de 58 % du chiffre d’affaires brut de Mattel pour l’ensemble des poupées. « Nous ne pourrions être plus confiants et enthousiastes quant à l’avenir de la marque », a déclaré M. Dickson lors d’une récente conférence téléphonique sur les résultats.
Sa positivité à l’égard de la marque est teintée d’une belle palette de roses. « Nous travaillons avec les meilleurs des meilleurs dans les jeux sur console et les jeux sur mobile, dans une variété d’autres expériences numériques qui mettent Barbie sur le devant de la scène », déclare Richard Dickson. Barbie a fait son entrée dans le monde de la blockchain et a été la première marque de jouets à devenir une NFT. « Nous acceptons les crypto-monnaies », précise M. Dickson. « Barbie est une toile pour les artistes, les influenceurs et les collaborations. »
Et alors qu’elle approchera les 65 ans l’année prochaine, le cœur de Barbara Millicent Roberts continue de battre grâce au même esprit que Ruth Handler lui a inculqué il y a six décennies.
« Barbie n’est pas seulement un jouet », affirme M. Dickson. « Elle est une source d’inspiration. »
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