Alors qu’elles sont pour certaines très présentes et actives dans l’économie de la Russie, les banques internationales se retrouvent tirailler entre continuer leurs activités de financement de l’économie en plaidant le soutien à la population, au risque de dégrader leur réputation ; ou bien de cesser toute activité avec le pays pour afficher clairement leur opposition à la guerre, au risque de se mettre en danger.
Partir ou rester ? La question est incontournable pour les banques présentes sur le sol russe. A l’heure ou Goldman Sachs, JP Morgan et Deutsche Bank ont déjà annoncé quitter définitivement le pays, d’autres banque comme Crédit Suisse, bien plus exposées -et rentables- sur ce marché, tardent à décider, cherchant à mesurer précisément leur risque. La Société Générale a annoncé le 11 avril qu’elle cessait ses activités en Russie et signait un accord en vue de céder Rosbank et ses filiales russes d’assurance.
Il faut dire que le marché Russe est lucratif. Une population de 146,9 millions de consommateurs réputés pour leur recherche de qualité, une réserve de gaz naturel (1er mondiale) et de pétrole (8ème mondiale) et ses transactions à financer, et enfin des taux d’intérêts et frais élevés par rapport aux pays d’Europe de l’Ouest. Autre argument de poids, une entité russe permet aussi de couvrir les pays limitrophes. Géographiquement et culturellement plus éloignés des maisons mères, ces pays sont particulièrement importants dans le cadre du commerce international, qui plus est sur le long terme avec la nouvelle route de la soie. Être positionné en Russie, c’est donc disposer d’un HUB eurasien, pont entre l’Orient et l’Occident, et avoir la capacité de réagir à tout changement de balance commerciale au niveau international.
Alors pourquoi certains se replient déjà ? Tout d’abord, pour ne pas risquer leurs réputations. Les consommateurs étant de plus en plus attachés aux valeurs portées par leurs entreprises, donner l’impression de financer une guerre peut faire très mal au bilan d’une banque. Ensuite, pour mitiger son risque réglementaire : avec la chute du rouble et les restrictions drastiques de change, toute banque internationale non sanctionnée devient une cible privilégiée pour faire sortir des capitaux – légitimes ou non -. Enfin, l’enlisement du conflit et les accusations de crimes de guerres font peser la menace d’une escalade des sanctions dans les deux camps.
En restant, d’autres banques – principalement commerciales – choisissent de maintenir leurs services aux clients russes, tout en mitigeant leurs risques. En premier lieu, les menaces de représailles du pouvoir russe en cas de départ sont fortes : elles vont du non-remboursement à la saisie des actifs, en passant par des dangers physiques pour les employés ! Il semble aujourd’hui quasiment impossible de sortir du pays avec toutes ses plumes, à moins de passer par des moyens peu licites … Par ailleurs, la licence bancaire russe étant particulièrement difficile à obtenir, il serait d’autant plus difficile d’y revenir si la situation venait à se stabiliser.
Pour une banque qui sert aussi des clients particuliers, partir reviendrait à abandonner ces derniers, et faire un amalgame entre un gouvernement et ses citoyens, sans parler des répercutions au niveau international par effet de chaine… le risque systémique n’étant pas loin. Elle pourra mitiger ses risques en redoublant d’effort et en communiquant sur ses politiques internes de contrôle des flux de transaction à l’intérieur du territoire, pour éviter au maximum de financer une guerre – et rassurer ses consommateurs.
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