Toys”R”Us vient de se déclarer en faillite. Faut-il accuser la montée en puissance d’Amazon et du commerce en ligne ou les banques et les fonds de Private Equity ? Éléments de réponse depuis Wall Street.
Toy”R”Us, la plus grande chaîne mondiale de distribution de jouets a déposé son bilan. L’activité continue, mais le groupe va devoir se restructurer pour survivre. La tentation est forte d’expliquer cette faillite par la montée en puissance de l’e-commerce. Les problèmes de Toys”R”Us semblent en effet parfaitement illustrer la théorie qui veut que dans le futur, seuls les groupes de ventes en ligne et les petits commerces misant sur la proximité et le service survivent. Toys”R”Us est juste une grande surface implantée dans des zones commerciales sans vrai racines locales. Son dépôt de bilan serait donc prémonitoire de ce qui attend tous les grands groupes de distribution classiques.
En fait, si on regarde plus attentivement le problème, cette explication apparait totalement fausse. Première raison : la fréquentation des magasins reste bien orientée. Il m’est arrivé au cours des derniers mois d’aller faire des courses à Toys”R”us et d’observer des familles entières déambulant dans les allées avant d’aller faire la queue aux caisses. Rien qui laisse supposer que le magasin est en proie à de graves difficultés financières et qui prouve la désaffection des consommateurs. Deuxième raison : Toys”R”Us a relativement bien négocié le tournant de l’e-commerce et multiplié les offres discount sur son site de ventes en ligne.
Solides rentes aux créditeurs
Les raisons de la faillite de Toy”R”Us sont différentes. Tout d’abord le marché du jouet se porte bien et du coup la concurrence est beaucoup plus vive. Barnes and Noble, la chaine de distribution de produits culturels, a créé un grand département jouet pour tenter de se diversifier et d’être moins dépendant des livres dont les ventes sont en chute libre. Idem pour les grands hypermarchés classiques : ils ont renforcé leur rayon jouet depuis une dizaine d’années pour en faire un des plus grands rayons du magasin. C’est particulièrement vrai pour les hypermarchés Target. Le rayon jouet est désormais plus grand que le rayon habillement. Mais la nouvelle donne concurrentielle remonte à une dizaine d’années et ne suffit pas à expliquer la faillite de Toys”R”Us. La raison essentielle, il faut la chercher ailleurs.
Il faut regarder les comptes du groupe pour comprendre. Ce sont les intérêts financiers exponentiels que Toys”R”Us doit payer chaque mois qui ont provoqué sa perte. Et si l’on reprend en detail l’histoire de Toys”R”Us, on comprend mieux comment on en est arrivé là.
En 2005, KKR (Kohlberg Kravis Roberts) et Bain Capital associés au géant de l’immobilier Vornaldo Realty Trust acquièrent Toys”R”Us pour 6,6 milliards de dollars. Comme beaucoup de transactions de private equity, cette transaction comprend un peu de cash provenant de la poche des investisseurs (1,3 milliard de dollars) et le reste est de la dette bancaire. Cela permet de relancer l’entreprise mais aussi garantit de solides rentes aux créditeurs. Les investisseurs, dans le même temps, extraient de gros dividendes. Au total, les sociétés de private equity et les institutions financières tirent leur épingle du jeu, mais Toys”R”Us se retrouve dans une situation financière des plus délicates l’obligeant à renégocier sa dette et à déposer son bilan.
Une faillite symptomatique du climat financier actuel
Le cas de Toys”R”Us n’est pas isolé. Une dizaine de groupes de distribution ayant fait appel à des fonds de private equity se retrouvent aujourd’hui aux Etats-Unis dans la même situation. Inutile donc de montrer du doigt les nouvelles technologies et l’ogre Amazon ! Les bonnes vieilles méthodes de la finance internationale sont simplement de retour : s’enrichir en dépouillant les entreprises. Les temps ont changé mais la recette est toujours efficace.
On se croirait revenu au temps de la chute de RJR Nabisco. Le groupe de tabac et produits alimentaires a empilé les montages financiers complexes pour finalement être totalement démantelé sous la pression des institutions financières. Cette épisode a donné naissance à l’ouvrage “Barbarians at the Gate” des journalistes du Wall Street, Journal Bryan Burrough et John Helyar. Ce livre qui montre clairement les intérêts divergents de l’industrie et de la finance a été réédité plusieurs fois et adapté par HBO. Il semble plus que jamais d’actualité. Les barbares sont de retour !
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